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Les souvenirs refoulés ne disparaissent jamais : la mémoire garde des traces

Email en pied de message
Novembre 2006

bonjour
j'hesite beaucoup à écrire, en réalité j'oscille entre l'envie d'exorciser ça et le refoulement, par crainte de me faire plus de mal que de bien.
J'autorise la publication de ce témoignage dans votre rubrique, mais pas la diffusion de mon adresse email, s'il vous plaît. Vous pouvez en revanche me répondre si vous le souhaitez.

je ne sais pas s'il y a des profils types de personnes que l'on peut harceler, diminuer, sur lesquelles on peut défouler ses angoisses sous forme de violence.
mes parents ont toujours eu des relations très perverses. Ma mère très dominatrice, mon père castré par elle et peu à peu totalement dépressif après des années de mariage. Je ne l'ai compris qu'après une psychothérapie il y a quelques années.

Mes parents et surtout mon père...non pas d'excuse pour ma mère...mes parents se sont mis à me considérer plus ou moins comme leur souffre douleur, celui sur lequel ils pouvaient se défouler, puisqu'entre eux, s'ils se hurlaient dessus sans cesse, au moins il ne tapait pas. C'est sûr que la résistance d'une gamine est réduite.
J'ai commencé à faire de l'anorexie toute petite, j'était très maigre jusqu'à l'adolescence. Les pédiatres ne se posaient pour autant pas trop de questions sur l'éducation que je recevais. On me donnait des fortifiants et voilà...Mes parents ne collaient des "roustes" sévères, m'enfermaient dans la cave etc...et portaient de sévères jugements sur moi.

L'adolescence a été assez terrible. Ma mère avait réussi par la culpabilisation à ce que je m'attache maladivement à elle, et à me dresser contre mon père en me racontant des horreurs sur lui. J'ai fini par ne plus lui adresser la parole, et à prendre pertie pour ma mère lors de leur 2000 è engueulade. Il a commencé à me battre quand elle n'était pas là (une fois devant elle, j'avoue qu'elle n'a pas fait grand chose), et à me harceler, en m'insultant ou méprisant mes amis. Je ne faisais plus venir de copines chez moi par honte totale. Je me souviens un jour où il m'a coincée dans un fauteuil pour me tabasser, et où je lui ai balancé un splendide coup de pied pour me dégager, avant d'aller m'enfermer à double tour en espérant qu'il ne me tue pas...il a proféré plusieurs fois des menaces de mort à mon sujet, devant ma mère notamment.
A l'époque (début des années 90) il n'y avait pas tant de battage médiatique autour des enfants battus. J'avais peur d'être placée en foyer et de perdre mon petit confort bourgeois. Je pense que j'étais aussi grandement sous l'emprise de ma mère qui me disait que franchement, ma vie n'était pas à plaindre. Il y avait de l'argent, une bonne école, et des vacances. Donc je n'ai jamais prévenu qui que ce soit. A part me confier à une amie qui vivait les mêmes douceurs que moi. De son père comme du mien on disait que c'était des hommes terriblement gentils...
quelque chose que je n'ai jamais dit, même au psy qui m'a vu quelques temps...
mon père a fait quelques trucs pas clairs vis à vis de moi...une fois il a ouvert en grand la douche où j'étais en rigolant...une autre fois il s'est tripoté devant moi, mais en cachant tout quand même. Je pense que c'était pour me faire sortir de mes gonds.
J'ai fini par quitter le domicile avant mes 20 ans, pour un logement étudiant. Mon père ne m'avait pas battue depuis quelques années, et ma mère non plus, j'avais grandi.

La relation entre mes parents s'est un peu pacifiée, même si 10 ans après, leur névrose de bourreau à victime est toujours là. Quand à moi je fais comme si tout allait bien.
J'ai eu une histoire suivie avec un garçon par la suite. Puis de 23 à 25 ans, j'ai eu quelques aventures, délibérément de passage.

Un type s'est amouraché de moi. Pas mon style, il n'a jamais voulu en démordre pourtant. J'ai fini par tomber dans ses filets, à coup de sourires et de promesses, de drague alors que j'étais en période blues, je n'avais pas encore fait ma psychothérapie et j'avais un fond très depressif, je le sais maintenant. Je lui avait pourtant dit que je n'étais pas amoureuse, que ce serait un truc "entre copains", pour quelques jours ou semaine...grosse erreur. Il a été violent avec moi une fois, le reste du temps angélique, mais vraiment immature. On a eu quelques rapports consentis. Une fois, il a exigé une relation sexuelle. Je ne voulais pas. Il a écarté mes mains pour pouvoir le faire, avec un visage vraiment dur. J'ai laissé faire. Ce n'est que bien après que je me suis dit que ce n'était pas très normal. J'ai fini par le quitter. Il a voulu me récupérer, en commençant à me harceler au téléphone, alternant séduction, insultes, et appels anonymes. J'ai porté plainte pour harcèlement et une recherche a permis de bien prouver qu'il était l'auteur de tous ces appels. Il n'a jamais voulu cesser. Il a réussi à embobiner tout le monde, et a obtenu un non lieu. Il m'a filé plusieurs fois dans la rue, et j'en passe. Ma deuxième plainte n'a jamais aboutie, ou il a eu encore un non lieu...j'ai changé de N° et d'adresse. Tout ça a duré plusieurs années et je sais maintenant qu'il n'y a aucune protection valable pour les victimes de harcèlement privé. La seule est de changer de coordonnées et de couper les ponts.

C'est un pauvre type, qui a une vie minable. Aujourd'hui, je le croise, je pourrais le ridiculiser en pleine rue tellement mon mépris et ma haine sont grands. Moi j'ai enfin trouvé un équilibre affectif. Je veux tirer une croix sur le passé, ne plus rien remuer.
Mais je me dis que tous ces hommes qui abusent des femmes, en toute impunité dans cette société patriarcale... Ca me dégoûte.

cordialement
X.

Bonjour,
"Exorciser ou refouler" dites vous : dans les deux cas, ces verbes expriment votre oppression et soulignent votre désir de vous en délivrer et de vous soustraire à son influence, preuve que vous n'êtes pas affranchie de la domination du passé, preuve que vous n'êtes pas complètement débarrassée de vos traumatismes, bien que vous en exprimiez la réelle volonté : vous voulez tirer une croix sur votre passé et j'espère que vous y parviendrez mais quelque chose me dit dans votre discours que, malgré un équilibre affectif retrouvé, une certaine angoisse vous envahit parfois : peut-être est-ce la douleur du passé qui resurgit et qui se fraie un passage, jusqu'à réveiller en vous un vécu que vous voudriez "enterrer" ?
Votre révolte est perceptible et tellement compréhensible mais ne refusez pas de prendre en compte vos émotions ; vous vous êtes libérée, grâce à votre courage et votre farouche volonté, d'une situation cruelle ; vous avez réussi à ne pas sombrer et à relever la tête pariant sur l'avenir et vous avez eu raison mais ne dédaignez pas tantôt, la sollicitude et le soutien, que l'on pourrait vous apporter car nous sommes tous fragiles "à force de se battre" et chacun a le droit de se "reposer" quand il voit venir l'épuisement.
Sachez vous protéger en vous accordant le droit à un certain apaisement.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil

bonjour et merci pour votre rapide réponse,

vous avez vu juste. J'ai une angoisse latente qui ressurgit sans cesse : je suis paniquée au milieu d'une foule, j'ai tendance à exagerer l'impact des petites attaques du quotidien, mon conjoint dit gentiment de moi que je suis "misanthrope", et je crois bien que je suis devenue plus ou moins phobique sociale...
J'ai une faible confiance en moi depuis toujours (mes parents me rabaissaient subtilement, jamais je n'ai été tirée vers le haut au contraire, et malgré mes capacités je "n'y arriverais pas"...)
En outre je somatise de plus en plus fréquemment dès lors que je n'exprime pas ces angoisses.
J'ai un certain dégoût du genre humain, et globalement rien ne me surprend plus.
L'idée de maternité m'est totalement inenvisageable alors que mon conjoint est en demande et que je suis dans la trentaine (à quoi bon, la famille n'est pas une référence fiable, la vie est décevante, je ne veux pas endosser la responsabilité d'une existence etc), non seulement par mes expériences mais également celle de mon conjoint dont l'ex-femme nous fait vivre un presque-harcèlement via leurs enfants (grand jeu de la culpabilité et de la mère courage, lettres de pathos régulières via son avocat, victimisation des enfants...)
En bref, oui j'ai une certaine force, mais oui tout est toujours présent, et oui bien des fois je "craque".

Depuis hier je me balade sur des sites comme le vôtres consacrés au viol. En fait j'ai réalisé ainsi que j'avais subi une sorte de viol. Non? Pourtant, je n'en ai aucune "preuve", et finalement "subir" un acte forcé, à l'époque ça ne m'avait pas semblé si ignoble. Pas plus que me faire trainer par mes parents à la cave, où m'obliger à manger sans faim quand j'étais gamine, sous menace de me prendre une raclée... Je ne pensais pas que cela pouvait être qualifié de viol (je voyais cette personne, j'avais déjà eu des rapports consentis avec lui). Ca m'avait juste mis très mal à l'aise, et j'avais eu très peur. Je me souviens quelques jours après d'être partie de chez lui en pleurant sans savoir pourquoi...

Déposer une plainte... je ne veux pas être confrontée à cette personne (j'ai eu assez de mal à couper les ponts et disparaitre de la circulation). Déjà pour le harcèlement j'avais préféré déposer contre X pour ne pas être confrontée à lui. Personne ne va me croire. Il et totalement pervers, très fort pour mentir (pendant son audition, il avait subtilement fait croire que c'était lui qui souffrait d'avoir été jeté, qu'il avait perdu les pédales et qu'il ne recommencerait plus blablabla...le soir même il recommençait son harcèlement).
Qu'en pensez-vous? je ne suis pas sûre que le jeu en vaille la chandelle. Avez-vous entendu parler d'issue juridique positive (condamnation...en tout cas moi ce que je veux depuis le harcèlement c'est juste une interdiction pour cet homme de m'approcher, ce que je n'ai pas obtenu et qui m'oblige à vivre "discrètement") dans un cas comme celui-ci, où une violence sexuelle est dénoncée plus tard?
je suis un peu perdue
merci de votre aide

Moi non plus, je ne suis pas sûre que "le jeu en vaille la chandelle", d'autant plus que la loi est stricte : si la loi 2004-204 du 9 mars 2004 a porté le délai de prescription de 10 à 20 ans pour les victimes d'un viol mineures au moment des faits (délai à compter à partir de la date de la majorité), cette loi est non-rétroactive ; si vous aviez pu encore porter plainte, je vous aurais sans doute encouragée, tout en vous mettant en garde contre le réveil abrupt des images et des émotions que les mots dits et entendus peuvent engendrer afin que vous ne risquiez pas de dévaler seule une pente escarpée qui pourrait être néfaste à votre équilibre durement acquis, même si parfois vous craignez de le voir bouleversé.
Les symptômes, dont vous me parlez, marquent les points faibles de votre "monde" construit malgré la souffrance ; ils soulignent les maillons fragiles de votre personnalité et l'impact des évènements subis et auxquels vous résistez avec ténacité.
Ils sont aussi des signaux, qu'il faudrait peut-être prendre en compte, qui expriment simplement que vous avez besoin d'une certaine forme de renforcement de votre "moi", afin que vous puissiez enrayer cette crainte, légitimement nourrie par vos expériences d'injustice et qui vous empêche, d'accélérer le processus d'épanouissement (de vous-même) et d'émancipation par rapport à ce passé traumatisant.
Vous avez des ressources, en vous, ne vous essoufflez pas jusqu'à perdre votre belle énergie ; préservez vous, en vous arrêtant un moment sur cette "phobie" avant qu'elle ne vous paralyse ; vous avez déjà fait un bon bout de chemin ; accordez vous quelque repos.
Oui, il ya des issues positives aux plaintes déposées mais il y a aussi les exigences de la loi, qui définit des délais de prescription.
Cordialement,
Chantal POIGNANT.

merci pour votre mail
Il s'agit du rapport forcé qui date de 2001 et qui implique la personne qui m'a harcelée (mes parents m'ont au moins épargné ça!) ensuite de fin 2001 à fin 2003, puis qui est retombé sur moi dans la rue en 2005 et a réenclanché immédiatement le processus en me suivant, prouvant que son obsession était encore intacte.
Quoi qu'il en soit, est-ce utile et cela s'avèrera-t-il probant, c'est un autre propos.
Je vis dans l'angoisse de recroiser cette personne, et je ne peux déménager de ville ou changer de métier si facilement. Ce que j'aimerais, c'est pouvoir le mettre à distance, légalement, et éviter qu'il recommence avec une autre. Mon psy me disait que ma seule chance, c'était qu'il fasse une fixation sur une autre! quelle solution! personne ne mérite ça.
Après ça, je me demande dans quelle mesure je n'ai pas un besoin maladif d'être dans une situation d'angoisse par rapport à quelqu'un de mon entourage (mon père, ma mère, un ex, l'ex de mon conjoint qui lui mène la vie dure, la mère de mon ex-conjoint qui était maladivement jalouse de moi etc). A vrai dire, je n'ai pas souvenir d'un moment de ma vie où j'ai été 100% détendue, malgré mon côté "dur" et marrant (je suis plutôt du genre à remonter le moral des copines et organiser des dîners qu'à geindre tout le temps). Peut être suis-je simplement plus réactive aux situations d'agressions, même minimes. J'aimerais que tout glisse sur moi comme sur les plumes d'un canard mais c'est impossible. La contrepartie de cela est que je suis également exigente : la cellule familiale que je construit doit être parfaite ou presque. Interdiction de la jouer en solo, on se soutient, on est soudé, on s'entraide, on se comprend (même tacitement!) et pas l'égoisme, le mépris et la violence qui ont été longtemps mon quotidien. Ca je l'ai compris avec l'aide de mon mari et je mets la pédale douce là dessus, enfin j'essaie.
Je pense sérieusement à aller voi un psy depuis quelques semaines. Mais c'est si dur de trouver quelqu'un de bien, et de déballer tout à chaque fois.
Merci pour votre réponse. (...)
bien cordialement

Bonjour,
Vous n'avez pas été épargnée durant votre enfance et votre prime jeunesse ; or, l'amour que l'enfant reçoit de ses parents ou substituts parentaux forme le socle du sentiment de confiance fondamentale non seulement en soi mais aussi dans les autres et dans la vie en général ; cette confiance originelle donne la sensation que l'on peut se fier aux autres, en toute loyauté ! Vous, n'avez pas eu cette chance et n'avez trouvé votre "salut" que grâce à votre capacité d'initiative et votre volonté d'autonomie ; ce n'est donc pas étonnant que vous soyez exigeante car vous avez dû dépasser un certain nombre de traumatismes, pour devenir celle que vous êtes aujourd'hui ; de la même manière, ce n'est pas non plus surprenant que vous soyez plus sensible à cette angoisse, que nous connaissons tous mais à des niveaux différents, tant vous avez manqué de protection étant enfant ; vous savez, vous, ce que sont les blessures de la vie et forcément, vous êtes plus méfiante, plus vigilante.
Votre réaction est tout à fait normale car vous avez conscience, pour l'avoir vécu, que l'agressivité et parfois même le cynisme, régissent aussi les rapports humains ; maintenant, il vous faut vous convaincre, que l'être humain est aussi capable d'amour et laisser votre psychisme s'ouvrir à des émotions positives auxquelles vous avez droit ; c'est un vrai travail à engager sur vous-même et avec les autres, pas facile, j'en conviens ; accéder à une certaine forme de "légèreté" n'est pas donné à tout le monde, surtout quand il a fallu se défendre si tôt contre l'agressivité ; aussi, ne vous reprochez pas d'être vous-même ; vous vous êtes bien battue contre l'adversité et il ne vous reste plus qu'à préserver, ce que vous avez acquis, par votre seule volonté ; c'est pourquoi, je vous conseillerais de travailler sur ce sentiment d'angoisse pour qu'il ne déborde pas ; plus que d'autres, parce que vous avez été soumise à des évènements douloureux, il vous faut apprendre à "canaliser", ce qui au départ est une sensation "normale", partagée par tous mais ressentie plus durement par ceux qui ont souffert, parce qu'eux connaissent la réalité des souffrances et ont une conscience aiguë du danger.
Par rapport à votre agresseur, seul un signalement et une plainte en justice pourraient permettre l'éloignement de cet individu ; bien sûr, le recours à la justice vous demandera encore des efforts car vous allez devoir formuler et expliquer les raisons de votre plainte ; c'est pourtant la seule solution, qui pourrait avoir un impact sur ce "malade", à part celle suggérée par votre "psy" !
Il est pas inutile d'y réfléchir...
Cordialement,
Chantal POIGNANT.

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