Une
relation amoureuse en CDD
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Juin 2008
Je m'appelle
Céline et j'ai été pendant plusieurs années
victimes de violences psychologiques de la part de mon conjoint. J'ai
rencontré, il y a presque neuf ans, un homme charmant, romantique,
très serviable amicalement qui m'a rapidement proposé
de fonder une famille, de m'installer chez lui. Avec le recul, je pense
que certains signes auraient du m'alerter et me faire fuir. Il voulait
toujours avoir raison, avoir le dernier mot, parlait pendant des heures
sur un ton péremptoire et parfois agressif. Puis il s'est mis
rapidement à me dévaloriser, à dire du mal de ma
famille. Je lui trouvais des excuses, car je connaissais certains événements
tragiques de son passé. Comme il est étranger et d'une
classe sociale différente de la mienne, je pensais qu'il s'agissait
de différences culturelles. Lui me disait qu'il n'y avait pas
de couple idéal, qu'au contraire de beaucoup, nous ne fuyions
pas les problèmes en acceptant la confrontation. Il me criait
dessus, m'insultait et me dénigrait sans cesse. La violence s'est
accrue durant mes deux grossesses, notamment lors de la deuxième.
J'étais enceinte d'une petite fille. (Le psychiatre que j'ai
consulté, longtemps après le début de cette rencontre,
m'a dit que la violence des hommes s'exerçait souvent lors des
grossesses de leur femme car il les voyait alors comme toutes puissantes
et détentrices de la vie et de la mort. Là j'étais
une femme enceinte d'une future femme, j'étais doublement dangereuse
à ses yeux.) J'ai mené seule mes deux grossesses, assumant
tout à la maison: les tâches ménagères, le
boulot à l'extérieur (il ne travaillait pas et n'avait
aucune ressources), l'éducation de notre fils, une grossesse
compliquée. Cet homme a voulu me détruire et il y serait
probablement parvenu s'il ne s'était attaqué à
un autre membre de ma famille. Durant cette grossesse, il s'en est pris
à ma tante qui gardait mon fils aîné. Chaque jour,
il l'a rabaissé plus bas que terre lui tenant des propos grossiers,
lui faisant des propositions malhonnêtes. Sachant qu'elle avait
hérité d'une très grosse somme d'argent, il lui
a dit qu'il était amoureux et qu'il voulait partir vivre avec
elle en Afrique. Ma tante a attendu que j'accouche pour me dire la vérité,
car elle craignait que je ne fasse une fausse couche. Le lendemain de
mon accouchement, elle m'a tout avoué à la maternité.
J'étais comme anesthésiée. Je savais qu'elle disait
vrai, elle ne m'avait jamais menti et par ailleurs J. avait eu le tort
d'utiliser les mêmes insultes, les mêmes mots qu'avec moi.
J'ai demandé au père de mes enfants de partir dans son
pays d'origine, de me laisser seule pour prendre du recul. Il était
comme fou, me disait que je voulais lui voler ses enfants, que j'étais
déjà morte, que je puais le cadavre. Sachant que j'avais
été victime d'abus sexuel alors que j'étais enfant,
il m'a dit que je l'avais bien cherché et que si je n'en avais
pas parlé autour de moi c'est certainement parce que j'aimais
ça. Il m'a dit qu'il me dénoncerait pour pédophilie
et que je perdrais la garde de ses enfants. Il a eu trois enfants auparavant
de deux mères différentes. Il ne voit plus sa fille aînée
et sa deuxième femme avait porté plainte pour harcèlement.
Il ne voit plus aucun de ces enfants.
Un jour une dame de la PMI est venue chez nous, elle a constaté
le climat de violences et de peur qui régnait chez moi et m'a
demandé si j'étais victime de violences conjugales psychologiques.
Spontanément j'ai dit oui, sans savoir de quoi il s'agissait.
J'ai ensuite tapé ces deux mots sur internet, et là en
lisant les sites des associations ou les forum, je me suis reconnue
dans ce que d'autres femmes décrivaient. Les agressions dont
ma tante avait été victime, la prise de conscience de
ce que je vivais, ainsi que le fait de vouloir protéger mes enfants
m'ont permis de nous mettre à l'abri tous les trois. Ma famille
m'a énormément soutenue, j'étais comme un fantôme
et ne pouvais pas me soigner car je m'efforçais d'allaiter ma
petite fille. J'accomplissais toutes mes tâches quotidiennes comme
un zombi. Je suis allée vivre quelque temps chez mes parents,
le temps de lui laisser le temps de s'organiser pour partir dans son
pays. Il cherchait sans cesse à me convaincre de lui pardonner,
je n'arrivais pas à lui tenir tête, à lui dire que
je ne l'aimais plus… Après des années de manipulation,
j'avais moi aussi acquis ce type de réflexes. Un jour, je lui
ai dit que s'il ne partait pas, j'appellerais la police. Je lui ai donné
toutes mes économies afin qu'il s'en aille. Pendant plus de six
mois, j'ai vécu seule avec mes deux enfants. J'ai entrepris une
thérapie, pris soin de moi, de mes petits, renoué avec
mes amies. J'ai énormément parlé de ce qui m'était
arrivé autour de moi pour exorciser ma peur mais aussi pour le
"pourrir". Il m'avait tellement sali que j'avais besoin de
me venger d'une certaine manière…
Je lui ai ré- ouvert ma porte six mois plus tard. Il avait fait
une thérapie traditionnelle avec une guérisseuse africaine,
m'a confié qu'il reconnaissait s'être montré violent
et que cela ne se reproduirait pas car il "n'avais plus peur de
moi." J'étais suivie par un psy, en contact avec la PMI,
entourée de mes amies et de ma famille. J'avais peur de son retour
mais je craignais qu'il reste en Afrique et que mes enfants deviennent
orphelins. Il avait déjà abandonné trois enfants
de deux femmes différentes… Je crois que quand il est revenu,
je me suis sacrifiée pour que mes enfants aient un père.
Aujourd'hui, nous vivons ensemble tous les quatre. Il y a bientôt
trois ans que nous sommes en paix, bien qu'il y ait eu des épisodes
de guerre larvée auxquelles j'ai su mettre un terme en étant
très ferme. Nous avons consulté une médiatrice
familiale qui nous a aidé à rétablir un dialogue
plus serein. Il nie cependant avoir fait des avances à ma tante
et minimise parfois la violence dont j'ai été sa victime.
On ne parle pas des sujets qui fâchent… Il ne s'agit pas d'une
relation amoureuse idéale. Si j'étais au bord d'une falaise
et qu'on me demandait d'avancer les yeux fermés, ce n'est pas
à lui que je tiendrais la main… La confiance est brisée,
nous partageons de bons moments de complicité, de tendresse,
d'échanges autour de nos enfants. Je ne pourrai plus aimer aveuglément,
faire confiance à un homme. On est dans une relation amoureuse
en CDD, un jour pousse l'autre et je ne pense pas que nous vieillirons
ensemble. Mais qui sait? Mes enfants sont heureux, dans ma maison, il
n'y a plus de cris ni d'insultes, ils ont un père. Une des difficultés
auxquelles je suis confrontée aujourd'hui est l'absence d'amis
communs. Mes amies, les membres de ma famille à qui je m'étais
confiée ont désormais un a priori pour ne pas dire de
la peur et de la haine à son égard. Ce dernier le ressent
et ne veut pas les voir. Je me sens souvent dans une espèce de
conflit de loyauté entre ma famille d'origine et la famille que
j'ai créée. Que dois-je dire à mon fils de cinq
ans qui me demande pourquoi son père ne participe pas aux fêtes
familiales? Comment retrouver l'amour et la confiance? Comment être
sûre que je ne revivrai pas cet enfer? Comment élever mes
enfants afin qu'ils ne deviennent pas des victimes ou des bourreaux?
Que faut il dire et taire?
Je vous
remercie pour votre site. Qu'il continue d'informer les femmes de leurs
droits à vivre en paix, de leur ouvrir les yeux sur ce qu'elles
vivent et qu'elles considèrent comme banal car des générations
de femmes avant elles l'ont vécu.
Amicalement
à toutes.
Bonjour,
Quelle est la nature de la compensation que vous obtenez suite à
votre "sacrifice" ?
Compenser veut dire contrebalancer ou remplacer.
Vous avez contrebalancé voire remplacé un besoin par un
autre : est ce que cette situation instaurée vous parait durable
? Apparemment vous n'en êtes pas persuadée vous-même.
Vous écrivez que vous avez fait tout cela pour vos enfants ;
je veux bien vous croire mais à quoi correspond cette exigence
maternelle, qui vous a fait construire un équilibre que vous
savez vous-même précaire et qui pourrait s'effondrer ?
"Compenser est une façon inconsciente de s'aimer lorsque
l'on est prisonnier d'un système où l'on ne se sent pas
suffisamment reconnu ou reconnu pour ce que l'on est pas".
Par ailleurs le mécanisme compensateur sert à masquer
le conflit qui fait rage à l'intérieur de soi.
Votre souci des enfants est légitime mais ne masque-t-il pas
autre chose ?
"Compenser est une façon de survivre au déséquilibre
intérieur et de résister au nécessaire changement"
quand on en craint les risques et les deuils qu'il y aurait à
faire.
J'ai le sentiment que, sous votre calme apparent, se joue un sérieux
combat et que vous essayez par tous les moyens de lever seule les obstacles
qui menacent votre relation ambiguë avec cet homme.
Si cet homme n'investit pas sa fonction de père, tôt ou
tard, les enfants le sentiront.
Vous ne pourrez pas éternellement préserver, voire maîtriser,
la relation.
Quel père est-il vraiment d'ailleurs ?
Vous pouvez dire simplement à vos enfants que votre famille et
leur père n'ont pas envie de se rencontrer parce qu'ils n'en
éprouvent pas le besoin, et c'est tout.
Vous ne devrez pas essayer d'assainir les relations entre votre famille
et votre compagnon, ce n'est guère possible et c'est de sa responsabilité
à lui, et vous devez absolument écarter les enfants de
ce problème : eux vont voir papy, mamie, tata, etc., mais papa
préfère faire autre chose ; pas plus d'explication surtout.
Vous voulez absolument tout bien faire mais est-ce possible ? Laissez
vous guider par vos émotions parfois.
Et soyez indulgente avec vous.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil
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