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Mes
souvenirs sont-ils réels ?
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en pied de message Madame,
Voici un
petit résumé de mon parcours, et la situation dans laquelle
je me trouve actuellement. J'ai dix-neuf ans, bientôt vingt. Je
traîne une dépression depuis maintenant onze ans. Ma première
tentative de suicide remonte à mes neuf ans. Pendant toutes ces
années, j'ai entrepris plusieurs thérapies. Toutes, à
court terme, ont été fructueuses. Associée à
un traitement médicamenteux de plus en plus fort, j'arrivais
à me sortir de ma dépression pendant quelques temps. Pour
replonger un peu plus bas chaque fois. Nombre de problèmes ont
été mis à jour et réglés, ainsi,
une inversion des rôles et une relation fusionnelle avec ma mère
; une hypersensibilité et une hyperémotivité liée
au fait que je sois surdouée (j'ai 146 de QI, tests faits avec
des professionnels). De plus, depuis l'âge de trois ou quatre
ans, je suis boulimique, m'amenant ainsi à un maximum de 140
kg il y a quelques mois, pour 1m69. Ces différentes thérapies,
ajoutées à des recherches personnelles, à beaucoup
de remise en question, à la confrontation au monde, m'ont permis
de mettre à jour quelques "petits" dysfonctionnements
autres que ceux cités précédemment : une mauvaise
estime de moi, voire, dans les pires moments, un dégoût
de moi, à m'en donner envie de me vomir moi-même, l'impression
de n'être qu'un "gros sac de merde", comme mon frère
me l'a si souvent répété. Une peur panique des
hommes, du contact masculin, du "grand méchant loup"
masculin. Je ne supporte pas d'aller chez le dentiste, il faut vraiment
que la douleur soit intolérable pour que j'y aille, en ce moment
même, j'ai une carie, et même un trou dans une dent, mais
ce n'est pas suffisant pour me décider à y aller. Je ne
suis allée qu'une seule fois chez un gynéco, et c'est
ma mère qui m'y a emmené. Depuis deux ans, je prends régulièrement
des rendez-vous, que j'annule toujours, pour une raison ou une autre.
Depuis fin septembre, j'ai rencontré un homme formidable, premier
homme que je laissai "m'apprivoiser", m'approcher, et me toucher.
Nous envisageons d'emménager ensembles dès que ce sera
possible. Sans rentrer dans les détails de notre vie intime,
il a fallu s'y reprendre de nombreuses fois pour qu'il puisse "passer"
au début. Bien évidemment, ce fut très douloureux
pour moi, et chaque fois qu'il renonçait parce qu'il sentait
bien que j'avais trop mal, je me sentais honteuse, coupable de ne pas
réussir à le satisfaire. Quand nous nous sommes rencontrés,
j'étais en première année à la fac. J'ai
arrêté entre temps. Cause, rechute de dépression.
De nombreuses tentatives de suicides ont eu lieu entre fin décembre
et aujourd'hui. Dont une m'a conduite à l'hôpital, et une
autre ce matin même. Depuis cette première tentative de
suicide à neuf ans, et les prémisses de cette dépression,
j'ai l'intime conviction d'avoir été violée. Ce
n'était qu'une simple conviction, rien ne venait étayer
cette sensation. J'en ai parlé pour la première fois à
une amie à seize ans. J'avais beau fouillé dans mon propre
passé, je ne voyais pas de moment où cela aurait pu arriver.
Sauf peut-être chez le premier thérapeute que je suis allée
voir, hypnotiseur, mais dans le temps, ça ne "collait"
pas. J'avais le sentiment que c'était avant. Je me suis alors
penchée sur le phénomène de transfert d'une génération
à l'autre, et ai ainsi découvert que ma mère avait
été violée, à deux reprises. J'ai alors
mis tous mes problèmes sur le compte de ce transfert. Jusqu'à
la semaine dernière. Une petite discussion avec ma mère,
où je lui exposai pour la première fois quelle était
l'ampleur que dégoût que je ressentais pour moi. C'est
elle qui m'a ainsi mis sur la piste de sévices que j'aurai moi-même
subi. J'avoue que cette simple discussion, qui n'a pas duré plus
de quelques minutes, a ouvert une véritable boîte de Pandore.
Au début, ce sont de simples souvenirs que j'ai commencé
à voir d'un autre oeil. Un jour, je devais avoir trois ans, c'est
mon père qui m'a fait prendre ma douche. Suite à cette
douche, j'avais très mal, ça me brûlait, au point
que je ne tenais pas assise pour le repas. Ma mère a mis ça
sur le compte du savon employé, et m'a relavée, mais je
me souviens que ça n'a pas calmé la brulûre. Il
s'agit de la même brûlure que je ressens aujourd'hui à
partir du moment où mon compagnon met un préservatif.
(Allergie au lubrifiant, mais encore une fois, je redoute d'aller chez
le gynéco, pour me faire prescrire la pilule).Une autre fois,
j'attendais, habillée, sagement assise sur le canapé que
mon père finisse d'accrocher les tableaux aux murs, pour faire
un jeu avec lui. Puis, j'ai un trou, et je me revois dans ses bras,
en pyjama, bizarre, pas bien. Je n'ai pas d'autres mots pour décrire
l'état dans lequel je me trouvai à ce moment-là.
Mercredi soir, alors que nous étions, mon compagnon et moi-même,
dehors en pleine nuit pour observer l'éclipse de lune, je me
suis endormie dans la voiture, emmitouflée dans la couette. Je
me suis réveillée en panique, des années en arrière,
seule et vulnérable, dans les bras de mon père. J'ai eu
beaucoup de mal à revenir à la réalité.
Avant-hier, j'ai fait une crise de panique. Un flashback terrifiant.
Je me revoyais petite fille, enfermée dans une pièce (floue,
que je n'arrive pas à identifier), à l'écart, serrant
un jouet (peluche ou poupée, je ne sais pas), terrorisée.
Voyant une silhouette floue, non identifiable, s'approcher de moi, sachant
que l'inéluctable va se produire (quoi exactement, je ne sais
pas). Entendant ces mots, prononcés d'un ton suave et mielleux
"tu es en sécurité ici. Personne ne te fera de mal.
Je ne te fais pas de mal, moi, si ?"Le lendemain matin, j'ai refait
une crise similaire, précisant un peu ce souvenir. Dans le cadre
de ces crises, je ne supporte absolument aucun contact physique, pas
même le chien ou le lapin, et je crois que je deviendrai hystérique
si quelqu'un essayait de me toucher. Je suis paniquée, et je
me tétanise, dans une région allant de la taille aux genoux.
Au point d'en avoir des courbatures. Petit à petit, à
force de patience, de calme, de douceur, mon compagnon arrive à
me prendre la main, puis à me serrer contre lui. Cette nuit,
envers et contre tout, j'ai voulu essayer de faire l'amour avec lui,
lui demandant d'être doux et patient (chose inutile d'ailleurs,
je n'ai pas besoin de le demander pour que ce soit le cas), et la promesse
qu'il arrêterait à n'importe quel moment si je le lui demandais.
Au début, c'est relativement bien passé. Je devais faire
un effort de volonté et me dire "C'est lui, je l'aime, et
je le veux aussi". Par moment, je me suis crispée, et tendue,
mais j'ai réussi à me replacer dans l'ici et le maintenant,
avec lui. Jusqu'au moment où il a mis le préservatif,
et où j'ai ressenti la brûlûre habituelle. Et je
me suis complètement contractée, cherchant à simuler
pour qu'il "prenne son pied" le plus rapidement possible et
que ça finisse, me "détachant" de mon corps.
Et retrospectivement, je me rends compte que c'est comme ça depuis
le début. Seulement, hier soir, il était particulièrement
attentif, et j'étais trop mal pour pouvoir simuler efficacement,
et il a décidé d'arrêter. Je me suis sentie terriblement
coupable, honteuse de l'avoir empêché de "prendre
son pied". Ce matin au réveil, j'avais cette honte et cette
culpabilité, et cette phrase : "ça fait partie des
règles du jeu, tu n'as pas le droit de refuser. Ce sont les règles
du jeu" Ceci entraînant un malêtre et une souffrance
intolérable, me conduisant à vouloir mettre fin à
mes jours une fois de plus. Je voudrais savoir si je deviens dingue
et que ce n'est que le pur produit de mon imagination, ou si ce sont
de réels souvenirs enfouis qui émergent à la surface
de ma conscience, auquel cas, je voudrais savoir quel est le salaud
qui m'a ainsi détruite. Dans le cas où ce serait effectivement
mon père, je n'arrive même pas à envisager que cela
soit possible. jacquot.liliane@netcourrier.com |