|  Ça fait quelques semaines que je vais bien
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en pied de message
 Mars 2011
 Bonjour,Je vous avais envoyé un mail il y a quelque mois, vous m’avez
        répondu et ça m’a aidé. Après coup peut-être, le temps de
        comprendre réellement ce que vous vouliez dire. Ça fait quelques
        semaines que je vais bien. Vraiment bien.
 Quand je me lève le matin, je n’ai plus mal. Je passe mes
        journées sans ce poids monstrueux dans ma poitrine. Parfois, c’est
        même le vide complet en moi.
 J’ai voulu répondre à 1 ou 2 femmes qui avaient laissé un
        témoignage ; celles qui me faisaient penser à moi, à ce que
        je ressentais à l’époque. Je voulais tenter de leur expliquer ce
        que j’avais fait, leur transmettre le pardon que je m’étais
        accordé. Et puis, je me suis dit pourquoi seulement cette personne ?
        en fait, si vous pensez que ce que j’ai à dire peut aider,
        j’aimerai publier ce mail dans votre rubrique.
 Quand vous m’aviez répondu, vous m’aviez expliqué que
        c’était une partie de moi qui me jugeait excessivement et que pour
        m’en sortir je devais me pardonner, à moi-même. Je comprenais les
        mots et le sens de votre phrase. Mais en fait, ça restait abstrait
        pour moi.
 Puis une nuit, j’ai compris. J’ai compris que ce n’était
        pas les autres qui me voyaient comme une salope ; c’était
        moi.
 J’avais quitté cette vie et ces gens peu fréquentables. Je me
        suis fait un petit cocon avec des gens biens, puis je me suis ouverte
        et je criais haut et fort que je n’étais pas une salope, qu’aucune
        fille n’était une salope, que j’étais bien, que la vie était
        belle. Les gens qui pensaient que j’étais une salope étaient des
        abrutis que je méprisais.
 Quand j’ai commencé à fréquenter un garçon, le premier après
        ce qu’il m’était arrivé, j’ai été un peu ébranlée.
        C’était pas une relation stable, sérieuse ; j’étais sans
        repère. Aujourd’hui je me rends compte de l’erreur que j’ai
        faite alors qu’à ce moment-là, je pensais que ça m’aiderait à
        avoir confiance en les hommes (en écrivant cette phrase, je me rends
        doublement compte de cette erreur, mon problème n’était pas les
        hommes mais moi-même). Peu de temps après, j’ai fait un
        cauchemar. Ce cauchemar qui m’a fait réaliser que j’avais été
        violée. J’ai mis tout de même un temps avant de le comprendre, de
        m’enlever cette culpabilité. Pourquoi ne m’être pas défendue ?
        pourquoi avoir continuer ma vie normalement ? pourquoi ne pas le
        croire responsable, lui ? Je crois que ce sentiment de
        culpabilité lié à celui de sous-estime est le plus douloureux de
        ce que je n’ai jamais ressenti. Se rappeler cette sensation d’être
        rien, d’avoir été privé de ses réactions, de son estime, ne
        plus être une personne, un être humain, moins qu’une chose, c’est
        monstrueux. C’est le pire.
 Entendre les gens dire que j’avais été violée m’a enlevé
        de ce sentiment de culpabilité, et on ne se l’entend dire jamais
        assez. Quand quelqu’un vous dit « raconte-moi ce qu’il
        s’est passé, peut-etre que tu n’as pas été violée »,
        bien que ça parte sûrement d’un bon sentiment (celui de faire
        disparaître le problème), ça fait peur. On a justement peur que
        l’autre en face te dise que tu n’as pas été violée, que tu as
        tort, parce qu’alors cela signifierait que c’est ta faute, que tu
        n’as rien fait, que tu es une débile. Ça te terre dans ton
        silence. T’as pas le droit de souffrir.
 Mais j’ai essayé de tenir bon, de croire que c’était sa
        faute à lui.
 Il y avait Moi qui me battait, qui décidait de la fille que
        j’étais, celle qui ne serait ni une salope, ni soumise à la
        volonté des autres. Je pense avoir essayé d’avoir une position
        dominante face à un homme. Me moquer de ce qu’il pense, seulement
        me fier à mes envies. C’était pas très concluant. Je n’avais
        pas d’envie. J’essayais d’être une fille normale.
 Puis arrive l’été, à papoter avec de vieilles amies, à
  écouter leurs expériences. J’ai cru que les choses étaient
        possibles. J’avais envie de coucher avec pleins d’inconnus, mais
        c’était positif dans ma tête, je m’en sentais capable, j’en
        aurais été heureuse, je me serais sentie dominante et pas comme une
        salope. Je l’ai fait. J’ai eu une relation voulue d’un soir,
        même si j’étais plein de doutes.
 Ça m’a fait tombé très bas. Parce que la fois suivante, quand
        je l’ai vu, je suis rentrée chez moi comme une salope. J’avais
        extrêmement mal. Et la seule façon d’apaiser mon mal, c’était
        de l’entendre dire que je n’étais pas un morceau de viande. Ce
        qu’il a fait, j’allais mieux. Jusqu’à ce qu’une de mes amies
        me raconte cette histoire où ce même homme avait flirté avec elle
        et lui avait soulevé sa jupe. Elle, ça la faisait rire. Moi, ça
        m’a fait souffrir. J’étais définitivement redevenue cette
        salope. Il m’avait eu. Ils m’ont tous eu. Je n’étais que ça,
        seulement ça, un corps, une salope. Quelque chose que les hommes
        veulent sans que je n’ai a donné mon avis. C’était là le début
        de ma souffrance quotidienne de ces derniers mois.
 C’était pendant cette période que je vous avais écrit.
 En imaginant un ami me dire « alors, tu as couché avec
        M. ? », je me suis mise à le haïr de penser que j’étais
        une salope. Et j’ai réalisé : cet ami ne me voit pas du tout
        comme une salope, je le sais bien avec toute la raison possible,
        alors c’est bien moi qui me voit comme une salope à travers les
        yeux des autres (je comprenais enfin votre mail). Je les prends pour
        responsable ou du moins, comme si c’étaient eux qui devaient me
        définir. Mais c’est seulement parce que je n’ai pas l’estime
        de moi-même, j’ai besoin de celle que les autres m’accordent. Et
        le moment où ils trahissent cette confiance, cette bouée de
        sauvetage, c’est le moment où je redeviens cette salope car
        incapable d’être convaincue du contraire.
 C’est bien pour ça que je criais que je n’en étais pas une,
        c’est parce que je le croyais pas. Il fallait que je persuade cet
        Autre partie de moi, celle qui me hait ; il fallait que le Moi
        soit plus fort que l’Autre. Depuis 3 ans, c’était un combat
        permanent entre ces 2 parties de moi.
 Avoir compris ça est un grand pas. Comprendre qu’on se bat
        contre soi-même, qu’on est notre seul obstacle est important je
        pense. Je l’ai alors considéré comme mon problème, celui qui
        explique tous les désordres de ma vie avec les hommes, avec les
        autres, avec le sexe.
 Mais impossible de trouver une solution. Vous m’aviez dit de
        pardonner, mais je ne comprenais pas. J’admettais ne pas être
        coupable du viol mais ça n’avait pas l’air d’être suffisant
        (peut-être que seulement le Moi l’admettais, mais pas l’Autre ?)
 Le fait est qu’après avoir compris ça, on ne peut plus nier se
        sentir salope. On ne peut plus faire taire l’Autre, lui dire
        qu’elle a tort, on sait qu’elle est là. On veut qu’elle
        disparaisse, mais on ne sais pas comment. Alors quand cet homme avec
        qui vous avez couché, en qui vous aviez confiance, vous sors un « tu
        es.. magnifique » en regardant vos jambes, vous ne pouvez plus
        nier cette salissure. Vous savez que vous avez tort mais vous ne
        pouvez pas faire taire cette Autre.
 Alors, j’ai décidé (et là je pense que c’est nécessaire à
        la « guérison ») que j’avais le droit d’être en
        colère contre cet homme. Qu’il n’avait pas à regarder mes
        jambes, qu’il n’avait pas à briser la confiance que je lui avais
        donné. J’étais en colère contre lui et le monde. Mais cette
        colère fait mal. Et elle ne peut pas disparaître tant que le
        problème n’est pas réglé, tant que l’Autre n’a pas disparu.
        Cet homme qui faisait partie de ma vie, je l’évitais pour éviter
        de ressentir cette colère, pour mettre de côté tous ces mauvais
        sentiments pour pouvoir vivre jusqu’à ce que je trouve une
        solution. Et quand, je ne pouvais pas l’éviter alors je
        l’ignorais. C’est en comprenant que cette ignorance ne
        fonctionnait pas que j’ai compris ce qu’était le pardon. Parce
        que je savais que je l’ignorais, donc je n’ignorais pas vraiment
        les choses, et ça me faisait tout autant de mal ; j’ai
        compris qu’il fallait simplement avoir une relation pacifiée avec
        lui. Que juste lui sourire naturellement et sans haine en lui disant
        bonjour, être même contente de lui dire bonjour, me permettrait de
        réellement ne pas sentir cette colère.
 Lui pardonner. C’est un sentiment plutôt agréable. Je savais
        que c’était ce que je devais faire. Mais j’ai aussi compris que
        c’était à moi de me pardonner. Là encore je bloquais.
 La nuit, je me suis remémorée un souvenir : il y a presque
        3 ans, j’étais sur cette chaise, à ressentir le pardon. A
        l’époque je me sentais comme une salope, exactement la même
        chose. Et je me suis dit que le monde, les gens, me pardonnaient
        d’être une salope. Lorsque je m’en suis souvenue, j’ai pleuré
        et souris. Quelque chose venait de se passer. J’en été même
        pliée de rire, seule dans mon lit, sans pouvoir m’arrêter. Je
        pense que deux choses se sont passées : j’ai ressenti le
        pardon que je m’étais accordée il y a 3 ans, et j’ai réalisé,
        sans me forcer, que j’avais tort de penser ainsi il y a trois ans.
        Personne n’a à me pardonner quoique ce soit ; si les gens
        avaient su, ils ne m’aurait pas dit « nous te pardonnons
        d’être une salope » mais « tu n’es pas une salope »,
        et il y a 3 ans c’était pas quelque chose qui me serait venu à
        l’esprit.
 Avec le recul, je sais que c’est à partir de cette date que je
        me suis accordée le droit d’être une autre fille que celle que je
        pensais être. C’est à partir de cette date où je suis redevenue
        la fille que j’étais, où j’ai respiré à nouveau. Ça a marché
        jusqu’à ce que j’ai à nouveau des relations avec les hommes,
        mais le pardon a fonctionné et si ça n’a pas duré, c’est parce
        que je m’étais « mal pardonné », j’avais regardé
        le problème à l’envers.
 Aujourd’hui le pardon fonctionne. Parce que je n’ai rien à me
        faire pardonner, rien n’était de ma faute. Et même si j’avais
        l’impression d’être une fille minable il y a trois ans, j’avais
        tort. C’était pas sa faute. L’Autre l’a enfin compris. Et le
        Moi pardonne également à l’Autre d’avoir existé, ce n’était
        pas sa faute non plus.
 Aujourd’hui je vis en paix avec moi-même.
 J’ai toujours mes peurs, mes angoisses, mais je les accepte. Je
          peux vivre.
 
Bonjour,Que de réflexion, que d'évolution dans votre
démarche!
 Je serais vraiment heureuse de publier ce témoignage
afin que vous participiez à notre lutte solidaire.
 Merci.
 Je
publie avec cette adresse?
 Cordialement,
 Chantal POIGNANT
 Agent de conseil
 
 
oui bien sûr !il est vrai que je serais contente de parler à
d'autres femmes, pour mieux expliquer peut-être...
 en tout cas je
vous remercie à vous, pour vos réponses et pour votre site (qui m'a
sérieusement beaucoup, beaucoup aidée)
 N.
 azena_03@hotmail.com
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