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Ironie du sort ... je suis médecin de protection maternelle et infantile ...

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Novembre 2009

Bonjour, et merci pour toute l'aide qu'a pu m'apporter votre site, que je visite régulièrement depuis deux ans. En cette veille de journée internationale pour l'élimination des violences à l'égard des femmes, je me suis dit qu'il était temps d'y apporter une contribution et vous adresse donc ce témoignage. J'ai été victime de violences conjugales pendant deux ans. Je me suis enfuie une nuit de 2007, après que mon compagnon d'alors ait tenté de me tuer. Ironie du sort... je suis médecin de protection maternelle et infantile...

J'ai beaucoup écrit depuis, pour tenter de me réapprivoiser. Du bien et du minable, des lignes par centaines. J'ai choisi aujourd'hui ces deux textes, le premier daté de janvier 2008, le second d'octobre 2009.

"A toi Salopard, ma colère, pour les insultes, les humiliations, les menaces, les soupçons de chaque instant et la terreur quotidienne

A toi Salopard, ma haine, pour avoir ravagé mon corps et mon âme

A toi Salopard, ma révolte, pour avoir osé appeler ça de l’amour

A toi Salopard, mon dégoût, pour tes miasmes de poivrot

A toi Salopard, mon écœurement à tout jamais, pour avoir voulu faire croire à notre fils que c’est parce que tu le vois trop peu souvent que tu picoles"

"Mon cauchemar est dans l’escalier. Que de fois je t’ai vu passer entre les barreaux, mon tigrou chéri, et tomber dans le vide pour t’écraser plus bas, impuissante à intervenir. Je n’ai jamais vu la fin de ce cauchemar, je m’éveillais chaque fois au bruit sourd du choc de ton corps sur le carrelage, haletante, hurlante, trempée d’une sueur froide aussi glacée qu’un cadavre, aussi impossible à réchauffer. J’ai parfois pu me recoucher, mais jamais me rendormir, submergée d’indicible horreur.

Charognard est mon escalier intérieur, comme l’est celui de notre maison. La nuit de notre fuite, celle de l’ultime folie de ton père, tu dormais dans ta chambre à l’étage, et menacée par ce couteau au bout du bras d’un fou furieux qui hurlait qu’il allait me buter, j’ai pensé un instant à te laisser dormir et à fuir seule pour sauver ma peau. Une pensée-éclair d’une demi-seconde, un abandon fantasmatique que je ne me pardonne toujours pas aujourd’hui et qui a dévasté en moi l’image de la mère.

Pourtant je suis bien montée te chercher, comment aurais-je pu partir sans toi, mon tigrou, et dans cet escalier qui m’a paru cette nuit-là interminable, comme si on y avait ajouté des marches, j’ai pensé que ce fou ne nous laisserait pas redescendre et qu’on ferait la une des faits divers le lendemain. « Une femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son compagnon », disait à cette période la campagne télévisée contre les violences conjugales : j’ai cru que j’allais être la prochaine. Pensé que je serais peut-être obligée de sauter par la fenêtre pour échapper au couteau de ce malade. Puis été comme anesthésiée sous l’intensité de la terreur.

Il nous a laissés passer, je ne sais toujours pas pourquoi aujourd’hui. Peut-être parce que tu étais dans mes bras. En tous cas, il a hésité, et ça m’a laissé le temps de courir ouvrir le portail et de fuir avec la voiture nous mettre en sécurité. Alors seulement mon cerveau a recommencé à fonctionner et les émotions à m’envahir. Il a fallu plusieurs heures pour que je cesse de trembler de tous mes membres.

Je suis vivante, au moins physiquement parlant. Mais ce traumatisme a tué en moi la mère que j’étais avant. Pendant des mois, je n’ai plus été capable de me voir autrement que comme un monstre qui avait pensé à abandonner son enfant. Pendant des mois, ton regard m’a été insupportable parce que je me sentais indigne de toi, de ton amour et de ta confiance. Il m’aura fallu plus de deux ans et une séance hebdomadaire chez la psychologue pour être capable de voir les choses autrement et de poser sur moi-même un regard un peu plus indulgent. Pour reconnaître que la mère que je suis, si différente qu’elle soit de celle que j’aurais voulu être, aura quand même réussi à éviter le pire, à retrouver du plaisir à partager du temps avec toi et à faire de toi un petit garçon confiant, rieur et en paix avec cette page de notre histoire."

Encore une fois merci pour le temps que vous consacrez sur ce site à lire les témoignages et à y répondre.

Prune

Vous pouvez publier ce témoignage si cela vous semble utile, ainsi que l'adresse mail, qui est bien sûr un pseudonyme.

prune.desbois@laposte.net

Bonjour,
Oui, votre témoignage est utile car il démontre que la violence touche tous les milieux, que chaque personne peut se retrouver piégée par la haine qui, dissimulée d'abord sous le visage de l'amour, s'avère particulièrement redoutable parce que témoignant d'un processus pervers.
Sachez mesdames que toute personne qui frappe ne peut avoir l'excuse de l'amour ; toute personne qui frappe est haineuse : haine de l'autre et haine de soi-même. La haine n'est pas un amour fou, c'est la haine de l'amour, une "disposition méchante propre à la perversion" (Stoller Robert).
Ne soyons pas dupes et restons vigilants car derrière la moindre violence se met en place un processus haineux de destruction, de désintégration, qui va dans le sens de la privation et de la mort (Joan Rivière).
Bien sûr, la personne violente exprime sa propre souffrance, sa propre frustration et son intense besoin d'être réparée, mais sa victime n'est pas en mesure de le faire.
Alors, ne rêvez pas et fuyez, sans oublier de porter plainte.
Merci pour votre témoignage.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil

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