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Retour du passé... Besoin de parler à quelqu'un. Je ne sais pas, je ne sais plus

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Décembre 2006

Bonjour, je crois que finalement, j'ai besoin d'un peu d'aide/écoute, de parler...

J'ai 28ans
Il y a 12ans, j'avais 16ans, je revenais à pied d'une soirée entre amis. En passant devant une cour où il y avait des garages, j'ai senti une main sur ma bouche, une lame sur ma gorge, peur, panique. Il m'a entraîné dans un des garages, il y avait un matelas au sol, j'ai réalisé, tenté de fuir, de me débattre, en vain, une volée de coups m'a assommée. Je me suis réveillée sur le matelas, nue, baîllonnée, les yeux bandés, les mains dans le dos. J'ai essayée de me libérer, à nouveau les coups, la douleur. "il" n'était pas seul, le bandeau avait glissé, ils étaient quatre. L'un a vu mon regard, a remis le bandeau en place. Ils m'ont violé, sodomisé, encore encore encore encore. Au bout d'un moment, j'ai arrêté de réagir, c'était comme un rêve, je voyais ce qui se passait, mais ce n'était pas moi. L'un deux m'a mis un bâton? entre les dents, il m'a forcé à le sucer, j'étouffais, j'ai du avaler, dégoût, nausées... Leurs rires... Leurs odeurs, l'odeur d'essence, de poussière, de moisi... Nouvelle volée de coups, ils ont recommencé, l'un après l'autre, ensemble, leurs mains sur moi, leur **** en moi. J'ai sombré, plus tard, il faisait jour, j'ai émergé, je ne savais où j'étais, puis tout est revenu... Ils m'avaient détaché, je me suis rhabillée, suis rentrée chez moi en douce, comme j'étais sorti, une douche, une autre, j'avais toujours leurs mains sur moi, encore une, longue, chaude, je suis sortie de la salle de bains la peau à vif. J'avais mal, partout. Au commissariat, les regards en coin "vous les connaissiez ? ils étaient à la soirée ? vous leur avez peut-être fait des avances ? Vous êtes sûre?" Un ami, L. ,m'a emmené à l'hôpital, prétextant être mon grand frère, bleus, bosses, coupures, contusions, courbatures, entorses du poignet et de l'épaule, côtes félées. L'infirmière a fait semblant de croire à la chûte de vélo. Retour à la maison, fond de teint, antalgiques, mes parents n'ont rien vu. Cauchemars. Avortement, merci L. de m'avoir accompagné. Anorexie non plus ils n'ont rien vu : 1m69, +/- 40kg, la drogue, douce, dure, besoin d'argent, je me suis vendue, après tout, je n'étais rien, qu'un objet dont on peut disposer. Tentatives de suicide. Cet ami, L., m'a trouvé au bon moment, il a arrêté l'hémorragie, juste à temps d'après le samu. Il m'a désintoxiqué, m'a redonné goût à la vie. J'ai fini par redormir presque bien, à reprendre confiance. Et là, j'en ai revu un. Je croyais avoir "oublié", mais juste un peu de poussière s'était déposé, mais tout est là. A nouveau, honte, dégoût, cauchemars. Je ne veux pas replonger, mais je me sens seule. Il n'y a que L. qui avait deviné, qui savait. Et il n'est plus là. Je ne peux pas en parler à ma famille, pourquoi si longtemps après tant de mensonges ? A nouveau ces mêmes questions, pourquoi moi, j'aurais du me sauver, me débattre, peut-être étaient-ils à cette soirée, non, je n'avais pas bu, j'en suis sûre, peut-être, pourquoi. Je ne sais pas si je suis capable de me battre à nouveau ces démons, s'ils doivent réapparaître à nouveau d'ici 10,20,30ans...
Merci de m'avoir lu. De tout coeur.

Mes mots me paraissent bien pâles après les vôtres, qui vibrent encore en moi de tout leur désespoir mais aussi de toute votre énergie. Curieusement, c'est votre force qui résonne en moi et j'espère pouvoir humblement vous la renvoyer, cette force qui vous appartient, qui vous habite malgré tout.
Ne laissez pas la solitude la ronger peu à peu ; L n'est plus là et son absence semble vous condamner à rester seule avec votre traumatisme ; résistez à cet isolement, ne vous repliez pas sur votre secret et continuez à dire votre douleur, comme vous avez commencé avec moi ; ne laissez pas le tragique manipuler votre vie en vous engloutissant dans le silence ; vous ne pouvez vous confier à votre famille, qui n'a pas vu l'ampleur de votre détresse mais qui peut imaginer que des êtres humains soient si dépourvus d'humanité, justement, pour administrer de telles souffrances à un des leurs ? Souffrances que vous avez essayées de "conjurer" par la drogue et le refus de nourriture : vous vouliez vous évader de votre propre corps.
Vous avez été au bout de votre douleur que vous avez enfouie ; elle réapparait, sans s'être jamais tue, vraiment : laissez la parler maintenant.
Je ne sais pas comment vous vivez actuellement : avez vous une vie sociale, des amis, des activités ?
Si oui, cramponnez vous à ces liens mais engagez vous par ailleurs, sur le chemin d'une "thérapie"; ce mot me parait bien présomptueux mais ne refusez pas la perspective d'un soutien thérapeutique, afin de laisser parler votre vraie personne : celle qui a connu une souffrance inouïe mais dont la capacité de résistance peut s'émousser, avec les réminiscences du passé ; n'admettez pas que ces pervers puissent vous atteindre une seconde fois par le "retour" du passé ; protégez votre "moi" de la barbarie.
Vous êtes en droit de demander enfin de l'aide ; ne vous dissimulez plus derrière de vains paravents ; vous méritez qu'on vous écoute, qu'on vous entoure de tendresse et de compréhension, qu'on vous protège, pour que vous n'ayez plus à vous épuiser dans des luttes sans fin ; vous méritez qu'on vous rende grâce pour toutes ces douleurs que vous avez voulu épargner à votre famille, pour toutes ces souffrances que vous avez prises sur vous.
Je vous en prie : ce fardeau est trop lourd ; ne soyez pas impitoyable avec vous-même comme vos bourreaux l'ont été avec vous.
Acceptez l'aide des autres, même si elle peut paraitre superficielle ; ne restez pas seule.
Avez vous essayé de rencontrer des professionnels ou d'échanger avec des victimes ?
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil

Bonjour,

Tout d'abord un grand merci pour cette réponse si rapide, sans jugement... Devant votre compréhension, je me permets de vous recontacter, en espérant de pas vous importuner avec mes questions et interrogations. Merci encore de prendre un peu de votre temps pour me répondre, me parler.

Vous me parliez de vie sociale, en effet, il y a mon travail, assistante de direction dans la restauration, 60h semaine quand tout va bien, avec 1/2 journée de repos par semaine. Beaucoup de colègues, de camarades, mais j'ai coupé les ponts avec mes vraies amies, je ne me sentais/sens pas concernée par leur bla-bla lointain, leurs histoires futiles, ceux qui me connaissaient "avant", je ne les voie plus, car études, boulot...

Je vis "en couple", mais sans vrai sentiment, par habitude, pour être "normale". Au moins est-il gentil et agréable à vivre, pas trop exigeant dans la vie intime non plus.

Quant à en parler, avec d'autres, professionnels ou personnes dans cette situation, non, j'ai mis ça dans ma poche, bien au fond, pourquoi en parler de toute façon ? Pour remuer le couteau dans la plaie, revivre cette nuit là encore , mes rêves me suffisent... Et de toute façon, je ne mérite pas leur attention, qui suis-je pour espérer un soutien, une aide ? Une ancienne droguée, une ancienne pute, qui n'a même pas réussi à se débattre ce jour-là, moi qui me croyait "invincible", je n'ai eu qu'une belle leçon d'humilité, de modestie. Mes parents ne voulaient pas que je sorte, j'ai fait le mur, à moi d'en payer les conséquences et d'assumer mes conneries. Je n'ai pas eu le courage de résister ce soir-là, je n'ai pas eu la force de résister aux stupéfiants, je n'ai plus qu'à trouver celle de les protéger de l'horreur que leur fille est devenue, à préserver leurs illusions. A quoi cela servirait-il que je les ennuie avec mes erreurs ? A ce qu'ils regrettent de ne pas avoir été là, à ce qu'ils se demandent pourquoi ils n'ont rien vu, à ce qu'ils se fassent des reproches ? Je n'ai pas le droit de leur imposer cela.

Vous me parlez de force et d'énergie, je me sens si vide, si "creuse", je ne me sens pas capable d'imposer ma tristesse à mon entourage, mes remords, mes peurs. Au moins quand ils me voient vérifier 3 fois si la porte est bien fermée, ou la voiture bien verrouillée ... , ils en rigolent et ne se doutent de rien, et cela ne leur renvoie pas la vérité en pleine figure.

Merci encore pour votre présence et votre patience.

Ce "rituel"de vérification vise aussi à verrouiller votre angoisse, votre lutte intérieure pour continuer, comme si de rien n'était ; donc, vous n'êtes pas vide puisque vous vous verrouillez ; vous ne vous laissez aucune brèche dans ce rempart, que vous avez construit autour de vous et c'est donc bien parce que votre "moi" est riche d'émotions que vous fermez toutes les ouvertures.
"La conscience coupable se condamne sans attendre la confirmation du jugement d'autrui" mais laisse cependant entrevoir le champ de la réparation, à condition que le conflit intériorisé ne produise un "enfermement" insondable ; vous vous accusez d'une faute que vous n'avez pas commise et en voulant préserver votre entourage, vous vous abîmez dans l'indétermination : indétermination, parce que vous vous obligez à présenter un visage qui n'est pas celui de votre vérité.
Oui, vous êtes très forte, de pouvoir résister à toutes ces compromissions que vous vous infligez, simplement parce que vous avez fait l'expérience, que vous êtes comme nous tous : un être faillible et que la liberté de sortir, que vous vous êtes accordée ce soir-là, a débouché sur une issue tragique que vous n'avez pas pu maîtriser et dont vous n'êtes absolument pas responsable ; comment pouvez vous imaginer un seul instant qu'il était de votre pouvoir d'échapper à ces brutes ?
Le mal personnifié a croisé votre chemin et vous n'êtes pas responsable des autres ; vous n'êtes pas toute-puissante !
Bien que vous soyez assez forte pour porter un masque visant à cacher votre douleur si longtemps.
Et votre intensité de travail vous permet de ne pas vous arrêter sur vous-même.
Oui, vous êtes très forte, et dure avec vous-même ; vous agissez comme si vous aviez une dette envers les autres mais ce sont les autres qui ont une dette à votre égard ; vous n'êtes pas coupable ; la société est coupable d'avoir engendré de tels individus criminels, qui ont fait de vous une personne blessée, qui en plus se punit encore de ce qu'elle a dû subir, contrainte, forcée, sans possibilité aucune d'échapper à ses tortionnaires.
A cette époque, la police a-t-elle enregistré votre plainte ?
Ou, devant leur incapacité, avez vous renoncé à porter plainte ?
La justice aurait été un premier pas pour vous délivrer de ce sentiment de culpabilité qui affecte la plupart des victimes.
PS: la prise de drogue, la "disqualification" du corps comme vous l'évoquez, ne résume en rien une personne ; ce ne sont que des symptômes qui traduisent une souffrance et je les traite avec respect, les symptômes mais, encore plus, les personnes.
Chantal POIGNANT

Je ne sais que penser de vos réponses, me serai-je égarée toute ces années ?

Je n'ai pu/voulu porter plainte, ces policiers m'ont déstabilisé, leurs questions, leur attitude. Ils ont du garder une trace sur leur main courante. De toute façon, il est trop tard maintenant. Et porter plainte pour quoi ? Combien de ces hommes sont retrouvés ? Combien se vengent ? De toute façon, ils avaient mon adresse, c'est peut-être aussi bien ainsi.

Si j'en parle, que faire si les autres me rejettent, si mon compagnon me laisse, mes amies me délaissent, me jugent ? Comment affronter leur regard ? Pitié, gêne, jugement... Comment le dire à mes parents sans qu'ils ne se vexent, ne me reprochent d'être sortie, ne me disent "bien fait, on t'avait prévenu" ? Ne vaut-il pas mieux recommencer à "oublier", me rejetter dans le travail, pour pouvoir m'endormir, pour m'empêcher de penser, de réfléchir, pour m'éviter de m'apitoyer sur moi-même ? Je ne crains que de retomber aussi bas.

Merci d'être là. Si vous saviez le soulagement de vous lire, de ne pas être seule...

Actuellement, vous vous conformez à ce que vous croyez être, le désir des autres ; alors vous vous taisez, comme si en parlant, vous aviez peur de perdre autre chose : l'image que vous présentez aux autres, sans doute et vous continuez à faire, comme si... Si les "bénéfices "psychologiques que vous tirez de cette situationétaient avérés, alors vous auriez intérêt à continuer ainsi mais il semble bien que vous ayez, de plus en plus de mal à composer avec cette façade.
Le fait que vous vous sentiez si coupable d'être sortie sans la permission de vos parents et que cette transgression de la règle familiale vous apparaisse comme une faute méritant punition demande réflexion : comment pouvez vous mettre en "balance" cette transgression de la règle familiale, que tout jeune a eu l'occasion d'expérimenter, et cette horrible agression dont vous avez été victime ; il n'y a aucune commune mesure !
Vous avez tellement le souci de ne pas "gêner" votre entourage et de correspondre à l'image que vous croyez qu'il attend de vous que vous vous "reniez".
C'est une double peine...
Vous vous sentez coupable de ce que vous avez subi, parce que vous êtes honteuse d'avoir transgressé des règles familiales, d'avoir manqué à des codes qui constituent, pour vous et votre famille, un certain "idéal" ; en fait, la force de ces règles vous empêchent d'élaborer votre traumatisme parce que la reconnaissance de vos blessures signerait aussi votre non-soumission à la règle familiale, la deception éventuelle de vos proches et un bouleversement de l'image que vous offrez.
Croyez vous que vous méritez tout ce mal ? Avez vous si peu confiance en vous-même et en votre famille pour craindre autant "l'exclusion"?
Ne pensez vous pas que la solitude de votre conscience devient trop lourde ?
Vous êtes bien loin de vous apitoyer sur vous-même ; combien de temps encore, allez vous vous punir d'être sortie sans l'accord de vos parents ?
Pourquoi tant de ressentiment à votre propre égard ?
Si vous acceptiez, je pourrais publier anonymement vos messages avec un mail, que vous fabriqueriez (http://www.sosfemmes.com/faq/email_anonyme.htm).
Vous pourriez ainsi échanger avec d'autres personnes, victimes elles-mêmes, qui vous aideraient, peut-être, à prendre de la distance avec cette culpabilité qui vous étouffe.
Mais ne renoncez pas à vous regarder avec indulgence et estime.
Cordialement,
Chantal POIGNANT

Bonjour, si vous pensez que cela peut m'être utile, après tout, pourquoi pas...

Oui, vous pouvez publier mes messages et vos réponses, avec comme adresse mistinguette2857@yahoo.fr
J'ai besoin de réfléchir à tout cela, mes sentiments si longtemps ressentis, vos réponses qui me déroutent....

Merci pour votre présence.

Dérouter veut aussi dire changer de direction ; prenez votre temps et
réfléchissez.

Cordialement,
Chantal POIGNANT

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