Je
n'aime pas la femme que je suis depuis le viol
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en pied de message Juillet 2007 Bonjour
C'est très dur d'en parler, mais je pense que ça pourrait
m'aider car je ne vis plus. J'ai trouvé votre association sur google et
je me suis retrouvée dans votre démarche. Je vais vous raconter
mon histoire, je ne sais pas trop comment faire. Il y a 2 ans 1/2, un
homme en voiture m'a appelée. J'ai cru qu'il voulait un renseignement.
En m'approchant, il m'a tirée dans son auto et m'a conduite sur un chemin
forestier. Là, il m'a obligée. J'ai cru qu'il allait me tuer. Au
début, j'ai essayé de me débattre, de sortir de l'auto, de
lui griffer les yeux mais tout était fermé et au plus je me débattais,
au plus ses mains se serraient autour de ma gorge et m'étouffaient.
Alors, je me suis détachée de mon corps, j'ai eu l'impression
de le quitter et d'observer la scène de l'extérieur comme si ce
n'était plus moi qui subissait. Pendant 30 mn, il m'a contrainte à
lui faire une fellation, il m'embrassait, me toucher partout. C'était dégueulasse.
Il aurait voulu aller plus loin, mais (heureusement), j'avais mes règles.
Pendant tout ce temps, j'ai cru qu'il se débarasserait de moi
ensuite. Mais non, il a eu l'air de regretter son geste et m'a reconduite où
il m'avait prise. Je n'ai pas compris son attitude. J'étais tétanisée,
mon coeur palpitait. J'ai foncé à l'infirmerie de la fac, mon Chéri
est venu de suite et s'est montré merveilleux, un profond soutien et un
Amour inébranlé. Là, on a été à
la police et l'horreur a continué. Un flic, très bien, très
doux, compréhensif, humain. Un gendarme, qui m'a bousillée, il n'a
pas arrêté de sous-entendre que j'avais été violée
parce que j'étais en minijupe et que si je continuais à m'habiller
en minijupe, ça recommencerait. Pourtant, ma minijupe arrivait au-dessus
du genou. Il m'a fait comprendre qu'il ne prendrait pas de photos pour ne pas
me desservir devant un tribunal et recherché tout le temps la notion d'argent
qu'il y aurait pu avoir dans l'agression. Il m'a fait incroyablement mal. J'étais
effondrée et lui, il me prenait pour une prostituée, il n'en avait
rien à fiche. Aujourd'hui, je souffre toujours énormément.
Je n'arrive plus à vivre normalement. J'ai toujours mal quelque part dans
mon corps alors que mes examens de santé sont bons. Tous les jours, j'ai
l'impression que mes douleurs vont me tuer (tête et thorax), je me focalise
tout le temps sur mon cerveau et mon coeur, en bonne santé. J'ai peur aussi,
j'ai tout le temps peur que ça recommence, qu'on me déconsidère,
qu'on me juge comme coupable. Je ne me sens plus moi-même et je n'aime pas
la femme que je suis actuellement, elle n'est pas moi. Je me sens sale. Je dors
mal, je suis toujours fatiguée et lointaine, je n'aime pas la femme que
je suis depuis le viol. Voilà. Je ne sais pas quoi dire de plus.
J'attends votre avis. Votre regard. Ce que je ressens est -il normal ?
Savez-vous pourquoi j'ai mal physiquement ? Ca se soigne ? Savez-vous pourquoi
je me suis détachée de mon corps pendant le viol et pourquoi je
n'ai pas l'impression de l'avoir réintégré depuis ?
PS : si vous voulez publier mon témoignage, vous pouvez, mais il n'est
pas parmi les plus graves, je ne sais pas si quelqu'un pourra se retrouver dedans,
mais si ça peut aider, je veux bien. Bonsoir,
J'ai bien reçu votre témoignage ; il résume ce que ressentent
les victimes d'agressions sexuelles ; vous vous êtes comme détachée
de votre corps dans un ultime mécanisme de défense pour vous protéger
du choc effroyable, de votre peur, et tout ce que vous ressentez ensuite correspond
aux conséquences d'un traumatisme. Je vous promets de revenir vers
vous demain. Merci de m'accorder un petit délai de réponse ;
j'ai eu beaucoup de messages aujourd'hui que je traite par ordre d'arrivée
et je dois partir mais je voulais vous faire signe. A demain après-midi.
Merci. Cordialement, Chantal POIGNANT Bonjour, Je
reviens vers vous. Ce que vous ressentez est malheureusement habituel chez
toutes les victimes d'agressions sexuelles : honte, culpabilité, impression
d'être souillée, insomnies... Lire ici : * http://www.sosfemmes.com/violences/viol_consequences.htm Vous
continuez à mettre votre corps à distance comme dans une sorte de
dépersonnalisation (sentiment de ne pas habiter son propre corps), à
flotter dans une sensation d'irréalité (sentiment que tout ce qui
vous entoure n'est pas réel), à vous sentir déconnectée,
hors de votre corps parce que vous êtes dans une tentative de négation
de votre agression, dans un refus de la réalité que vous voudriez
transcender et qui pourtant s'impose avec son caractère traumatisant. Cette
capacité à se "dissocier" peut être une ressource
face au traumatisme subi, dans la mesure où elle peut tempérer la
violence du choc. Néanmoins, ce "mécanisme de défense"
a ses limites et il faudra bien affronter vos représentations de cet évènement
afin que vous puissiez accepter la réalité de ce qui vous est arrivé,
à vous, et l'intégrer dans votre présent. Lire ici : *
http://www.sosfemmes.com/violences/viol_abus_sexuels.htm Ne
cherchez pas à esquiver vos souffrances, à "tromper" inconsciemment
votre "moi" sur la réalité des évènements
vécus et que vous avez peine à formuler. Ne sous-estimez pas
vos blessures. Faites vous aider par un professionnel : * http://www.sosfemmes.com/ressources/contacts_psys.htm Merci
de votre autorisation à la publication ; souhaitez vous, utiliser cette
adresse ou une autre, inconnue ? Voir ici : * http://www.sosfemmes.com/faq/email_anonyme.htm
Cordialement, Chantal POIGNANT Conseil Bonjour
Je vous remercie de m'avoir répondu si rapidement. C'est une part de
soulagement que de mettre des mots sur ses maux. Depuis que je somatise
mon viol et que mon corps me fait mal chaque jour depuis un an, qu'il me fait
peur de mourir ; depuis que j'ai compris que ces douleurs étaient l'expression
de mon traumatisme, j'ai décidé de me battre et de tout faire pour
revivre normalement. Mais c'est tellement dur. Je ne sais pas comment
remédier à cette "dépersonnalisation". J'essaie
de m'impliquer dans ma vie et de mettre mon viol de côté, mais il
s'impose toujours et je reste toujours lointaine et détachée.
Je vais me faire suivre par un thérapeute, j'en ai vu une près
de chez moi spécialisée en psychosomatique. Depuis 2 semaines, je
me suis mise au yoga aussi. Vous
pouvez utiliser cette adresse mel pour le témoignage. Je l'ai créé
exprès. Je vous remercie encore de votre aide. Ca fait du bien.
Lilliputh lilliputh13@laposte.net
Bonjour,
Vous allez vraiment dans le sens de la résolution du "problème"
: votre attitude est positive parce qu'active ; effectivement, la pratique du
yoga est recommandée et votre idée de consulter un thérapeute
démontre votre volonté d'avancer ; je ne peux que vous encourager
dans cette voie et sachez que votre cheminement peut être long, délicat,
assombri parfois par les réminiscences, autrement dit il ne sera pas forcément
linéaire mais même dans vos moments de découragement, ne renoncez
pas à croire en vos capacités. Merci
de votre autorisation à publier. Chantal POIGNANT |