Mon agresseur va sortir de prison Email
en pied de message Septembre 2006
Bonjour, Je vous
ai déjà sollicité pour une autre question à laquelle
vous m'avez répondu et bien aidé. Je vous en remercie. Aujourd'hui,
c'est une mauvaise nouvelle qui m'amène à vous demander des renseignements
d'ordre juridique. J'ai reçu un courrier ce matin du tribunal de grande
instance m'informant du souhait de mon violeur de sortir de prison. Il a été
condamné en [mois année] par une cour d'assise à 10
ans de prison ferme pour les viols et agressions sexuelles de 5 mineurs. Donc,
cela ne fait que 4 ans qu'il purge sa peine. C'est très peu.... Dans
ce courrier, le juge me demande de lui répondre sous quinzaine pour lui
indiquer les motifs éventuels qui m'opposeraient à sa libération.
Voilà, aujourd'hui, j'ai 24 ans. Je vais me marier, j'ai un bon travail
et j'attends un bébé. Je vais donc très bien. Mais je suis
passée par 5 hospitalisations, 2 années d'anorexie et une bonne
dizaine de tentatives de suicide. Alors mon bonheur, je l'ai largement mérité
je crois. Qu'est ce que je peux répondre au juge, qu'est ce qu'il attend
de moi, le rapport d'un expert pour lui dire que sa libération me serait
fatale? Et est ce que cette réponse aura une influence sur sa décision.
Ne trouvez vous pas que 4 ans c'est tôt pour une demande de libération?
Il a quand même été condamné pour viols sur des enfants!! Je
vous remercie de m'aider, je ne veux vraiment pas qu'il sorte. C'est trop tôt
pour moi. Et c'est sûrement trop tôt pour lui aussi. M
PS : je pense que je ne suis pas un cas isolé, alors vous pouvez publier
ce message en cachant mon mail (c'est mon vrai nom), et les dates au cas où...Merci
d'avance
Bonjour, Nous
sommes sensibles à votre désarroi et vous devriez ouvertement, exprimer
au juge d'application des peines, votre crainte de rencontrer cet individu, votre
angoisse à l'idée qu'il puisse venir vous importuner, votre fragilité
psychologique ; votre inquiétude aura peut-être pour effet, de décider
le juge à assortir les mesures de libération, d'une interdiction
de séjourner sur votre département, d'une interdiction de vous approcher
; soyez exigeante dans votre demande de protection. Sachez cependant que, jusqu'à
la fin de sa peine, cet individu sera contrôlé par les services de
probation et aura des comptes à rendre. Soyez donc ferme et décidée
à faire valoir vos droits et prenez contact si nécessaire, avec
une association d'aide aux victimes de votre région, dont voici les adresses
http://www.annuaires.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10089 A
moitié de sa peine (attention, la prison préventive fait partie
de la durée de la peine), un condamné peut demander une libération
conditionnelle ou une réduction de peine pour bonne conduite, s'il peut
présenter des efforts et des gages sérieux de réinsertion
sociale. On ne vous demande donc pas, votre sentiment sur la durée de
la peine (en tant que "punition") mais on cherche à percevoir
votre réaction, à l'idée que votre agresseur va sortir ;
insistez donc bien sur le fait, que vous craignez par dessus tout de le rencontrer
et que votre équilibre serait mis à rude épreuve. Cordialement, Chantal
POIGNANT Bonjour, Je
vous remercie pour votre réponse. Je viens de terminer ma lettre. J'ai
pris mon temps, mais me replonger dans cette histoire me demande beaucoup d'effort.
J'ai été prise après de tremblements à cause de la
tension nerveuse que cela m'occasionne lorsque je me souviens de tous ces moments.
J'ai très peur pour mon bébé, que cela est des répercussions.
Je n'ai pas parlé dans ma lettre du fait que je trouvais que sa sortie
serait prématurée, vous avez raison, c'est au juge de décider
et mieux vaut ne pas le froisser. Je lui ai juste décrit dans quel état
une eventuelle rencontre pourrait me mettre. Objectivement, je pense que j'ai
très peu de chance de le rencontrer, donc sa sortie ne va pas bouleverser
ma guérison (bien sûr je ne lui ai pas dis ça, c'est entre
nous). Par contre, je ne sais absolument pas comment je réagirais si je
me trouvais face à lui. Enfin, si j'ai peu de crainte pour moi, j'en
ai beaucoup pour de potentielles nouvelles victimes. Il n'a pas compris la mesure
de sa peine et son entourage l'a encouragé dans ce sens. Sur les marches
du tribunal, après le verdict, sa famille est venu me trouver pour me dire
que cette peine était vraiment trop importante compte tenu des faits. Je
cite les propos de sa soeur : "moi aussi, je me suis faite violée
et j'en ai pas fait tout une histoire!". Voilà, pour vous dressez
le tableau. Au procès, sa psychologue l'a défendu en disant que
comme il avait conscience qu'il avait un problème, il ne servait rien de
le punir, quand bien même il aurait agressé d'autres jeunes filles.
Le raisonnement étant que s'il avait conscience du mal qu'il faisait, la
punition s'avérait être inutile, mieux valait il alors le laisser
tranquille. Toute sa défense était basée sur ce postulat.
Je vous avoue qu'à un moment, j'ai cru que les jurés allaient trouver
la justification et ce raisonnement tout a fait recevable. Là, je pense
que je serais devenue folle. Mais l'avocat général qui avait requis
au départ 6 ans ferme, s'est durci avec 8 ans ferme. Finalement, il a pris
10 ans. J'ai vécu ces 2 ans de procédures intensément.
Après ce procès j'étais vidée mais je me suis battue
pour qu'il est une peine à la hauteur de la souffrance qu'il a infligé
à toutes ses victimes. Pour info, c'est une quinzaine d'agressions qu'il
a reconnu même si nous n'étions que 5 au procès. Vu le personnage,
on peut donc facilement se dire qu'il y a en a eu plus. En effet, comme il accorde
très peu d'importance à ses victimes, il s'en souvient pas, il a
donc reconnu toutes les infractions du genre dans la région. Certaines
n'ont pas voulu aller jusqu'au bout, pour d'autres il manquait des preuves. Enfin,
voilà, tout ça pour se dire qu'aujourd'hui il pourrait déjà
sortir. Je le prends comme un échec sur le dur combat que ses victimes
avons mené. Je sais que j'ai peut être été un peu
longue, mais ça faisait longtemps que j'en avais pas parlé et je
me rend compte que ça me fait du bien. En tout cas, je vous remercie beaucoup
pour votre soutien, ça fait un bien fou. M Bonjour, Vous
ne devez absolument pas rester sur un sentiment d'échec, par rapport à
une éventuelle sortie "anticipée" de votre agresseur ;
il a été condamné, donc reconnu coupable et vous, bien perçue
comme la victime, ce qui vous permet de ne pas ressentir, en plus de la douleur
de l'agression, la douleur d'être incomprise, niée en tant que victime
; vos souffrances ont été reconnues et votre détresse entendue,
ce qui devrait vous permettre d'accéder avec le temps, non pas à
l'oubli de vos blessures mais à une certaine cicatrisation de ces blessures
; songez que, des femmes blessées traînent derrière elles
un perpétuel sentiment de culpabilité, qui s'exprime sournoisement,
parce qu'elles n'ont pas vu leurs plaintes, légitimées, par une
procédure judiciaire, ce qui fait qu'elles n'ont pas acquis aux yeux de
la loi et parfois à leurs propres yeux, la position de victime. Dans
votre cas, la justice a eu le mérite d'être claire et de déterminer
précisément les responsabilités et les "statuts"
de chacun. Vous avez fait, au contraire, beaucoup pour les victimes qui n'ont
pas pu ou su se faire reconnaître ; considérez votre action comme
une victoire, qui vous a certainement, bien-sûr, coûté en courage
et énergie. Il fallait le faire ! Maintenant, cet individu va sortir
prématurément, pensez vous, et vous trouvez cette décision
injuste, surtout parce qu'il vous semble qu'il n'a pas compris, au moment de sa
condamnation, la gravité de ses actes ; s'il n'a pas compris hier et aujourd'hui,
vous n'y pourrez rien ; cela signifierait, que cet individu est malade et qu'il
a besoin d'un suivi psychiatrique "constant", que vous pourriez réclamer. Je
vous invite à insister dans ce sens auprès du juge : c'est important. Cordialement, Chantal
POIGNANT. Merci de nous autoriser à publier votre témoignage. |