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Les images sont remontées

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Février 2007

Ce n'est pas facile, surtout faute de savoir par où commencer.
Les images sont remontées, massivement, à ma mémoire.
Des bribes m'étaient déjà revenues, depuis je ne sais pas, la naissance de mon fils il y a 16 mois ou mon mariage il y a bientôt 3 ans.
Et la semaine dernière, tout m'a explosé à la figure.
Je me suis relevée, et j'ai écrit, noir sur blanc, à mon mari, "j'avais 10, 11 ou 12 ans, je ne sais pas, et je me suis fait violer".
Voilà c'était posé, écrit, énoncé, dit...
J'avais entre 10 et 12 ans, sans autre précision. J'allais à la piscine seule ou avec une amie tous les mercredis et les samedis.
C'était mon voisin, ou presque, il habitait au bout de ma rue.
Il était aussi à la piscine. Il devait avoir entre 20 et 30 ans à l'époque, je ne peux pas lui donner d'âge, il y a 3 ans encore je le croisais et pour moi au moins il n'avait pas changé.
Je me souviens des attouchements, des caresses, je me revois pétrifiée dans le grand bain. Je me souviens de la pénétration. Pas de violence, juste d'un total abus d'innocence.
C'est très dur de mettre les choses dans un ordre cohérent.
Je pense que je devais le considérer comme un ami, un copain. Nous ne nous parlions, c'est beaucoup dire, qu'à la piscine. Je me suis demandé alors pourquoi hors des bassins il ne m'adressait jamais la parole. Je crois qu'il a, outre celui évident inhérent à son comportement vis-à-vis de moi, "un grain".
Nous faisions du roller avec ma voisine dans la rue, il passait des heures à nous regarder. Il m'a suivie dans la rue, très longtemps, encore il y a 3 ans (depuis j'ai déménagé, mais je reste persuadée qu'il recommencerait). Il m'aperçevait à une terrasse de café, même accompagnée, et il passait et repassait devant. Je n'ai jamais pu, su, voulu, attirer l'attention de mes amis dessus.
Je crois que je commence à comprendre pourquoi.
Et puis j'ai découvert votre site.
Forcément, c'est comme lorsqu'on ouvre le Vidal, on peut se trouver toutes les maladies du monde.
Il n'empêche.
Des désordres ou errances de la libido, aux difficultés relationnelles, somatiques et psychosomatiques, aux conduites addictives ou d'auto-destruction, je me suis aperçu que je les cumulais ou les avais cumulées.
Celle qui m'a le plus troublée est le refus des soins dentaires.
C'est drôle, toutes proportions gardées. J'ai des problèmes dentaires, récurents, répétitifs, que j'ignore, jusqu'à ce que la douleur soit vraiment insupportable (comme celle à l'avant-veille de mon mariage...). Pourtant je n'ai pas peur des dentistes, mon seuil de résistance à la douleur est hors du commun (et ce n'est pas un titre de gloire), je sais bien qu'une bonne anesthésie fait l'affaire, et surtout que les choses ne s'arrangeront pas d'elles-même, que je dois me faire soigner. Mais je ne peux pas. Je ne parviens pas à m'y résoudre.
Bref.
Je ne sais plus bien quoi faire de ce tout qui est remonté à la surface.
J'en ai un peu parlé avec mon mari.
Mais je ne sais pas quoi en faire.
J'ai 31 ans, j'habite au fin fond d'une campagne perdue sans psy(-chologue, -chiatre, -thérapeute) à portée de main.
D'ailleurs j'avais déjà consulté un de chaque il y a plusieurs années, sans arriver à faire ressurgir des choses soigneusement occultées, simplement parce que je me sentais m'enfermer non pas sous une carapace mais dans une forteresse, je me voyais littéralement poser les dernières pierres qui me couperaient des autres.
Est-ce qu'il faut ranger maintenant que c'est ressorti, est-ce qu'il faut creuser, est-ce que... Je ne sais pas, je suis simplement perdue avec ce silence long de 20 ans.
Voilà, il manque des pans entiers de l'histoire et de mon retour à la mémoire, de mes sentiments maintenant, mais des chose s'éclairent, c'est déjà bien.

Quoi qu'il en soit, merci pour ce site.

Bonjour,
Votre témoignage est dense, parce qu'il illustre les mécanismes "d'emprise" qui rendent possible l'abus sexuel chez l'enfant et ce en anesthésiant les réactions de cet enfant face à un adulte adroit dans sa statégie ; en effet, vous ne parlez pas de violences, bien que cet intrusion dans votre intimité en fut une mais de "regard", de "toucher", de parole mais presque "inaudible" et de "faux-semblant", tous ces mécanismes qui vous ont peut-être amenée à douter de la réalité de la situation et qui ont empêché d'interpréter correctement, les manoeuvres de cet individu.
Cette situation a été rendue possible aussi parce qu'à cet âge l'enfant est en phase d'apprentissage et d'acquisition des capacités critiques, ce qui explique une certaine facilité d'opérer sur lui une stratégie de détournement et de captation.
L'enfant à cet âge peine à mesurer la "vérité" de la situation et donc à se défendre de l'agression, parce qu'il n'en a pas vraiment conscience, surtout quand elle se joue sur ce mode plus "subtil" ; l'enfant n'a pas le pouvoir et le temps d'émettre une signification sexuelle par rapport à ces gestes de frôlement, par rapport aux regards encore "indécodables" pour lui, par rapport à une parole séductrice dont il méconnait le sens réel, par rapport à une ambiance diffuse qui piège l'enfant, parce qu'elle n'est pas de son registre.
Alors l'enfant s'abstient de traduire et de vérifier le sens de la situation ; souvent, par un mécanisme de défense, il a recours à ce qu'on appelle "l'amnésie traumatique", laquelle le protège un temps, de la violence de l'effraction, de la violence de l'interprétation ; lire ici :
* http://www.sosfemmes.com/violences/viol_consequences.htm
Pour se souvenir d'une situation particulière ou une relation, il suffit parfois d'une odeur, d'un son, d'un détail, qui vient réactualiser cette relation passée et fait émerger chez la victime toute une série de craintes, de sentiments confus, lesquels peuvent expliquer votre comportement addictif, vos errances comme vous les nommez si joliment et qui ne sont que l'expression d'une angoisse, dont vous redoutiez peut-être le sens, conséquences de l'impossibilité pour vous, d'élaborer et de métaboliser l'expérience de l'abus sexuel.
Aujourd'hui, pour une raison que j'ignore et qu'il vous faudra trouver sans doute, quelque chose a stimulé votre mémoire et vous semblez vouloir revenir sur ce passé enfoui.
Peut-être seriez vous maintenant prêteà entreprendre un travail psychologique qui vous aide à mettre des mots sur vos émotions et vos souvenirs dans le but de recadrer votre expérience, de l'intégrer à votre vécu mais dans un souci constant, de vous protéger d'un point de vue psychique ?
Votre récit est tellement "emblématique" d'un certain mode d'abus sexuel chez l'enfant, que j'aimerais pouvoir le publier, afin qu'il permette à d'autres de trouver la voix ou la voie de l'expression.
Accepteriez vous, anonymement ou non ?
J'attendrai bien-sûr votre autorisation.

Cordialement,
Chantal POIGNANT
Agent de conseil

Vous pouvez le publier.
Anonymement pour l'heure.

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