Un
grain de sable parmi tant d'autres
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en pied de message
Janvier 2008
Bonjour,
J'ai longtemps cru que j'étais l'unique à avoir subit
ces atrocités mais depuis j'ai compris que je n'étais
qu'un grain de sable parmi tant d'autres.
Il y a presque 20 ans maintenant, j'ai été confiée
à une nourrice -comme beaucoup d'enfants- car mes parents étaient
très absorbés par leur travail et ne pouvaient pas chambouler
tout leur quotidien pour leur 1er enfant. Mon père est en déplacement
toute la semaine et ne revient que le week end, quant à ma mère
elle fait du 7h30-19h. Le temps a passé et on m'a fait le plus
cadeau de ma vie, une petite sœur. Nous étions alors toutes les
deux chez cette même nourrice.
Quelques années ont passé, et j'étais devenu très
craintive, je ne voulais plus rester chez cette nourrice mais je ne
disais rien. Pendant des années, le fils de ma nourrice a abusé
de moi, m'a touchée, m'a fait visionner des vidéos pornographiques,
m'a violée sans que personne ne s'en rendent compte. J'avais
beau crier, mes cris ne se faisaient pas entendre.
En plus d'avoir peur pour moi j'avais peur pour ma sœur, alors je faisais
en sorte qu'elle ne soit jamais seule avec ce monstre, quitte à
prendre sa place, à la protéger. Je ne pouvais pas en
parler, puisqu'il me menacait avec une carabine, en me disant que si
je révélais " notre secret " il me tuerait -je
vois encore son geste, son index qu'il faisait glisser le long de son
cou- je me suis donc enfermée dans un silence.
J 'ai indirectement demandé de l'aide, je suppliais ma mère
de venir nous chercher plus tôt, elle me promettait que oui, mais
elle venait toujours aussi tard en s'excusant, mais moi je m'éteignais
petit à petit un peu plus.
Et c'est alors que ma grand-mère paternelle est décedée,
comme un signe, nous avons suite à ça pu quitter cette
nourrice, pour que ce soit notre grand-mère maternelle qui s'occupe
de nous.
Je n'ai depuis jamais revu ce monstre. Mais ce que j'ignorais, c'est
que tout était loin d'être fini.
Je pleurais chaque soir avant de m'endormir, j'avais honte et peur que
quelqu'un l'apprenne. Je ne pouvais plus me mettre à table, ni
même dormir sereinement ; c'est peut être idiot, mais mon
père a tendance a respirer très fort quand il dort, cette
respiration me rappelle la respiration de ce monstre lorsqu'il me violait,
et à chaque fois que j'entends cette respiration j'ai envie de
me tuer…il en est de même pour le bruit que l'on peut faire en
mangeant, en mastiquant.
Un jour j'ai voulu en parler à ma soit disant meilleure amie,
je lui faisais confiance, cela m'a beaucoup couté de lui parler,
et elle, elle ne m'a pas cru et l'a répété à
d'autres personnes en se moquant de ce qu'elle appelait mes mensonges.
J'ai eu l'impression d'être poignardé une nouvelle fois.
De là je n'ai plus du tout confiance en les autres.
Ensuite je suis entrée au lycée, une période très
noire. Je me souviens surtout de mon père alcoolique, de ses
sautes d'humeurs, de sa violence verbale, de ses crises, de ses excès.
J'ai alors commencé à sombrer petit à petit dans
l'anorexie, durant 4 ans j'ai refusé de faire plus de 40 kg alors
que je grandissais et mesurais un bon mètre 60, je ne mangeais
presque plus.
J'ai alors trouvé de très bons amis qui m'ont appris à
rire, et à m'aimer. Ce moment de bonheur fut très bref,
puisque vers 16ans je suis retombée dans une période d'anorexie
où j'ai perdu presque 15 kg (à la base je ne suis pas
très épaisse). Mes parents se sont affolés, et
m'ont poussée à aller faire une psychothérapie
, ce que j'ai accepté de faire.
Au bout de 9 mois de thérapie, ma mère jugeant que le
travail n'avancait pas assez vite, m'a fait comprendre qu'elle souhaitait
que j'arrête (il faut savoir qu'une séance c'est 45 euros
non prise en charge, et que j'y allais au minimum 1fois par semaine).
J'ai arrêté d'y aller du jour au lendemain, pour la soulager.
Comme tout parents/ados, nos relations devenaient de plus en plus conflictuelles,
je n'arrêtais pas de dire à ma mère que je n'allais
pas bien et la seule chose qu'elle trouvait à me répondre
c'était " tu as tout pour être heureuse, tu n'as pas
de maladies graves, tu as un toit, alors arrêtes de te plaindre
" ; je n'ai pas pu supporter ses paroles trop longtemps et je lui
ai dit qu'elle me connaissait très mal, que je n'avais pas tout
pour être heureuse et que je n'avais pas la vie de Mme tout le
monde. Lorsque je lui ai dit que j'avais été violée
pendant des années, la seule chose qu'elle a pu me dire c'est
" donne moi tous les détails, qu'est-ce qu'il t'a fait précisément
? " j'ai refusé de lui dire, car j'aurais eu la sensation
d'être salis à nouveau, c'est ma mère je ne pouvais
pas lui donner les détails, j'ai trop honte.
De là, elle a fait abstraction de cette révélation,
et elle s'est éloignée de moi.
Je me sens très seule face à tout ça, il y a 2
ans j'ai fait une tentative de suicide, mon père n'est même
pas venu me voir à l'hopital, et ne m'a même pas appelé
pour prendre de mes nouvelles. Quand je suis sortis il m'a juste dit
" ça été ta semaine ? ", génial
!
J'ai complètement été détruit par ce viol,
aujourd'hui j'ai 20 ans, et beaucoup de difficultés à
envisager une vie future, je pense souvent à mettre fin a mes
jours car personne ne prette attention à moi. J'essai de me reconstruire,
d'avoir une vie amoureuse mais c'est très dur car à chaque
rapports sexuels, je me repasse mes scènes de viols.
Bref c'est pas toujours facile la vie…juste pour dire, qu'il faut être
très attentif aux gens qui nous entourent car on ne connaît
pas forcément leur vie. C'est surement cruel mais aujourd'hui
j'en veux à mes parents même si ce ne sont pas eux le point
de départ de tous mes problèmes.
Merci de m'avoir lu, je sais que mon message est un peu long.
Bonjour,
Vos parents n'ont sans doute pas supporté cette révélation
car ils se sont certainement sentis mis en cause dans leur fonction
parentale, dans la mesure où ils n'ont pas vu, pas su vous écouter,
et plutôt que de vivre avec une angoisse de culpabilité
constante, ils ont préféré, certes égoïstement,
nier l'intensité du drame que vous avez vécu, nier votre
douleur ; et ils se sont installés dans une attitude ambivalente
qui ne vous est pas d'un grand secours, au contraire.
Vous leur en voulez et c'est facilement compréhensible ; ce n'est
pas auprès d'eux que vous trouverez du soutien et la force nécessaire
pour revisiter votre passé et sortir des aspects traumatiques
de l'abus sexuel qui persistent, bien après la compréhension
et les explications, surtout quand l'entourage proche en minimise l'impact
sur notre vie.
Vous aviez rencontré un professionnel mais sans doute que le
travail psychologique entrepris n'a pas été suffisamment
long dans le temps pour que vos ressources personnelles aient eu la
pleine possibilité d'être mises à jour, sans doute
qu'il vous aurait fallu plus de séances encore pour mettre fin
à des croyances bloquantes que vous avez ingérées
tout au long de vos jeunes années pendant lesquelles vous avez
subi l'emprise de votre agresseur, pour mettre fin aussi à l'impact
des messages à demi voilés de vos parents qui vous demandent
finalement de n'en plus parler.
Encore une forme de " manipulation " peut-être, qui
ne tient pas compte de votre identité, de votre être...
Savez vous que, vous pourriez de nouveau contacter un professionnel
en CMP, où les frais sont pris en charge par la sécurité
sociale ? Voici la liste de ces établissements :
* http://www.sosfemmes.com/ressources/contacts_psys.htm
Je
vous demande l'autorisation de publier votre témoignage, tout
en restant anonyme, avec cet e-mail.
J'attendrai votre réponse.
Merci.
Cordialement,
Chantal Poignant
Conseil
Bonjour
et merci de m'avoir lu et répondu aussi rapidement.
J'avais bien cerner le défilement de mes parents face à
cette nouvelle pour se protéger; mon médecin de famille
m'a aussi dit qu'il était probable qu'ils ne portaient pas plus
attention à cette agression car elle n'avait pas été
reconnue étant donné que je ne voulais et ne veux toujours
pas porter plainte ?!
Si certaines personnes se reconnaissent dans mon message et souhaite
discuter pour se soulager d'un poids alors je veux bien que mon témoignage
soit publié avec cet e-mail.
Merci.
p.plumette@laposte.net
Bonjour,
Je vous remercie de cette autorisation.
D'autres personnes se reconnaîtront effectivement dans votre témoignage.
Cependant, il est vraiment dommage que vos parents n'aient pas porté
plainte pour vous quand vous étiez enfant et que vous, une fois
adulte, n'ayez pu dépasser cette crainte du dévoilement
; la justice, quand elle reconnaît la victime comme telle, permet
de mieux "apprivoiser" les émotions suite au traumatisme
subi.
Cordialement,
Chantal Poignant
Conseil
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