Souffrances enfin reconnues
Février 2014
Avec l'AVFT « libres et égales »,
Colette a enfin été entendue et ses souffrances reconnues.
Après trois jours de procès, le 12 février 2014, la Cour d’assises des Bouches-du-Rhône a reconnu l’ensemble des crimes pour lesquels René Schembri était jugé et l’a condamné à 10 ans de réclusion criminelle.
Le procès
Après une heure d’audience, la lecture de l’acte d’accusation a provoqué le malaise du juré suppléant, évacué par les pompiers. Le policier chargé de l’enquête a affirmé que de toute sa carrière il n’avait jamais enquêté sur des violences aussi graves. Les experts appelés à la barre ont témoigné de violences, et des conséquences traumatiques de celles-ci, sans commune mesure avec celles qu’ils ont généralement à évaluer(1). La fille cadette de Colette est venue soutenir son père, ce père décrit comme aimant et éducateur, qui lui avait appris à dessiner, à cuisiner, qui nourrissait les tourterelles... Le président lui faisant remarquer que ses propos n’indiquaient en rien que son père était innocent ou que sa mère mentait, elle a répondu : « je ne veux pas le savoir », affirmant qu’elle-même n’aurait jamais accepté qu’on la traite ainsi et s’inquiétant avant tout de l’absence de son père à son futur mariage. Sa fille ainée, violentée et violée par son père, a apporté un témoignage d’une authenticité, d’une délicatesse et d’une intelligence infinies. Colette a,comme toujours, livré un témoignage précis, intègre et poignant.
Toutes les expertises sont allées dans le sens de l’accusation.
Toutes, sauf une, de l’experte psychologue Mme Irlandes Blanchemain, venue soutenir à la barre que René Schembri n’avait pu être ce tortionnaire que parce que Colette avait « convoqué en lui » ce qu’il avait de plus pervers et parce qu’elle n’avait pas « posé de limites au comportement de son mari ». Celle-ci a honteusement qualifié certaines tortures de « préliminaires » ou « préludes à l’acte sexuel(2) ».
Après avoir farouchement nié pendant toute l’instruction et au début de l’audience, avoir commis la moindre violence à l’encontre de Colette, après l’avoirtraitée de menteuse et l’avoir accusée d’en vouloir à son argent, René Schembri a exprimé des regrets de circonstance sous la forme de pseudo-aveux, avant de faire volte-face dans une confusion totale, en se déclarant finalement non-coupable des crimes reprochés. R. Schembri ira même jusqu’à accuser Colette de complicité dans la barbarie. Tout en affirmant : « Mme R. comme par hasard concentre les faits les plus graves sur les années non prescrites alors qu’il y a eu des violences pendant toute la durée du mariage ».
Des violences non poursuivies
René Schembri a échappé à des poursuites pour les crimes commis à l’encontre de Colette pendant les 29 premières années de leur mariage, protégé en cela par les délais de prescription. L’un des fondements de l’opposition à l’imprescriptibilité des crimes et le dépérissement des preuves dans le temps. Or cette procédure démontre que cet argument n’est pas recevable. La preuve des tortures endurées par Colette est en effet inscrite sur son corps.
Il a également échappé à des poursuites pour viols et pour viols précédés de tortures ou actes de barbarie, alors qu’il a été question pendant trois jours de « pénétrations sexuelles forcées », d’« actes sexuels imposés » et même de « viols ». Cette négation est scandaleuse, autant d'un point de vue féministe que juridique. Pour rappel, s'il avait été jugé coupable de ces viols, il encourrait la réclusion criminelle à perpétuité.
10 ans
La condamnation de René Schembri par la Cour d'assises des Bouches-du-Rhône, son départ menotté vers la prison des Beaumettes, est un résultat judiciaire de taille pour celle qui, il y a dix ans, avait fait appel à un avocat, Me Laurent Epailly, pour un divorce à l'amiable. Si Colette n'a pas obtenu les aveux de l'accusé, ce qu'elle attendait, elle est satisfaite de la déclaration de culpabilité de la Cour sur l'ensemble des violences poursuivies, y compris les plus catégoriquement niées. Cette peine correspond cependant à la moitié de ce qu'il encourrait. Elle est très inférieure aux réquisitions du ministère public. L'avocate générale avait en effet instamment demandé que René Schembri ne soit pas condamné à moins de quinze ans de réclusion.
Or qu'est-ce qui peut être plus grave que de porter des coups sur une femme tels qu'ils ont provoqué la paralysie d'une de ses cordes vocales, des coups de poings tels qu'ils ont peu à peu entraîné la disparition d'une lèvre buccale de Colette, que de coudre son sexe à vif, le percer pour y insérer un trombone, y verser de l'alcool à brûler avant de l'enflammer, y donner des dizaines de coups de pieds ? Dès lors, qui peut être condamné à la peine maximum ?
Un homme plus jeune ? Un homme issu de l'immigration ? Celui qui n'est pas un « primo ( !) délinquant(3) » ? Un homme issu de la classe populaire ? Un homme plus dangereux ( !) pour la société ?
Ce sont toutes les raisons que nous entendons généralement pour justifier la modération des peines en matière de violences faites aux femmes(4).
Depuis 12 ans, Colette jouit d'une liberté et d'une paix retrouvées. Ceci tient en partie aux restrictions de liberté de René Schembri depuis 4 ans, d'abord en détention provisoire, puis assigné à résidence sous surveillance électronique, enfin sous contrôle judiciaire avec interdiction de se rendre dans son département de résidence.
Mais par le jeu des remises de peines automatiques et une fois retranchées les périodes précitées, R. Schembri pourra demander une libération conditionnelle dans ...deux ans. C'est ainsi que l'on prend la liberté et la sécurité des femmes en considération et que l'on mesure le degré de trouble à l'ordre public patriarcal. Que soit ici renouvelées toute notre admiration et toute notre amitié pour Colette et sa fille Sylvie.
Laure Ignace Marilyn Baldeck Sophie Péchaud
Contacts : Marilyn Baldeck, 06 09 42 80 21 ou Laure Ignace, 06 12 65 87 68
PS : Merci aux soutiens féministes venus au procès : SOS FEMMES 13 et Osez Le Féminisme 13.
Merci également à tous les petits mots de soutien venus du public pendant ces 3 jours, qui a notamment très largement partagé avec nous son indignation par rapport aux "analyses" de Mme Irlandes Blanchemain !
Notes 1.La douleur ressentie par Colette a été évaluée à 6,5 sur 7, ce qui est rarissime.
2. Nous analyserons plus en détail cette expertise.
3. Alors qu’il a perpétré des violences pendant 32 ans, R. Schembri est en effet juridiquement considéré comme un «primo délinquant » dès lors que son casier judiciaire est vide, ce qui a été plaidé par son avocat.
4. Et dans d’autres matières, d’ailleurs.
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