Bonjour,
   Ma mère est victime de violences psychologiques de la part de mon   père, et ce depuis de longues décennies. Il y a longtemps que j'essaie   de la convaincre, arguments à l'appui, de mettre un terme à tout ça mais   elle n'a jamais consenti à se séparer de cet homme que je considère   maltraitant. D'abord sous prétexte de pouvoir "finir de nous élever" mon   frère et moi, et ensuite .. et bien j'avoue que je ne sais pas   vraiment ce qui l'a toujours empêchée de le quitter. La force de   l'habitude sûrement .. quoi d'autre ?? 
  Je ne vais pas vous exposer ici l'histoire de notre carré familial,   mais vous en donner un bref aperçu en vous disant que notre famille a   toujours été "en crise", que la  "dynamique", les interactions   ont toujours été grandement dysfonctionnelles ... et le restent encore à   ce jour. Des failles qui, aujourd'hui, sont de véritables crevasses   (néanmoins j'ai toujours conservé d'excellents rapports avec ma   mère.) Mon père ne s'est jamais occupé de quoi que ce soit au sein du   ménage. En plus de son activité professionnelle, ma mère a toujours tout   assumé, tout géré seule, éducation des enfants, tâches ménagères,   gestion des comptes ... n'a cessé de composer pour éviter les tensions   .. les débordements d'humeur ..  Mon père est un homme qui ne parle pas,   qui ne manifeste aucun sentiment hormis la colère, un homme avec   qui toute discussion est impossible, je dis bien: impossible. 
   Aujourd'hui, à 75 ans, maman est tellement épuisée physiquement et   brisée mentalement, sans plus aucune volonté, qu'elle est incapable de   prendre cette décision qui, pourtant, s'impose depuis si longtemps déjà.   Elle n'est même plus "pleinement consciente" de ce qu'elle subit   quasiment au quotidien et continue "d'encaisser" sans rien dire, ou   presque. Sans cesse rabaissée, brimée, délaissée, ou tout   bonnement ignorée, dans le meilleur des cas .. Elle est dépressive,   résignée.. et esseulée. Auprès d'elle, une amie qui, hélas,   concrètement, ne peut rien faire d'autre que lui apporter un soutien   moral tout relatif et quelques rares distractions. Aucune vie sociale,   aucune vie familiale .. Il y a un peu plus de 10 ans que mon frère et   moi sommes en conflit fermé avec mon père, ne supportant plus son   caractère plus qu'irascible, ses reproches incessants envers ma mère, à   tout propos, son alcoolisme chronique .. Nous refusons de nous rendre au   domicile familial depuis tout ce temps et ma mère ne nous voit que   rarement, lorsqu'elle nous rend visite ( j'habite Marseille, mon frère   Montpellier, maman dans le centre de la France).
  Il m'a fallu des années pour parvenir à la persuader d'aller consulter   un psychiatre afin de soigner sa dépression chronique. Elle est   régulièrement suivie et "médiquée" maintenant mais j'ai la nette   impression que rien n'avance. J'avais espoir que l'avis professionnel   d'un tiers, sans composante affective, déclencherait quelque chose, lui   ouvrirait les yeux .. mais non, sa souffrance psychologique est toujours   là et maintenant sa santé se détériore. Souffrance que j'impute à   toutes ces années de "dur labeur conjugal" acceptées passivement. De   plus, elle s'est réfugiée dans les jeux d'argent et a développé une   addiction qui aujourd'hui la contraint à vendre un des deux biens   immobiliers qu'ils possèdent (et dans lequel elle vit quasiment seule)   pour rembourser les dettes contractées depuis bien longtemps. Je sens   bien qu'elle est presque prête à profiter de cette "opportunité" pour   enfin franchir le pas, mais je sais qu'elle n'y parviendra pas seule, et   je ne sais vraiment pas comment l'aider dans ses démarches. Je suis   tout aussi démunie, alors: 
1/ Où puis-je me renseigner? .. vers quel tiers me tourner pour obtenir des infos afin de l'aider à se séparer de mon père ?  
2/ en tant que fille légitime, ai-je des recours juridiques pour la   "protéger"  .. même si je pense qu'elle n'est pas physiquement en danger   ? ( je n'en suis pas totalement sûre .. )
Merci de votre "écoute"
Bonjour,
Je vais sans doute vous surprendre en vous répondant que votre maman n'a peut-être pas l'envie de se sauver ou d'être sauvée.
Au risque de vous paraître cynique, j'ai le sentiment qu'il est trop   tard pour faire ces "renoncements nécessaires" qui lui permettraient de   sortir de sa situation sacrificielle dans laquelle elle s'est depuis   longtemps investie et développée et qu'elle aurait pu quitter comme vous   le notez d'ailleurs.
C'est cette dimension sacrificielle qui vous fait terriblement peur et   que vous détestez (tout en reconnaissant qu'elle aurait pu, encore une   fois, partir) tout autant que le spectacle affligeant de votre mère en   proie aux brimades de votre père.
Votre mère a trouvé un moyen, malheureusement, pour vivre "hors les   murs" mis en place par votre père (mais acceptés par elle) : son   addiction aux jeux d'argent et ce "moyen" s'apparente encore à une   dépendance tout comme elle est dépendante, même dans le malheur, de   votre père.
"La dépendance est une relation contraignante, plus ou moins acceptée   avec un être, un objet, un groupe, une institution et qui relève de la   satisfaction d'un besoin".
C'est une manière de "contre-investir" une réalité psychique interne défaillante ou menaçante.
"Le sujet, en perpétuelle menace dépressive, d’effondrement de son   unité, va chercher à l’extérieur les étayages, les réassurances   narcissiques qui lui font défaut à l’intérieur. Il convient de ne pas   confondre les événements déclenchants, les souffrances actuelles variées   et nombreuses que nous pouvons appeler l’élément déclenchant ou le   second temps du Traumatisme, avec le premier temps du Traumatisme,   précoce, archaïque, in utero ou transgénérationnel comme nous l’avons   décrit."
Le problème de votre maman est à situer, au delà de la présence de votre père, dans une lutte interne avec elle-même.
Autrement dit, même si je ne nie pas et je n'excuse pas le comportement   de votre père, je pense qu'il n'explique pas l'extrême vulnérabilité de   votre maman.
Bergeret affirme ainsi que la clinique des conduites addictives, quel   que soit le type d'addiction, nous ramène toujours à des carences   narcissiques précoces entraînant des vécus dépressifs.
Par rapport à ce symptôme (le jeu d'argent), vous pouvez réagir, s'il   met en péril gravement les finances de votre maman (qu'en pense votre   père ?) en demandant éventuellement une curatelle.
De même, si vous considérez que son état se dégrade mais cela ne résoudra pas le problème de la rupture avec votre père.
Sur cette question, vous ne pouvez qu'espérer que la thérapie fasse ses effets...
La meilleure façon d'aider votre maman serait de lui permettre cette   prise de conscience de sa précoce vulnérabilité tout en ne niant pas la   conduite intolérable de votre père.
Croyez vous qu'elle parle ouvertement de cette addiction au psychiatre ?
Vous imputez sa souffrance à toutes "ces années de dur labeur conjugal"   certes mais je suis certaine qu'elle était déjà présente en elle, plus   diffuse, plus masquée...
Par rapport à votre demande d'infos, je vous conseille vivement, de   contacter un centre d'informations sur les droits des femmes ; vous y   aurez des renseignements juridiques gratuitement : cliquer ici
J'aimerais pouvoir publier votre témoignage, avec ou sans votre adresse mail, car il est très intéressant.
Me le permettez vous? 
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Agent de conseil
 Tout d'abord, merci pour votre réponse "éclair", croyez bien que c'est   appréciable. Vous avez mon accord pour publier mon témoignage, sans mon   adresse mail toutefois.
 Je suis à peine étonnée de vous "entendre" me dire que,   finalement, maman ne veut peut-être pas être sauvée, se sortir de cette   déplorable situation. J'avais envisagé cet état de fait et à vrai dire,   pensais pouvoir passer outre, au vu de sa grande détresse psychologique.   Effectivement, cette notion de sacrifice dont vous parlez existe bel et   bien dans son esprit: j'ai l'impression qu'elle s'impose cette vie (   qui n'en est pas une ..) d'une part, pour ne pas reproduire le schéma   de ses parents qui ont divorcé ( ce dont elle a souffert, c'est sûr .. )   et d'autre part pour expier ce qu'elle considère sûremment comme des   fautes :
1/ avoir subi un viol pendant la guerre, révélation qu'elle m'a faite il y a peu .. 
2/ avoir eu un enfant naturel (mon frère; né d'une relation adultérine)   que mon père a reconnu bébé lorsqu'ils se sont mariés .. elle était   alors mère-célibataire. 
2/ ne pas avoir su se faire aimer de sa propre mère, qui lui préférait ouvertement mon oncle ..
 Mais, voyez-vous, de mon point de vue, ce ne sont pas des "fautes" et   rien de tout cela ne justifie pareil "sacrifice", d'endurer pareil   traitement ! .. J'avoue que je ne la comprends pas .. Ce fatalisme, cet   immobilisme m'affligent et j'oscille régulièrement entre colère et   désarroi .. Je pense qu'elle est consciente de sa grande vulnérabilité,   de la pénibilité de ses jours, mais n'a aucune volonté pour faire bouger   les choses. Nous en discutons très souvent, elle reconnaît que sa vie   n'est pas "normale" .. mais c'est bien tout .. 
Je suis réellement déstabilisée par cette hypothèse de dépendance envers   mon père qui expliquerait le fait qu'elle n'ait jamais pris la décision   d'entamer une procédure de divorce. C'est un choc pour moi !  Comment   peut-on être dépendant d'une personne qui vous fait tant de mal ?
Diriez-vous qu'elle se complaît, inconscienmment peut-être, dans un statut de "victime"  tout en en souffrant ?
Quoiqu'il en soit, j'estime qu'elle mérite une meilleure vieillesse,   qu'elle a droit à du "repos", elle est d'accord sur ce point-là, dit en   avoir assez, être fatiguée de ces conditions de vie, mais ne fait   rien pour obtenir cette tranquillité .. et continue de composer au jour   le jour .. inlassablement. Quant à moi, je ne peux pas admettre qu'il   est trop tard pour pouvoir aider ma mère à retrouver une vie digne de   ce nom. C'est très difficile pour moi.
 Avec le peu d'éléments que je vous ai fournis, diriez-vous alors qu'il   est fort probable pour que ce soit nous, les enfants, et seulement nous   qui souhaitons cette séparation ? .. bien plus que maman elle-même ? et   qu'il ne faut pas envisager de prendre cette décision à sa place ? .. de   forcer la mise en route d'une séparation ? .. car telle est mon   intention aujourd'hui. L'appartement est pratiquement vendu à l'heure   qu'il est et elle m'a clairement dit qu'il n'était pas question qu'elle   emménage dans leur maison de campagne où vit mon père la plupart du   temps. Pas question de l'avoir sur le dos 24h/24 .. ce sont ces propres   mots. Elle cherche un appartement à louer, fait que j'ai interprété   comme un premier pas .. nous en avons parlé mais force est de   reconnaître qu'elle n'a jamais parlé de réelle séparation. En fait, je   crois qu'elle compte repartir sur le même schéma de vie : deux lieux de   vie ( parce-qu'il y a longtemps qu'ils ne se supportent plus ) mais elle   continuera de faire "la boniche-intendante" pour lui .. et de subir son   comportement inqualifiable .. Elle n'a que les inconvénients, les   mauvais côtés de cette union désastreuse. Quel intérêt ?? .. quitte à   être seule, autant que ce soit pour de bon et en paix ! .. Qu'en   pensez-vous ?  De plus, elle souffre de ne pouvoir nous voir, mon frère   et moi, nous sommes dans une impasse .. cette situation est pesante, je   me sens impuissante, la savoir "engluée" dans un tel quotidien est   vraiment devenu insupportable au fil du temps.
 Je reconnais éprouver aussi de la culpabilité, être partie loin .. pour   fuir tout ça .. dès que j'ai pu .. et aujourd'hui, c'est peut-être   avant tout le moteur de ma démarche. Je ne sais pas. J'avoue que je me   pose beaucoup de questions. J'ai de plus en plus de mal à continuer de   "tolérer" la situation et parfois me demande même si, en fait, je   n'essaierai pas, par ce biais-là, de "régler mes comptes" avec mon père   .. Je suis perdue .. Je suis bien consciente que nous aurions tous   besoin d'entreprendre une sérieuse thérapie familiale .. avec tous ces   non-dits qui planent .. ces squelettes dans les placards qui n'en   finissent pas de prendre la poussière .. mais c'est tout simplement   inconcevable dans le contexte. 
 Vous me dites qu'il faut simplement attendre les bénéfices de son suivi   psychologique, sans intervenir ? .. la laisser faire son "chemin   intérieur" en espérant un mieux être prochain ? .. Je vais être franche,   ce n'est pas acceptable pour moi. Connaître les raisons, les mécanismes   psychologiques qui ont conduit ma mère à cet état de passivité, c'est   une bonne chose, certes, mais il me semble que même si mon père n'a pas   tous les torts (je veux bien le reconnaître), que ma mère était très   certainement fragile bien avant de le rencontrer, je continue de penser   que cette pseudo vie maritale infernale doit prendre fin. Je sais très   bien qu'une séparation ne résoudra pas ses problèmes personnels, ses   traumatismes profonds, mais à défaut d'être heureuse, elle aura une vie   calme et tranquille, sans cris, sans reproches, entourée de ses   enfants et sera libre de faire ce que bon lui semble, à l'heure où ça   lui chante. Voilà ce à quoi j'aspire pour ses vieux jours déjà bien   entamés, mais à vous lire, il semblerait que bousculer ses "habitudes",   si mauvaises soient-elles, serait très déstabilisant pour elle. A mes   yeux, cela ne saurait être pire que de continuer à vivre "accrochée" à   un homme maltraitant. 
Ce problème d'addiction au jeu (sorte de refuge; vos lignes me   l'ont fait comprendre) n'est apparu qu'il y a une dizaine d'années   seulement, quelque temps après l'annonce de la séropositivité de mon   frère, en fait. Elle en parle avec son thérapeute et m'a assuré qu'à ce   jour, il était réglé. J'avais "épongé" quelques dettes, par deux fois,   et avais été très ferme et plus que "menaçante" à ce propos en lui   disant qu'effectivement, je n'hésiterais pas à enclencher une demande de   procédure de mise sous curatelle si elle persistait à jouer. J'avais   d'ailleurs suspendu les procurations qu'elle possédait sur mes comptes à   l'époque, pour me protéger et aussi dans l'espoir de la faire réagir.   Je crois que la perspective de perdre complètement ma confiance l'avait   aidé à se ressaisir. Quant à mon père, je ne sais pas ce qu'il pense du   problème d'addiction au jeu de ma mère .. juste ce qu'il en a dit une   fois mis au courant :" tu n'as qu'à te démerder" .. je cite. Tout comme à   moi, elle le lui a longtemps caché (c'était facile puisqu'il ne gère   rien) jusqu'à ce que je la pousse à lui avouer ses dettes de jeu et lui   fasse comprendre que mes épaules n'avaient pas à supporter le poids de   ses "démesures". Mon père se laisse vivre .. il a toujours laissé ma   mère s'occupait de tout, se débattre avec les problèmes et n'a jamais   été d'aucun secours .. en quoi que ce soit .. son attitude a plutôt   contribué à maintenir la tête de ma mère sous l'eau .. Je lui en veux   pour ça aussi. 
Maman m'a toujours fait partager ses soucis, et j'ai souvent eu   l'impression que les rôles étaient inversés .. mais je suis son seul et   unique soutien, depuis toujours.  
Contrairement à ma mère, je n'ai jamais nié la conduite déplorable de   mon père mais n'ai jamais eu (su me donner .. ? ) les moyens de la   "contrer" .. Je ne vous cache pas que je redoute plus que tout un   affrontement avec mon père, mais pensez-vous qu'il faille l'envisager   dans l'intérêt de ma mère ? .. tout en sachant pertinemment que rien ne   changera .. et au risque d'envenimer la situation déjà précaire ? 
 
Comment peut-on être dépendant d'une personne qui vous fait tant de mal ?
          Bonjour,
            Le sacrifice est en effet une sorte de traitement de la culpabilité.
            S'il l'entretient, il la tempère et surtout, la canalise.
            Il donne l'illusion d'avoir prise sur le mal.
            En fait, votre mère forme une sorte d'alliance avec votre père.
            Et, finalement, les victimes de cette "alliance" seraient peut-être, vous les enfants, si vous n'aviez pas "fui".
            Et on voit bien d'ailleurs, l'impact de cette situation sur votre propre   psychisme (révolte et culpabilité), situation à laquelle votre maman   plus ou moins consciemment ou inconsciemment, a tenté de vous faire   adhérer puisqu'elle vous faisait partager ses soucis.
            Ce n'est pas à vous d'affronter le mari de votre mère.
            Ce n'est pas à vous d'affronter la vie de votre mère ou plutôt ses rapports avec la mort.
            Car le "sacrifice" peut aussi provoquer un allègement de la dépression,   comme une prothèse, qui aide paradoxalement votre mère à "vivre".
            Jusque là, votre maman a "assumé" cette situation ; elle vous fait part   aujourd'hui de son "envie" d'être tranquille et elle en a les moyens   financiers puisqu'elle gère le budget.
            Encouragez la dans cette perspective : habiter seule dans un appartement   mais laissez la, si elle le veut, régler ses comptes avec son mari.
            Ne réglez pas effectivement vos comptes avec votre père à travers elle.
            Protégez vous!
            Merci infiniment pour votre autorisation  : je respecterai votre anonymat.
            CP
  
            Bonjour,
            Merci pour vos précieux conseils, j'ai pris plusieurs jours pour pouvoir   "digérer" vos lignes qui, je l'avoue, m'ont bouleversée. Si je   comprends bien votre point de vue, maman s'est construit une sorte de   "cabane thérapeutique" dans laquelle il faut la laisser "vivre"  sous   peine de la voir "dysfonctionner" plus encore, s'enfoncer un peu plus   dans la dépression .. et accepter cet "enfermement" comme un moyen   d'avancer tant bien que mal dans ce qui est SA vie .. mes intentions   seraient donc, au final, plus destructrices que "bienveillantes" ..   salvatrices .. 
            J'ai bien compris qu'il me fallait différencier les statuts (le mari de   ma mère) mais quant à mes (non)-rapports avec mon père, qu'entendez-vous   par " protégez-vous" ?  
  
            Bonjour,
  "Vous protéger", ce serait ne pas tomber sous l'emprise du   fonctionnement dépressif de votre mère, laquelle "vit" effectivement   sous ce mode là parce que c'est peut-être un "moindre mal" :  "Ainsi, l’état dépressif, écrit Pierre Fédida, s’entend plus comme un   processus de défense que comme un processus résultant d’une perte, d’une   séparation, d’un deuil. Se rendre inanimé, en présence de trop fortes   excitations extérieures ou intérieures, pour rester en vie", pour   préserver le psychisme finalement. Voilà l’état déprimé.
            Et puis : Le chemin est difficile, rocailleux, douloureux, voire   impossible pour certains. Sacrifier notre symptôme, c'est ouvrir les   yeux sur notre réalité, qu'elle soit souffrance ou potentiel de Vie.   C'est le Sacrifice de l'innocence dans le sens du "je ne veux pas   voir"...
            Votre expression "cabane thérapeutique" est fort juste !
            Vos intentions ne sont pas destructrices : ce sont des intentions   bienveillantes et légitimes mais je doute que votre mère ait la   capacité, la réelle envie de s'y adapter.
            Vous ne pouvez que l'encourager dans ses intentions de vivre   "tranquille", c'est à dire éloignée de son époux, mais n'essayez pas de   la "sauver"de lui et d'elle-même.
            J'espère qu'elle investit toujours sa "thérapie" lors des consultations.
            Cordialement,
            CP
  
            Bonjour, 
   Oui, maman me dit participer activement à sa thérapie, d'ailleurs, elle   a de bons rapports avec ses thérapeutes et je sais qu'elle fait des   efforts mais l'entendre dire que "plus rien ne la touche" et   constater ce réel détachement vis à vis de sa situation est tout   simplement effrayant!  Il me semble qu'elle se trouve dans le   renoncement le plus complet .. un désinvestissement total par rapport à   ce qui pourrait lui arriver ou pas.
    Je n'ai pas l'impression d'être sous l'emprise du fonctionnement   dépressif de maman qui ne se plaint pas de son "sort" (si tant est que   je comprenne bien ce qu'implique cet état .. ce curieux rapport   mère/fille qui pourrait être le nôtre). Je dirais plutôt que c'est moi   qui vis de plus en plus mal la situation, crise de remise en question de   la quarantaine ?  Maman n'est pas "en demande", ne l'a jamais été   d'ailleurs. J'ai le sentiment qu'elle vit ça comme une fatalité et c'est   d'autant plus désespérant .. Mais si tel est le cas, comment me dégager   de cette emprise? .. J'aime ma mère de tout mon coeur, je n'ai jamais   été insensible à sa condition mais aujourd'hui, j'ai vraiment   l'impression d'être arrivée au bout de ce que je suis capable de   supporter vis à vis de cette situation, qui me mine .. qui me ronge ..   réellement .. Ce sentiment de grande impuissance alterne sans cesse avec   celui de la colère .. c'est épuisant .. Vos éclaircissements quant au   fonctionnement personnel de maman me permettent de mieux comprendre ce   qui se passe depuis tant d'années et d'essayer de l'accepter le plus   sereinement possible, je vous en remercie, mais en me relisant j'en   viens à me demander si, au final, je n'aurais pas, moi aussi, besoin   d'un soutien psychologique pour mieux vivre .. hum .. je suis perdue .. 
  
            Bonjour,
            Vous voudriez "ranimer" votre mère mais, comme vous l'écrivez, elle ne   demande pas ce soutien ; peut-être souhaite-t-elle simplement un   "accompagnement" sur ce chemin du désinvestissement, ce qui est   redoutable pour vous car il est légitime de craindre le trou, le vide,   laissé par le propre désinvestissement de la mère "morte"   symboliquement.
            Ne vous sentez surtout pas mal à l'idée d'avoir "échoué" dans la   construction d'une mère suffisamment "vivante"et donc "bonne", vous n'en   êtes pas responsable.
            Mais encore une fois, protégez vous, en maintenant de la distance non   seulement physique mais aussi psychique d'avec cette maman quelque peu   "mortifère".
            Acceptez justement ce sentiment d'impuissance qui vous anime et renoncez à "sauver" votre maman.
            Dénouez ce lien et conservez (pour pouvoir conserver aussi) votre force de vie.
            Bien sûr, vous avez besoin d'être soutenue car ce type de situation est terriblement épuisant.
            Cordialement,
          CP