A partir de quand
s'agit-il de violences ?
Septembre
2004
Je lit
beaucoup sur la violence faite aux femmes, j'en entend beaucoup parler
aussi et j'avoue que je me pose une question.
Peut-être trouverez vous cela un peu bête, mais a quel stade
une femme est considérée comme victime de violence conjugale?
Je veux dire, il a une énorme marge entre un homme qui plaque
sa femme contre le mur en la tenant par les poignets lors d'une dispute,
et une femme qui recevrait des coups de poing régulièrement.
Il y a une différence entre un homme qui insiste pour faire l'amour
a sa femme jusqu'a ce qu'elle cède, et un homme qui utiliserait
la force pour l'obliger.
Comment faire la différence entre tout ça? Comment savoir
si une femme est oui ou non en danger physique ou moral?
Merci de tenter de m'éclairer
C.
Bonjour,
C'est une question de degrés mais dans tous les cas il s'agit
de violence :
* une femme plaquerait-elle son conjoint contre un mur en le tenant
par les poignets ? Cela peut sans doute arriver dans des situations
exceptionnelles mais c'est le plus souvent le cas des hommes et il s'agit
bien de faire usage de la force ... Une femme qui accepte cela autorise
de fait son conjoint à repousser plus loin encore les limites
de l'usage de la force. Pour lui, il s'agit de maîtriser, contrôler
et assujettir l'autre avec des moyens que l'autre, sa conjointe, ne
possède pas : quoi de plus violent ?
* quelle conception a de l'amour et de la relation de couple un homme
qui insiste pour faire l'amour à sa femme jusqu'à ce qu'elle
cède ? Quel est cet homme qui est capable d'assouvir ses pulsions
sexuelles quitte à ne prendre aucune considération pour
le désir et les souhaits de sa conjointe et sans s'en soucier
le moins du monde ? Obtenir le consentement (mais quelle sorte de consentement
?) par de tels moyens, qui sont aussi des moyens psychologiques, rapproche
terriblement un pareil rapport sexuel d'un viol ...
Le conjointe d'un pareil homme est en danger physique et moral, bien
sûr. Si elle accepte tout cela, le danger est plus grave encore
car les tentatives d'emprise de son compagnon se feront plus importantes
avec le temps et il supportera de moins en moins les tentatives de résistance.
La violence conjugale n'est pas seulement physique : avant même
d'être physique, elle est la plupart du temps psychologique (violence
verbale, dénigrement, insultes, actions visant à l'isolement
de la victime, etc.), elle peut être aussi économique (priver
d'argent ou de biens) et sexuelle.
Dans certains cas, les conséquences psychologiques sur une femme
acceptant le principe de relations sexuelles consenties sous la pression
peuvent être à la fin, avec le temps, tout à fait
similaires à celles que l'on rencontre chez les victimes de viol
et d'abus sexuels : dégradation de l'estime de soi, perte
de la libido, difficultés générales relatives à
la vie affective et sexuelle ...
Je compte publier notre échange sur le site : ces questions intéressent
nécessairement d'autres femmes. Je le fais totalement anonymement.
Si vous souhaitez que votre email apparaisse pour recevoir d'autres
réponses que la mienne, faites-le moi savoir. Idem si vous refusez
une telle mise en ligne (anonyme encore une fois).
Cordialement,
Yves LAMBERT
Cela ne
me gêne pas que vous publiez cet échange, tant que cela
reste anonyme.
Cela étant, pour en revenir a vos réponses, cela me fait
réfléchir sur certaines choses. Je me permet de vous en
faire part
Je constate il est vrai que la violence verbale peut parfois plus douloureuse
que la violence physique. La violence verbale est plus indirecte, elle
fait moins mal sur l'instant, mais a la longue, entendre toujours les
même phrases de dénigrement peut entraîner cette
femme vers une dépression, une sorte d'état second, où
elle vit sans faire attention a quoi que ce soit, a tout accepter sans
broncher car elle n'a plus vraiment d'estime d'elle-même.
Mais comment faire comprendre a son entourage la douleur qu'elle ressent?
Il faut avouer que souvent, les gens préfère détourner
les yeux des traces qu'elle porte sur ses poignets, sur ses avant bras.
Comment une femme peut-être se confier a sa famille quand ses
parents ferment les yeux. Elle ne peut pas obliger son entourage ( de
plus en plus réduit en plus....) à ouvrir les yeux sur
un homme que tout le monde considère comme la meilleure chose
qui lui soit arrivé.
Mêle si cette femme ne se voit pas comme une femme violentée
réellement, la douleur est là tout de même, et se
sentir seule face a cela, c'est très dur aussi.
C.
Merci,
je vais publier (pas ce jour, des soucis avec l'accès au site
dû au serveur ...)
Vous avez parfaitement raison : d'une part, certaines formes de violence
conjugale visent à isoler la victime de ses proches (en réduisant
le nombre de contacts mais aussi, par conséquent de personnes
...), d'autre part, systématiquement, la violence produit un
sentiment de culpabilité chez la victime : non seulement, elle
peut ressentir de la honte mais surtout, au fur et à mesure,
elle va se convaincre qu'elle est responsable pour tout ou partie de
ce qui lui arrive. Au reste, son compagnon lui fait savoir qu'il la
rend responsable : c'est elle qui ne va pas bien, qui est folle, qui
le provoque, qui est à l'origine de la dispute, qui ne veut pas
faire l'amour, etc. Bref c'est de sa faute, dit-il ...
Par ailleurs, la violence est souterraine : le conjoint ne se vante
pas de ce qu'il fait, encore moins s'il s'agissait d'avouer les relations
sexuelles forcées ... Comme en général, la victime
s'est tu pendant longtemps, l'entourage ne voit rien et, quand il pourrait
voir, il est difficile de le déciller. Par conséquent,
l'isolement de la victime augmente.
Aussi, comment demander de l'aide dans de pareilles conditions ?
D'abord, il est nécessaire de briser l'isolement. Ensuite, il
peut être important de demander assistance à un(e) professionnel(le)
: il ou elle aidera à analyser la situation, à l'appréhender
objectivement, en dehors de tout jugement, à trouver les solutions
les mieux adaptées.
Des adresses sur le site ici : http://www.sosfemmes.com/violences/violences_voisine_victime.htm#cidessous
Prenez contact par exemple avec le CIDF le plus proche : vous romprez
votre isolement, vous recevrez aide et conseils ...
Cordialement,
Yves LAMBERT
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