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Je vous contacte au sujet d'une agression sexuelle

Octobre 2011

Bonjour,
Je vous contacte au sujet d'une agression sexuelle qui a eu lieu lors d'une manifestation ce week-end.
Très vite, une centaine de militants ont organisé un rassemblement anti-corrida en s'enchaînant dans une arène. Alors que des hommes ont porté des coups sur ces militants, une d'entre elle a été déshabillée et un homme lui a retiré violemment son soutien gorge sous les yeux de tous.
Le tout a été filmé sur cette vidéo (4min50) :



Je vous épargne les coups qui ont été portés sur des femmes au sol et attachées.
Que l'on soit pour ou contre la corrida, ceci est inacceptable. EN plus un sénateur était dans les tribunes et n'a rien dit.
Que pouvez-vous faire pour défendre ces jeunes filles ?
Cordialement,
Anthony

Bonjour,

Cette jeune-fille doit immédiatement porter plainte en joignant tout élément de preuves à l'appui et les témoignages de ses camarades.
Vous avez sans doute des vidéos de l'agresseur?
Postez le tout, par lettre recommandée avec accusé de réception, au procureur de la République du tribunal de grande instance du département où a eu lieu cette agression.
Alertez le centre d'infos sur les droits des femmes de Nîmes :
* CIDFF du Gard
04 66 38 10 7020, rue de Verdun
30900 Nimes Plus d infos
et :
* sexisme@sos-sexisme.org
Quant à nous, nous sommes prêts à publier votre témoignage avec la scène incriminée.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Agent de conseil

Suite et témoignage de la victime :
Le samedi 8 octobre, un peu avant 16 h, je courais vers le centre de l’arène de Rodhilan pour m’enchaîner pacifiquement avec les autres militants, au centre de l’édifice. Les insultes et hurlements fusaient déjà alors que mon pied touchait le sol et j’apercevais, agenouillée dans le sable, les porteurs de banderoles se faire violemment bousculer, là-haut, dans les gradins. Attachée depuis une minute, j’ai pris le fumigène de mon voisin, l’ai brandi en l’air. Déjà, un quinquagénaire se précipite sur moi en courant et, sans le moindre avertissement, me donne un violent coup dans le poignet pour l’envoyer rouler au loin. Aucun répit : un autre tire un coup sec sur ma jupe, heureusement serrée à la taille, saisit un bout de mon collant qui dépasse pour me l’arracher et me mettre à nue. L’homme ne voulait pas me neutraliser mais bien me déshabiller. Je reçois un violent jet d’eau dans la figure une fois, deux fois, trois fois.
A genoux, non plus pour m’assurer stabilité mais parce qu’il m’est incapable à présent de me protéger autrement alors que des hommes me frappent dans la nuque et le dos, pour me renverser en avant, puis en arrière, je vois mon voisin de gauche avoir le tee shirt arraché et se retrouver propulsé en avant, les bras comme seuls appuis. On tire par le col la femme à côté de moi. Je bascule. Je serre plus solidement mon voisin de droite, qui tente de me protéger comme il peut. Un autre militant à ma gauche reçoit trois coups de poings en rafale, sans sommation. Il ne répond pas aux coups mais crie. Je vois le sang, je l’entends hurler. J’entends que la Police a été prévenue. J’en vois un autre recevoir le jet d’eau puissant à quelques centimètres seulement de son visage, humiliant étouffement qui cherche à le faire suffoquer. Il tient bon, rentre le cou, baisse les yeux. On me pousse, on me tire toujours dans le dos. On m’encercle, on m’insulte mais je ne me retourne plus. Je me fiche plus solidement dans le sable, en serrant toujours plus fort mon voisin.
Les spectateurs nous lancent des projectiles, nous insultent et exhortent nos agresseurs à rendre justice eux-mêmes. On me frappe, encore. On tire sur ma jupe. Soudain, le cercle est brisé. N’ayant plus aucune attache – et donc plus aucune sécurité – je suis trainée une première fois par les pieds par mes assaillants. Un quinquagénaire de la corrida à chaque jambe. Je ne me rappelle plus si je me suis trouvée sur le dos ou le ventre, seulement le contact rêche du sable et les insultes qu’on me hurlait. On me lance violemment sur le sable, les jambes écartées, non loin de l’entrée principale, reconnaissable à ses grandes portes blanches. Je suis encerclée par des hommes qui m’insultent. « Salope ». « Dégage ». J’ai peur qu’on m’entraîne sur le côté et qu’on arrive enfin à m’enlever mes vêtements. J’arrive à me remettre debout et ne songe alors qu’à me protéger. Je cours vers l’arc de cercle de militants qui résistent encore. Naïve, je ne me retourne pas. Je suis poussée dans le dos par un homme grisonnant, au jogging noir. Sur une quinzaine de mètres je sens la pression dans mon dos et je cours en avant, sans pouvoir contrôler mes gestes. Tout va très vite, je tombe en avant, la bouche ouverte sans qu'aucun son ne sorte et me cogne contre Mathieu. Impossible de m’attacher, on m’a enlevé la chaîne. Il passe alors son bras autour de ma taille et je passe le mien autour de son cou, tremblante. Une femme en fourrure, les cheveux auburn, vient m’insulter. Je la regarde mais ne réponds pas. « Sale droguée, sale pute, regardez elle est incapable de parler, c’est une droguée ». Elle prend à témoin une autre femme venue m'insulter et d'autres hommes. Je sens Mathieu qui me sert contre lui alors qu’il est lui-aussi bousculé. On me pose la main sur les épaules, on revient m’insulter. Deux femmes se jettent sur moi, accompagnées d’un matador. « Et tu ne fais rien pour les musulmans qui égorgent les moutons hein connasse ? ». « C’est notre culture et ça, tu n’y toucheras pas ! ». Je vois la Police qui circule dans les arènes mais ne fait rien. Je sens une main agripper ma cheville et me tirer violemment en arrière. Je suis sur le ventre alors qu’une autre main me tient l’autre cheville. J’ai mal. Mon collant se déchire et le sable brûle les lésions sur mes genoux. Je reçois un coup au ventre alors que je tente de ralentir ma course, les doigts enfoncés dans le sable. Un toreador regarde la scène d’un air amusé alors que je n’aperçois plus rien d’autre autour de moi que les jambes des participants à la corrida, m’entourant. A 10 mètres de l’entrée, je me débats. On m’insulte et on me serre plus solidement la cheville. Je tends le bras inutilement vers la cheville de Mathieu, qui, lui, est tenu par les poignets, le torse relevé. Je n’arrive pas à l’atteindre et je vois pendant une seconde ce bout de chaussures comme une planche de salut portée au loin pendant une tempête. On me projette sur le dos, près de la barrière rouge. Je lève les yeux : un gendarme est à côté de moi. Il n’a rien fait. Ou plutôt si, il a laissé les aficionados rendre justice eux-mêmes. A terre, je lui ai lancé un regard. Il n’a rien fait, il n’a rien dit. Un militant est venu me rejoindre et m’a murmuré que j’étais en sécurité, qu’il allait m’aider à sortir de l’arène. Je sens ma poitrine se soulever et s'abaisser très vite alors que j'ai les jambes écartées sur le sol et que je n'arrive pas à me relever.
Alors même que tous les activistes n’étaient pas encore sortis, ils ont fermé les portes. Je titube dehors, mes jambes tremblent et déjà je sens une vive douleur au pied droit. Je sens les larmes qui montent, alors qu'éclate, à l’abri malgré les doigts d’honneur des spectateurs en haut des gradins, la manière dont j’ai été humiliée. Déshabillée, poussée en avant, trainée à deux reprises sur le sol et insultée par des pères et mères de famille. Les portes blanches de l’arène s’ouvrent violemment, je m’écarte de justesse pour ne pas être cognée contre le mur en pierre de l’arène.
A ce jour, j’ai un hématome de plus de 8 cm sur le bras gauche. Des érosions aux deux genoux, à la main gauche et aux doigts. Un os déplacé dans le pied droit. Des douleurs aux cervicales, aux bras, au buste, aux côtes et au ventre, sans compter le dos sur lequel j’ai été trainée à deux reprises. Je suis allée porter plainte contre les hommes, clairement identifiés sur les photographies. J’ai successivement été frappée, agressée sexuellement (car il me semble en effet que de me déshabiller, fourrer la main entre mes jambes et proférer diverses insultes m’assimilant à une « pute » relèvent bien d’un tel processus dégradant) et lestée de ma carte d’identité, alors que l’on me faisait les poches.  Je ne puis me déplacer sans béquilles et mon médecin m’a imposée une ITP de 10 jours.
Le policier auprès duquel je suis allée porter plainte m’a accueillie avec un « Vous n’aviez qu’à ne pas perturber la manifestation sportive autorisée, c’est eux qui devraient porter plainte contre vous ». Fallait-il que je me fasse violer, pénétrer jusque dans ma chair pour qu’enfin on juge abjecte la manière dont j’ai été violentée samedi ? Aurais-je dû remercier ces hommes de me tabasser sans ménagement, gratuitement, alors qu’ils rendaient justice eux-mêmes pendant que les cinq gendarmes dépêchés sur place baillaient aux corneilles ? En tant que citoyenne, en tant que femme, je me suis mise en danger car il est de notre devoir à tous de résister à l’oppression. Faire barrière de son propre corps pour empêcher la torture et la mort d’autres êtres vivants est notre droit le plus élémentaire. Ma désobéissance citoyenne s’est faite dans la résignation. Je n’ai pas résisté, je me suis recroquevillée sur moi-même pour assurer ma propre protection, alors que les coups pleuvaient. Ceux qui trouvent jouissance dans la mise à mort lente et douloureuse d’un animal innocent, d’un autre être vivant, ne pouvaient en effet que nous tabasser sans discernement, cherchant à faire du mal aux femmes, aussi bien qu’aux hommes. La femme en fourrure m’a lancée avec mépris que j’étais une « martyre ». Peu s’en faut pour qu’elle ait été la lionne.
D.



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