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J'ai une telle haine contre moi

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Décembre 2008

Bonjour je m'appelle June et j'ai été violée pendant mon enfance ; j'en ai parlé, pour la première fois, il y a peu de temps. J'ai aujourd'hui 24 ans et pour exorciser cette souffrance, je me suis mise à écrire des poêmes sur ce qui m'est arrivée. Je tiens à en partager un que j'ai écris il y a peu de temps. Merci pour votre site internet.

Ma douleur

J'ai une telle haine contre moi
Que chaque jour je mène un combat.
Je veux trouver enfin le bonheur,
Et ne plus jamais ressentir cette douleur.

A peine enfant ma vie s'est écroulée,
Lorsqu'un soir je me suis fait violée.
Pendant cinq ans j'ai subi ces violences,
En m'enfermant dans un trop lourd silence.

Au lieu de parler j'ai préféré me taire,
A chaque fois pétrifiée je me laissais faire.
Mes larmes et mes cris ne l'arrêtaient pas,
Alors je subissais en priant tout bas.

Personne n'est jamais venu me secourir
Petit à petit je me laissais mourir.
Aujourd'hui mes blessures sont trop importantes,
Les fantômes du passé me torturent, me hantent.

Qui peux comprendre ce que je ressens au fond de moi ?
Je me sens tellement seule malgré ces gens autour de moi.
Si personne ne peut me redonner le sourire,
Que me réserve alors l'avenir ?

La solution est peut-être la mort.
Un miracle arrivera-t-il encore ?
Je n'ai guère d'espoir pour la suite,
Parce qu'un homme, un jour, m'a détruite.

June

June, avez vous parlé de cette haine qui s'est retournée contre vous et qui vous immobilise dans votre douleur à un thérapeute ? Vous me dites que je suis la deuxième personne seulement qui reçoit votre parole : serait-ce dire que depuis tout ce temps, vous êtes murée dans un silence insondable ?
Il est nécessaire, pour résister à ce traumatisme terrible, que votre parole soit reprise par un professionnel ; lisez cette nouvelle page qui vous fera peut-être demander une aide appropriée * http://www.sosfemmes.com/violences/violences_psychotrauma.htm
Je suppose que vous avez lu les autres pages concernant l'inceste car il s'agit de cela n'est-ce pas ?
Svp, ne restez pas seule.
Souhaitez vous que nous publiions votre message et si oui, avec quelle adresse ?
Dans l'attente d'un mot de vous.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil

Bonjour,
Tout d'abord, merci pour votre réponse.
J'ai été suivie par une psychologue pendant quelques temps mais, malheureusement, elle a changer de poste et ne peut plus assurer nos rendez-vous. Durant nos entretien, nous avons parlé de mes relations avec mes parents, ma famille mais je n'ai jamais pu aborder le sujet des viols que j'ai subi... J'ai de gros blocages à ce niveau là et ne sait pas comment faire. Mes parents sont au courant de ce que j'ai vécu mais c'est un sujet "tabou" ; ils n'en parlent pas, ni même mon frère qui a subi les mêmes choses (je l'ai appris il y a 2 ans seulement). Donc je ne parle de ma souffrance à personne. Je pense très souvent au suicide et depuis quelques années, je m'automutile ; ça me permet de faire ressortir cette douleur et cette colère qui, au fil des années s'est retournée contre moi. Je n'arrive pas à construire quelque chose avec un homme car je me demande sans cesse pourquoi on m'aime. Je me déteste alors comment accepter l'amour des autres ?
Je sais qu'il faudrait que je recontacte un psychologue, mais je n'y arrive pas. Le pas est trop difficile à faire et ça m'angoisse...
Je voulais aller voir la personne qui m'a violée (mon demi-frère) mais il est très violent, fais régulièrement des séjours en prison et je ne me sens pas trop d'y aller seul ; je ne sais pas ce que je pourrais lui dire mais j'aimerais qu'il me dise qu'il est désolé d'avoir détruit ma vie ; je pourrais peut être prendre conscience que je n'y suis pour rien et retourner cette haine contre lui.
J'ai l'impression d'être dans une impasse, seule, et que personne ne peut me venir en aide. Je souffre réellement et cette souffrance devient même physique maintenant.
Heureusement que, dans ce monde, il y a des gens comme vous. Merci mille fois de nous permettre de nous exprimer sur votre site et, surtout de prendre le temps de nous répondre. Ca réconforte !
Julie

Bonjour,
Je reviens vers vous, notamment à propos des comportements d'automutilation, que vous avez abordés avec courage et lucidité.
Ces blessures intentionnelles infligées à vous-même peuvent avoir plusieurs sens.
Elles sont parfois décrites par les victimes de viols, comme une façon de revenir à la réalité au cours de flash-backs, qui saturent souvent l'esprit des personnes traumatisées ; elles peuvent aussi être une tentative de mettre un terme à un sentiment de dissociation (où la personne se sent fragmentée) et de se reconnecter au sentiment d'exister vraiment ; elles peuvent signifier à quel point les souvenirs d'abus sexuels font mal, d'autant plus qu'ils n'ont pas été véritablement pris en charge d'une manière bienveillante par la famille et qu'ils vous exposent à un sentiment de culpabilité insidieux, dans la mesure où, l'obligation de vous taire, ordonnée par vos parents, vous soumet à un langage paradoxal : en effet, dans votre cas, c'est la victime qui doit se taire pour protéger en quelque sorte le coupable et la famille ; si vous décidiez de porter plainte, comme vous en avez parfaitement le droit, vous seriez suspectée par vos parents de vouloir détruire la famille !
C'est dur à admettre et ce tabou fait le jeu de votre déséquilibre intérieur : vous vous sentez complètement impuissante, d'où aussi ce recours à l'automutilation car la haine, juste, que vous ressentez pour votre agresseur ne peut s'exprimer et se retourne contre vous.
La compréhension de l'étiologie de ces comportements destructeurs à votre propre égard n'est généralement pas suffisante pour en permettre leur arrêt : vous avez en plus d'une écoute et d'un soutien bienveillants, besoin d'acquérir au cours d'une thérapie, des comportements de substitution positifs.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil

Vous venez en quelques lignes de décrire parfaitement ce que je ressens...
Le fait de m'automutiler m'aide à extérioriser cette haine que je me porte ! C'est en quelques sorte un exutoire... Ma mère l'a su et elle s'est énervée sans chercher à comprendre pourquoi je m'infligeais ça. J'adore ma mère et nous parlons de tout, sauf de ce qui fait mal ; j'ai l'impression qu'elle se voile la face en se disant que je suis bien, que j'ai réussi ma vie (je suis
infirmière depuis l'année dernière). Mon père n'en parle pas non plus, car je pense qu'il veut protéger ma belle-mère (la mère de mon abuseur) ; il m'a déjà dit que si j'avais porté plainte, il aurait pu me croire et que ma belle-mère souffrait beaucoup de ça... Je m'en veux déjà d'en avoir parlé car ça a fait souffrir mes parents ; j'aurais du me taire et tout le monde serait bien mieux.
Je ne me sens bien que lorsque j'aide les autres ; lorsque je suis en service (en neurologie), je ne pense à rien car je me concentre sur ces patients qui souffrent et ça me fait du bien de savoir que je leur apporte un peu de bien-être... Dans ma vie personnel, je suis également très présentes pour mes amis et ma famille ; Je me sens utile et j'évite de "broyer" du noir.
Pensez-vous que je m'en sortirais un jour ? J'ai l'impression que j'ai attendu trop longtemps et que je suis dans une impasse... Quel est mon avenir ?
June
Adresse anonyme : juju2524@orange.fr

Bonjour,
Oui, vous vous en sortirez, à condition d'être claire par rapport à votre entourage familial et de prendre du recul par rapport à ce paradoxe qu'ils vous font subir plus ou moins inconsciemment : vous êtes la victime et vous portez tout le poids, les conséquences et donc en quelque sorte la responsabilité d'une faute qui ne vous appartient pas, non pas parce que vous n'êtes pas crédible mais parce que vos parents refusent de toutes leurs forces la réalité que vous avez subie pour préserver le confort psychologique de certaines personnes et le leur.
Quelque part, ils vous dénient le droit de souffrir de ces viols et ... vous obéissez parfois mais la souffrance sort d'une autre manière : par les actes d'automutilation par des actes de compassion dans les soins que vous prodiguez à vos malades.
Sans doute aussi, ressentez vous une sensation de trahison quand la protection de vos parents semble aller à d'autres plutôt qu'à vous.
En fait, vous êtes la victime sacrifiée, pour que le bien-être familial persiste au delà des faits et cette situation terriblement ambivalente ne vous aide pas à vous construire.
Peut-être qu'un travail thérapeutique vous aiderait à prendre de la distance vis à vis de vos parents, en vous amenant à comprendre les mécanismes relationnels qui les poussent à réagir ainsi, afin de pouvoir leur pardonner par la suite toute la souffrance que vous endurez ; il ne s'agit pas de les excuser, d'excuser leur aveuglement mais de vous permettre de grandir hors les murs qu'ils ont érigés autour de votre souffrance parce qu'ils ne sont pas eux-mêmes capables d'y faire face, de vous permettre de vous libérer des entraves avec lesquelles vous êtes reliée à cette famille qui vous condamne à cette impasse justement, faute de pouvoir parler autrement ?

Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil

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