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Pourquoi je vous écris ? Juste par besoin de parler

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Avril 2011


Bonjour,
il ya 3 ans et demi je me suis séparée d'un homme qui me tapait depuis 13 ans. Un enfant est né de notre union, il avait 2 ans et demi lors de notre séparation.
Mercredi dernier j'ai formulé une phrase qui m'a choqué : "si j'avais su que c'était si dur la vie après la séparation, je n'aurais peut-être pas mis fin à notre relation." (je sous-entendais évidemment que je n'aurais certainement pas mis un terme à cette histoire)
Non pas que je suis aujourd'hui dépressive ou malheureuse, ou en difficulté réelle mais vraiment je trouve que c'est dur. Pourtant j'étais dans le meilleur cas de figure des femmes dans ma situation : j'ai un travail stable, je suis propriétaire de mon logement, je n'étais pas mariée, je suis bien entourée par mes soeurs, des amis et un psychanalyste (à raison de 2 séances par semaine). Toutes les conditions les meilleures pour arriver à s'en sortir, donc.
Alors quoi ? Pourquoi je vous écris ? Juste par besoin de parler. D'exprimer ça. malgré le coté absurde : c'est beaucoup plus facile de se faire taper dessus et de vivre constamment en victime que d'acceder à la liberté, la responsabilité et la prise en charge de sa vie.
C'était en effet terrible de porter plainte contre un homme que j'aimais. De vivre pendant 48 heures dans l'attente que la police vienne le cherche (au risque qu'il soupçonne quelque chose pendant ce temps et qu'il s'en prenne à ma vie et/ou celle de mon fils ceci se rajoutant à l'impression de "livrer quelqu'un au flic"). Difficile de supporter un procès quand l'autre nie les accusations et qu'il me fallait justifier mon silence pendant 13 ans, aller chercher des témoins, et ressasser les moments d'horreur. Difficile de trouver la bonne posture par rapport à mon fils qui 'perdait' un père au quotidien et ce que ça risquait d'engendrer : le départ du père dans son pays d'origine et probablement la fin d'un contact père/fils (ce qui est le cas : depuis 3 ans le pere n'est pas revenu en France et n'a donc pas revu son fils). Insupportable les colères d'un garçon de 3 ans qui me tapait dessus (ce qui a duré 2 ans) quand il me trouvait "méchante" et qui malgré ma compréhension du phénomen lié à son age et le suivi par un pédo-psy, me rendait folle, au premier sens du terme (je n'avais pas réussi à faire cesser la violence du père, et je n'arrivais pas à faire cesser le fils. Et avec cette conscience que l'on peut se séparer d'un homme mais pas de son enfant). Compliquer de gérer ma culpabilité d'avoir engagé un enfant dans ce contexte de violence conjugale qui existait déjà avant sa naissance . Délicat de gérer la relation entre le père (qui appelle parfois) et le fils (très demandeur de son père). Difficile aussi de se retrouver seule au quotidien avec une terrible envie de renouer avec un homme mais avec une peur tenace que les mêmes symptômes ressurgissent (ma part de responsabilité dans la relation).
Une énorme impression de solitude et de lourdeur de vie, qui le temps passant, ne s'atténue pas.
 Voilà. heureusement que personne ne m'a jamais dit ce que j'allais endurer et qu'il me faudrait un énorme courage pour avancer chaque jour.
Je suis intellectuellement satisfaite de ma liberté retrouvée, mais j'ai l'impression d'être toujours à 2 doigts de couler.
Un grand merci cependant pour votre écoute qui m'avait en temps utile bien servie.
Bien cordialement
A.
 
Bonjour,
Votre message comporte bien des réponses :" Alors quoi ? Pourquoi je vous écris ? Juste par besoin de parler. D'exprimer ça. malgré le coté absurde : c'est beaucoup plus facile de se faire taper dessus et de vivre constamment en victime que d'accéder à la liberté, la responsabilité et la prise en charge de sa vie."
Mais ces réponses sont celles d'une personne exigeante à l'égard d'elle-même et traduisent le fossé qui existe entre la vulnérabilité "normale" et compréhensible de cette personne qui vient de se confronter à une problématique de "perte" et son "idéal".
Vous vous faites bien des reproches et notamment par rapport à ce sentiment de "manque" (manque à être) qui vous fait ressentir encore plus vivement la rupture, la solitude et les difficultés éducatives, que vous rencontrez avec votre enfant.
Vous aimeriez "réparer" et cette volonté de réparation exagère le sentiment de culpabilité à n'avoir pu construire une relation harmonieuse.
N'oubliez pas que vous étiez une victime et que construire une relation saine ne dépendait pas uniquement de vous.
En quête de "l'objet" idéal, vous avez presque tendance à "idéaliser", ce dont vous manquez actuellement : une présence amoureuse et, confrontée à un certain vide, vous en ressentez une angoisse d'infériorité qui vous amène à penser que vous n'êtes pas capable "de prendre en charge votre vie".
Vous êtes toute entière dans une position d'idéalité et comme vous vous déqualifiez, ce que vous vivez actuellement, c'est à dire, une lassitude, une solitude, vous apparaît empreint de symbolisme qui vous fait douter de votre propre consistance.
Ne remettez pas tout en cause parce que vous éprouvez le "manque" et ne cherchez pas à remplir ce manque coûte que coûte ; essayez de l'apprivoiser car il fait partie de notre existence d'être humain.
Acceptez ce qui fait notre humanité : une certaine fragilité dans l'attente d'une rencontre qui viendra nous soutenir mais certainement pas nous combler!
Puis je publier même anonymement?
C'est tellement intelligible...

Bonjour,
D'abord, bravo. j'avoue être assez impressionnée par la qualité de votre réponse. Tout y est très juste : cette idée de manque, cette aspiration à un idéal, cette lutte contre la perte,...et j'en conclue que tous les symptômes des femmes battues doivent probablement être identiques. Déconcertante cette idée de ressembler à tant d'autres et avoir l'impression que ma "bataille" et mon cheminement est particulier. Une sorte de parcours du combattant avec des épreuves déjà connues, mais que je découvre au fur et à mesure.
 Oui. J'ai un immense vide qui m'habite que rien ne comble. Tout me semble fade. Et pourtant j'ai la chance d'avoir un beau métier qui me plait, une démarche artistique parallèle qui est riche, un lien profond aux autres et ponctuellement dense. J'ai cette impression délicate que vraiment je ne devrais pas me plaindre, que je suis en bonne santé, mon fils aussi, avec tout un réseau de personnes (d'amis et de professionnels) qui m'entourent et m'aident dans une structure plus que satisfaisante pour m'en sortir. Et avec cette conscience que je progresse. Que j'accède chaque jour davantage à moi-même et à ma liberté. De tout ça je devrais être ravie.
Mais voilà, l'année dernière je déraillais (ou est-ce mon fils ?) et il a été question de me mettre sous tranquillisant et de placer mon fils quelques temps dans un hôpital. Ceci parce que notre lien était trop tendu : une violence rejaillissait chez moi au contact de mon enfant qui de son coté cherchait les limites que je n'arrivais pas à lui imposer. Il me tapait, je le tapais nous rentrions lui comme moi dans une spirale inacceptable. Ma tension venait certainement de mon enfance, de ma vie avec le père de mon fils, d'une difficulté à en sortir avec cette idée que je ne m'en sortirais jamais. j'avais bien conscience de tout ça augmenté du fait que j'inscrivais mon fils dans toutes mes difficultés qui ne lui appartenaient pas (ou plutôt qui ne devrait pas le toucher). Je savais que ce que je faisais était néfaste pour lui comme pour moi. mais je le faisais quand même.
Et c'est terrible d'être une femme battue. Mais totalement insupportable (je ne trouve pas un mot plus juste) d'être une mère-battue par un enfant de 4 ans...et ne pas arriver à y mettre un terme. Une idée de ne jamais s'en sortir, d'être marquée à vie et de marquer son enfant.
Tout ceci s'est passé il y a un an. J'ai réussi à passé le tsunami sans que mon fils aille dans un hôpital, sans prendre moi même de tranquillisant. J'ai appelé au secours mon réseau d'ami qui m'ont déchargé de ma responsabilité de mère pendant un temps. Mais ce n'est pas facile de crier "'au secours' je n'arrive plus à être mère". Même quand on possède des gens proches au près de soi, potentiellement capable de l'entendre. La mère est une institution fiable qui n'apparait jamais comme faillible.
Alors renouer avec un homme dans ce contexte ? Qui veut accoster dans un navire qui coule, quand un garçon rêve d'un père (follement), qu'une femme aspire à l'amour...mais aspire tellement que s'en est handicapant et que ça fait évidemment fuir le "prétendant". J'ai appris à taire mon passé non pas par honte (je crois avoir acquis suffisamment de fierté d'avoir affronté avec courage toutes les étapes pour m'en sortir) mais parce que cet handicap fait peur. Peut-être justement parce qu'il est question de 'remplir un vide' comme vous me l'écriviez et que ce n'est effectivement à personne de combler mes vides.
 Et maintenant je sais pourquoi je vous écris tout ça. J'imagine que le "après séparation" dans la tête des 'aidants' est plus facile que le "avant". Je voulais vous faire savoir que longtemps après c'est encore très dur. Mais vu que le "danger" est éloigné, les autres s'imaginent que tout est revenu dans l'ordre.
C'est avec plaisir que vous pouvez utiliser mes textes. je serais ravie que mon expérience puisse servir à d'autres. J'ai d'ailleurs conservé tous nos échanges pour que ça serve, d'une manière ou d'une autre et en d'autres temps. Un temps où j'aurais moi-même l'impression de m'en être sortie et où mon expérience pourrait servir à d'autres.
Bien à vous
A.
aux-fraises@laposte.net

Bonjour,
Juste ce petit mot aujourd'hui, pour vous dire que votre bataille et votre cheminement vous sont effectivement spécifiques même si, certains "symptômes" sont communs à d'autres victimes.
En vous remerciant pour votre autorisation à la publication, je me permets de revenir vers vous demain car votre réponse ne doit justement pas rester... sans réponse!
Vous avez raison de nous faire partager la richesse de vos réflexions, notamment, les difficultés qui peuvent concerner l'après.
Pour ma part, j'appréhende toujours cet après, même s'il est nécessaire et je ne sous-estime pas les difficultés de chacun à se retrouver face à soi-même.
Mais, si la rupture vous a vidé, vous pouvez croire en votre propre "substance"et retrouver votre vitalité psychique...
A demain.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Agent de conseil

Je reviens vers vous.

Vous dites que votre enfant de 4 ans "rêve follement d'un père" : même s'il est certain qu'une présence paternelle ou une figure masculine sécurisante est toujours bienvenue dans une famille, son absence n'est pas pour autant absolument dramatique et j'imagine, que vous rêvez d'un père pour votre enfant comme vous aspirez à avoir un conjoint secourable et respectueux.
Les crises de votre petit garçon à votre égard sont peut-être, plus dues à un ressenti de peur et d'incompréhension face à une situation qui l'angoisse plutôt qu'à une réelle perception du manque paternel, même si par ailleurs, son père peut effectivement lui manquer.
En effet, entre 3 et 6 ans, les enfants intériorisent des modèles de gestion des émotions ; ils sont particulièrement sensibles à des modèles "inadaptés" de gestion de la peur et de la colère, deux émotions typiques dans des situations de violences dans le couple.
Je fais l'hypothèse que votre petit garçon éprouve des difficultés dans la gestion de l'agressivité ou/et de la crainte suite à la mésentente du couple parental dont il aurait intériorisé les schémas émotionnels, d'autant plus que vous avez été sans doute dénigrée et pas soutenue dans votre autorité.
Ainsi, en observant le couple parental se déchirer, l'enfant intègre inconsciemment des modèles de résolution de conflit et d'interaction sociale imprégnés d'agressivité.
Hyper-sensible parce qu'insécurisé, votre enfant a certainement développé un faible niveau de tolérance à la frustration, qui l'empêche d'apprendre la patience et se trouve constamment débordé par ses émotions.
Mais je ne crois pas que cette agressivité soit dirigée vers vous personnellement : vous en êtes le réceptacle parce que vous êtes la maman.
Ce n'est donc pas votre qualité de maman qui est en cause, au sens de valeur, mais les conséquences de la situation passée, laquelle vous a fragilisée en tant que figure de l'autorité et ce d'autant plus, que vous éprouvez une certaine culpabilité.
Votre enfant ressent cette ambivalence et vous demande de vous positionner par rapport à lui et non par rapport à son père.
En reprenant confiance en vous, vous sécuriserez votre enfant et les crises s'estomperont.
Certes, la situation n'est pas "idéale", ni pour vous, ni pour lui mais votre enfant doit apprendre à supporter l'épreuve de la réalité.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Agent de conseil

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