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Message ou FAQ

 

Toute fois je pense que vous faites fausse route

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Février 2011

Bonjour,
Je viens de monter mon auto-entreprise qui s'appelle " stop aux agressions. Je suis instructeur de self défense et d'auto défense. J'ai lancé cette entreprise dans le but de former des professionnels (agents de sécurité,vigiles de discothéques, etc etc.) et de donner des stages aux particuliers car aujourd'hui ce n'est pas un luxe de savoir se défendre.
Toutefois, j'aurais aimé avoir votre avis! Est ce que faire un stage pour des femmes victimes de violences conjugale pourrait leur être utile.
En espérant vous lire bientôt.
Cordialement.
Philippe V.
 
Bonjour,
J’ai bien reçu votre message et viens d’en prendre connaissance, avec étonnement, ne sachant pas où  vous avez pu vous procurer mon adresse mail. Le fait que vous soyez sensible à la problématique de la violence conjugale et que vous ayez le souhait de proposer une solution me touche. Toutefois je pense que vous faites fausse route en imaginant des stages d’auto-défense à destination de femmes victimes de violences conjugales. Mon avis est évidemment à nuancer, dans la mesure où je ne suis pas représentative de toutes les femmes victimes de ces violences. Cependant je ne crois pas être trop dans l’erreur en affirmant que ces femmes ne veulent pas apprendre à se défendre pour être « à armes égales » et faire de leur vie conjugale une aire de combat : elles souhaitent simplement que la violence cesse. Par ailleurs, je ne suis pas du tout certaine que le fait de connaître des techniques de défense serait efficace dans ce contexte. Les violences conjugales ne sont pas des agressions comme les autres. Rien à voir avec une attaque dans la rue, dont on ne connaît pas l’auteur : il s’agit de violences qui s’exercent au domicile, c'est-à-dire là où l’on est plutôt sensé être le plus en sécurité. Et l’auteur n’est pas un inconnu mais un homme qu’on aime (ou qu'on a aimé), sensé lui aussi être protecteur et sécurisant. Les victimes de violences conjugales sont donc confrontées à une totale perte de repères. Enfin le « succès » d’une situation de violence conjugale ne réside pas dans l’inégalité de force physique, mais dans la manipulation psychologique, qui aboutit à une emprise dont il est très difficile de se dépêtrer : au bout d’un certain temps, la victime ne pense plus par elle-même mais en fonction de ce qu’elle croit que pense l’agresseur. Cela entraine une « paralysie » psychologique qui rend la victime incapable de se défendre, en aurait-elle la force et les moyens, et qui lui fait même croire que la situation est normale et qu’elle a mérité les coups qu’elle reçoit.
Un peu d’autobiographie pour illustrer mon propos. J’ai vécu 4 ans avec un homme qui est passé insidieusement d’amoureux exemplaire à jaloux puis violent puis très violent, jusqu’à une tentative de meurtre. Je n’ai aucune connaissance en matière d’auto-défense, mais je ne suis pas ce qu’on appelle communément une faible femme, ni psychologiquement ni physiquement. Mon agresseur était « à ma portée » (pas très grand ni très costaud, une petite dizaine de kilos d’écart seulement avec moi, et sur la fin très imbibé d’alcool, donc sans équilibre et ralenti). Pourtant j’ai été incapable de me défendre. J’aurais pu être ceinture noire de karaté que cela n’y aurait rien changé. J’étais tétanisée, incapable de répliquer, incapable de me protéger, incapable de fuir. Jamais je n’aurais pu porter un coup à cet homme pour sauver ma propre peau. Le soir où il a finalement tenté de me tuer, j’aurais sauté par la fenêtre du premier étage plutôt que d’avoir le moindre réflexe de défense. Je dois la vie à la présence de notre fils de 18 mois : voyant que je l’avais dans les bras et que je me préparais à sauter avec lui, son père a baissé son couteau et m’a laissée passer. La seule et unique fois où je l’ai affronté (et j’ai d’ailleurs eu le dessus, après l’avoir mordu jusqu’au sang), c’était aussi pour protéger mon fils. Et le pire, c’est que le seul sentiment que j’en ai tiré est…,de la culpabilité !
Voilà pourquoi je ne crois pas que les femmes victimes de violences conjugales pourraient être un public pour vos stages.
Cependant vous pouvez comme tout le monde faire quelque chose pour lutter contre la violence conjugale : nous pouvons tous élever nos enfants dans le respect de la vie humaine, de soi et d’autrui.
Cordialement,
Prune

Bonjour,
je ne vois aucun inconvénient à ce que la réponse que j'ai faite à ce monsieur soit publiée si vous le souhaitez. En vous prévenant de la réception de ce courriel, mon objectif était de vous informer de l'utilisation qui peut être faite de l'adresse m
ail des personnes qui témoignent sur le site. Si la publication de ma réponse peut permettre que d'autres victimes se trouvent moins démunies devant des propositions aussi inadaptées, cela va tout à fait dans le sens de ma démarche.
Cordialement,
Prune
l'adresse mail que j'utilise est anonyme, si nécessaire vous pouvez la faire figurer)
* prune.desbois@laposte.net 

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