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Ni interdiction, ni réglementation
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Prostitution > Le cadre juridique en France

 

© Yves Lambert

Sexe et rémunération

En tout premier lieu se pose une question de définition. Autrement dit, qu'est-ce que la prostitution ou qu'est-ce qu'une personne prostituée ? En droit, le régime de cette dernière est défini par un décret du 5 novembre 1947 : l'activité d'une personne qui consent habituellement à des rapports sexuels avec un nombre indéterminé d'individus moyennant rémunération. Le terme de "rémunération" peut être pris au sens large : argent mais également objets à valeur marchande ou même services.


Disposer de son corps

Le principe juridique sur lequel repose le droit en matière de prostitution est celui du droit de disposer de son corps : cette liberté va jusqu'à l'utilisation de son propre corps à des fins lucratives, principe qui fait exception à celui de l'indisponibilité du corps humain, c'est-à-dire l'interdiction de vendre son sang, un organe, etc. exception faite des cheveux.
Aussi, le droit de se prostituer est acquis parce que le droit d'entretenir des relations sexuelles relèvent strictement du droit au respect de la vie privée. La prostitution n'est donc pas en soi un délit. Cependant, le droit de se prostituer a des limites, notamment résultant de la loi du 13 avril 1946.


La fermeture des maisons

La loi du 13 avril 1946 est dite loi Marthe Richard du nom de cette parlementaire connue de l'opinion publique sur le motif de son combat contre les maisons dites de tolérance.
Cette loi, d'une part, ferme toutes ces dernières et, d'autre part, abroge les dispositions réglementaires qui fondaient le régime antérieur (existence des maisons de tolérance mais aussi inscription et mise en carte des prostituées sur un registre, privation éventuelle de liberté des prostituées sur simple décision administrative …).
Cette loi a au moins deux conséquences juridiques : d'abord, elle atténue considérablement le contrôle de l'Etat sur la prostitution ; ensuite, de facto, elle autorise désormais l'exercice de la prostitution dans d'autres lieux que les maisons de tolérance, notamment sur la voie publique.
Néanmoins, ces changements ont leurs propres limites, notamment du point de vue du contrôle étatique, puisque la loi instaure un fichier médico-social, mais celui-ci sera supprimé en 1960 en exécution d'une convention internationale de 1949.

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Les lieux de la prostitution

Concernant la liberté de se prostituer dans tous les lieux, les autorités de police générale peuvent, au titre de la circulation, réglementer les allées et venues professionnelles des prostitué(e)s sur la voie publique mais la réglementation ne peut aboutir à une interdiction générale et absolue (Cass. crim. 01.02.56).
Les interdictions ne peuvent concerner que certains lieux (proximité des établissements scolaires, par exemple) ou certaines heures.
Enfin, les sanctions pénales répriment surtout le racolage et le proxénétisme.

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Le racolage

Un décret du 25 novembre 1960 définit ainsi le racolage : attitude affichée sur la voie publique en vue de provoquer la débauche. Sur le fondement de ce texte, plusieurs dizaines de milliers de procès-verbaux ont été dressés chaque année. Disposition aussi imprécise qu'arbitraire : la seule présence de la personne prostituée dans la rue était parfois sanctionnée.
Le Nouveau Code Pénal (1993) ne retient plus que le racolage actif : le fait par tout moyen de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 5ème classe, à savoir 10.000 F, 20.000 en cas de récidive. Mais la loi sur la sécurité intérieure du 21 janvier 2003 change radicalement la donne en la matière ... Lire plus bas.

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De l'usage des PV …

De façon générale, les procès-verbaux dressés à l'encontre des personnes prostituées (racolage mais aussi tapage nocturne ou tout autre motif …) a toujours visé à identifier et dresser un état de la population prostituée et constitue encore un moyen de détourner l'interdiction de ficher les prostituées.
Cela étant, cette "méthode" fort discutable tend à régresser, notamment en raison des nouvelles formes de prostitution moins "visibles" que la prostitution de rue : petites annonces, annonces presse "masquées", serveurs télématiques, internet …

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Le proxénétisme

Le proxénétisme est défini par l'exploitation de la prostitution par un tiers. Plusieurs conventions internationales s'appliquent en la matière : sur la répression de la traite des blanches (1910), sur la traite des femmes et des enfants (1921), sur la traite des femmes majeures (1933), et celle du 2 décembre 1949 (citée plus haut) que la France ne ratifiera qu'en 1960, la convention de New-York pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui prévoyant dans son article 6 que chacune des parties convient de prendre toutes les mesures nécessaires pour abroger ou abolir toute loi, tout règlement ou toute pratique administrative selon lesquels les personnes qui se livrent à la prostitution ou sont soupçonnées de se livrer à la prostitution doivent se faire inscrire sur des registres spéciaux, posséder des papiers spéciaux ou se conformer à des conditions exceptionnelles de surveillance ou de déclaration.

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Aide à la prostitution

Ce n'est pas seulement l'exploitation de la personne prostituée par un tiers qui peut être considérée comme du proxénétisme mais également toute forme d'aide apportée à la prostitution, par exemple le fait pour un hôtelier de louer des chambres à des prostitué(e)s pour pouvoir y exercer ou aider à blanchir l'argent de la prostitution. Une simple tolérance a pu être assimilée à du proxénétisme, par exemple le fait pour un restaurateur de tolérer des prostituées à la terrasse de son établissement (C. Cass. 1973) ; le fait pour un coiffeur de mettre sa boutique à disposition des prostituées lors de descentes de police (C. Cass. 1971) ; le fait pour un mari prisonnier de guerre de recevoir de l'argent de sa femme qui travaillait depuis peu dans une maison de tolérance (C. Cass. 1944).

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Du Julot Casse-Croûte au fisc …

Jusqu'en 1993, une simple cohabitation avec une personne prostituée était assimilée à du proxénétisme. Cette disposition a été abrogée par le Nouveau Code Pénal : en effet, elle interdisait aux personnes prostituées d'avoir une vie privée normale, ce qui était en contradiction avec le principe du droit au respect de la vie privée.
Néanmoins, encore aujourd'hui, une cohabitation peut être sanctionnée si le ménage n'a pas d'autres revenus que ceux issus de la prostitution ou si son train de vie ne correspond pas aux revenus officiels non issus de la prostitution.
La seule exploitation autorisée de la prostitution en est l'exploitation par le fisc. En effet, le fisc considère la prostitution comme une profession dont les revenus doivent être déclarés dans la rubrique des bénéfices non commerciaux (refrain connu : l'Etat est le plus grand proxénète …). Par là, le fisc reconnaît les personnes prostituées en tant qu'agents économiques.

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Contradictions et confusion

Dans le droit positif français (ce qui n'est pas interdit est autorisé), cette interdiction totale du proxénétisme, c'est-à-dire non seulement l'interdiction d'exploiter la personne prostituée mais aussi toutes les dispositions résultant de la jurisprudence, semble être en contradiction avec la liberté de se prostituer. L'existence du proxénétisme est a priori difficilement dissociable de la prostitution, en tous cas tant que la notion même de proxénétisme génèrera autant de définitions possibles et, donc, de confusion : en effet, sera considéré comme proxénète (notion d'exploitation) un homme qui contraint par la menace, la violence, la tromperie ou tout autre moyen une femme à avoir des relations sexuelles contre argent avec d'autres hommes mais la notion de "toute aide apportée à la prostitution" a aussi conduit la justice, par exemple, à condamner pour proxénétisme une femme qui faisait le vigile et assurait la sécurité pendant qu'une autre travaillait.

 

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Contrôle de l'Etat

Ainsi, de fait, les personnes prostituées restent soumises au contrôle de l'Etat dont, en l'occurrence, les agents sont d'une part le fisc, d'autre part les sanctions pénales qui peuvent frapper le racolage et le proxénétisme "sous toutes ses formes juridiques". Aussi, le relatif libéralisme de la loi de 1946 ne pouvait avoir modifié que de façon extrêmement limitée les comportements antérieurs de la police à l'égard des prostitué(e)s.
Bien que, depuis 1945, les personnes prostituées puissent se porter partie civile (notamment dans les procès contre leurs proxénètes), bien que cette possibilité soit aussi reconnue aux associations reconnues d'utilité publique, la situation des personnes prostituées reste difficile au point qu'en 1975 elle conduit à des mouvements organisés de revendications en vue d'améliorer leur statut social. Le gouvernement a fait alors procéder à une étude d'ensemble de la question, qui a donné lieu au Rapport (Guy) Pinot mais ce rapport, qui entre autres préconisait la dépénalisation du racolage parce que sans efficacité dans la lutte contre le proxénétisme, ne fut pas suivi d'effet.

A l'époque, la Ministre chargée des Droits des Femmes déclarait que l'Etat ferait avec des moyens nouveaux un effort dans la lutte contre la prostitution le fisc devait se montrer plus compréhensif et des femmes-inspecteurs devaient être affectées dans les commissariats (La prostitution, Le Monde, dossiers et documents n°71, mai 1980).

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Création des SPRS

La loi n° 60-1246 du 25 novembre 1960 supprime toute disposition en matière sanitaire et prévoit la création d'un service social spécialisé dans chaque département : les fameux SPRS ou Service de Prévention et de Réinsertion Sociale. Au total, seuls douze d'entre eux seront mis en place. Ils ont aujourd'hui quasiment tous disparus.
Ces services sont toujours prévus par l'article 185-1 du Code de la famille et de l'aide sociale avec la double mission :
- de rechercher et accueillir les personnes en danger de prostitution, de leur fournir l'assistance dont elles peuvent avoir besoin ;
- d'exercer toute action médico-sociale en faveur des personnes qui se livrent à la prostitution.

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Un régime abolitionniste

En avril 1997, pendant la Conférence de la Haye, le gouvernement Juppé réaffirmait la position strictement abolitionniste de la France et déclarait :
" La France a fait entendre ses positions sensiblement différentes de celles exprimées par les Pays-Bas, d'une part parce que nous considérons que toute forme de prostitution fait violence aux personnes concernées et qu'il ne peut y avoir de prostitution volontaire, sachant aussi que le proxénétisme est en tant que tel réprimé dans le droit français ; d'autre part, parce que le champ de la prostitution néerlandaise se limite à la lutte contre la traite des femmes, alors que même si les femmes sont indéniablement touchées par le phénomène de la traite, il n'en demeure pas moins vrai que les problèmes de violence et de trafic concernent aujourd'hui de plus en plus les hommes et les enfants ".

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Et les clients ?

La politique de lutte contre la prostitution que mène la France et l'ensemble de ses gouvernements depuis 1946 ne l'a jamais conduite à prendre la moindre mesure qui s'intéresse aux clients des personnes prostituées ... jusqu'à la loi du 4 mars 2002 : des mesures répressives sont alors prises à l'égard des clients de prostitué-e-s de moins de 15 ans, clients qui peuvent désormais être poursuivis. (Une autre disposition législative permet de poursuivre en France les clients de prostitué-e-s mineur-e-s à l'étranger depuis ... 1994.)

Le 30 mai 1997, le ministre du Travail et des Affaires Sociales écrivait aux Préfets de Région et de Département : " Il importe que la France réaffirme ses principes et sa politique face à des tentatives d'imposer en Europe le retour à un régime réglementariste, lequel consiste à reconnaître la prostitution comme une activité parmi d'autres, quitte à l'encadrer par un statut spécifique. La France défend quant à elle une position dite "abolitionniste", ainsi dénommée car elle abolit toute règle susceptible de légaliser la prostitution de manière à permettre, par une politique adaptée, d'envisager sa disparition. (…) En effet, la position française sera particulièrement crédible et notre législation sera bien comprise, sur le plan interne, si son volet social n'est pas négligé. "

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Loi sur la sécurité intérieure

Le mardi 21 janvier 2003, les députés ont adopté le texte proposé par le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, qui crée un délit de racolage passif, une peine de 2 mois de prison au plus et 3.750 € d'amende pour fait de racolage tout en étendant "aux personnes qui mettent à disposition des prostitué(e)s des véhicules, les peines applicables en matière de prostitution hôtelière". Ils ont aussi adopté un amendement du gouvernement prévoyant de placer les prostitué-e-s dans des "centres d'hébergement de droit commun afin de faciliter leur réinsertion".

 


Par ailleurs, a également été créée une incrimination de "traite des êtres humains" punissable de 7 ans de prison et 150.000 € d'amende (10 ans et 1,5 million d'euros si la victime est mineure ou vulnérable ; 20 ans et 3 millions d'euros si le délit est commis en bande organisée ; réclusion à perpétuité et 4,5 million d'euros en cas de tortures et d'actes de barbarie).
La loi sur la sécurité intérieure est applicable (décret d'application) depuis mars 2003.

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