Ma
fille court-elle un risque auprès mon père ?
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Août 2008
Bonjour,
J'ai 43 ans et j'ai une soeur, elle a 13 ans de plus que moi.
Elle a dévoilé, il y a maintenant 4 ans, qu'elle avait
été victime d'attouchements par mon père sur une
période de plusieurs mois. Ces attouchements ont cessé
peu de temps avant sa communion, elle avait 12 ans et demie. Mon père
s'est masturbé devant elle, il a tenté de la pénétrer.
Après cela, il a cessé les attouchements. Ma mère
est tombée enceinte de moi juste après. Quand elle a annoncé
cela, je ne l'ai pas cru car je n'ai pas pu imaginer cette image là
de mon père. Et puis, j'ai grandi en quelque sorte et j'ai décidé
il y a quelques mois d'accueillir sa souffrance. Depuis, nous avons
bien sûr beaucoup échangé sur le sujet et il s'avère
que nous avons de nombreuses difficultés en commun. Mais, en
ce qui me concerne, je n'ai pas de souvenir et je ne cherche pas à
en avoir absolument. Je m'interroge sur le fait suivant: est-il possible
qu'une personne qui fait subir cela à sa fille se rende compte
d'un coup, suite à certaines paroles prononcées par sa
fille, du style "tu sais papa, ce n'est pas bien ce que tu fais
là", de l'horreur de ses actes et réusisse à
contrôler ses pulsions définitivement?
Le "parfum" d'inceste qui flottait à la maison à
ma naissance peut-il à lui seul expliquer les similitudes de
nos "failles"?
Voit-on souvent des mères ignorantes de ce qui se passe?
Bien sûr, chaque histoire est unique, je ne vous demande pas de
m'apporter des certitudes sur un plateau mais des "spécialistes"
sur le sujet peuvent sans doute m'apporter des pistes de réflexion.
Je vous remercie par avance.
Ce mail n'a pas valeur de témoignage et je ne désire pas
qu'il figure à cette rubrique.
Merci de votre compréhension
Bonjour,
Il est certain que la soumission de la victime à l'autorité
parentale entraîne un véritable mouvement répétitif
de l'acte incestueux ; donc, il est probable qu'une stratégie
de rappel de l'interdit peut éviter au contraire une escalade
graduelle dans la désinhibition des pulsions. Par contre, je
ne dirai pas que la censure est définitive surtout si votre mère
"fait la sourde oreille" : en effet, certaines personnes à
tendances incestueuses se retrouvent parmi les gens insatisfaits dans
leur couple, où l'épouse se détourne particulièrement
de la sexualité, est autoritaire, frustrante ou absente, parfois
malade, etc...
C'est alors que le père incestueux cultive un climat de relation
de proximité physique avec son enfant et oriente ses exigences
(ou ses manques) affectivo-sexuelles vers sa fille.
Bien des mères se disent ignorantes de ce qui se passe mais il
s'avère plutôt qu'elles n'ont pas voulu voir, dans un mouvement
de protection égocentrique.
Il est effectivement possible que ce "parfum" d'inceste puisse
expliquer des similitudes entre vos deux histoires mais ces failles,
dont vous parlez, indiquent sans équivoque que la famille ne
marchait pas "bien" ce qui a permis le passage à l'acte
de votre père.
Autrement dit, l'inceste est d'abord le révélateur d'un
dysfonctionnement de la cellule familiale avant même que l'inceste
ait eu lieu.
Vraiment dommage que vous ne vouliez pas être publiée même
anonymement ; les questions que vous posez sont très pertinentes.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil
Bonjour,
Je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre réponse.
Je suis, depuis, beaucoup plus observatrice du couple formé par
mes parents. Ils sont maintenant âgés et il m'est difficile
de les "repositionner" dans leur rôle de parents. Ils
me semblent si fragiles, sans doute dans l'impossibilité d'accepter
leur passé... J'ai tenté une approche avec mon père,
tout en douceur, avec beaucoup d'amour, sans jugement. Il n'a rien à
dire, ma soeur ment, c'est une malade mentale, point. C'est ce que j'ai
cru pendant longtemps également...
Votre réponse génère de nouvelles questions, comment
pourrait-il en être autrement?
Je suis écartelée entre mes compréhensions, les
informations que j'ai en ma possession, mes ressentis, la peur.
Je suis maman d'une petite fille de 8 ans et demie. Elle va régulièrement
chez mes parents avec moi et ses frères mais il lui arrive exceptionnellement
d'y séjourner seule. Je suis séparée et j'apprécie
égoïstement de pouvoir souffler un peu.
Quand je prends un week-end pour moi, les garçons (12 et 10 ans)
acceptent de séjourner chez leur père, bi-polaire qui,
en simplifiant un peu, ne sait pas gérer le quotidien mais n'est
pas "barré" au point de ne pas être présent
en cas de problème sérieux, ma fille refuse d'y aller.
La seule solution de garde est celle de mes parents.
Mon ex est au courant depuis longtemps des révélations
de ma soeur et depuis peu, depuis nos retrouvailles en fait, insiste
pour que notre fille ne séjourne plus chez mes parents prétextant
qu'elle y court un grave danger.
Et là, franchement, je patauge un peu...
Les craintes de mon ex sont-elles fondées? Mon père qui,
dans mes souvenirs, ne m'a jamais touchée, peut-il nuire à
ma fille?
J'insite sur le décalage qui existe entre les dires de ma soeur,
sa souffrance réelle, je ne peux le nier, et mes souvenirs d'enfant.
Ma soeur leur confiait bien ses filles pendant les vacances. Elle "savait"
pourtant.
Est-il fréquent qu'une fratrie ait des images aussi dissemblables
de ses parents dans de pareils cas?
Dans un autre ordre d'idée, le somato qui me suit m'a proposé
de travailler avec ma soeur sur une constellation familiale en se faisant
assister par une de ses consoeurs. J'entends bien la necessité
de lier une fratrie qui n'en a jamais vraiment été une
mais je suis terrifiée à l'idée de laisser ma soeur
voir éventuellemnt (ce n'est que spéculation) mes faiblesses.
Laisser libre cours à mes émotions devant ma famille (père-mère-soeur)
a toujours été et est encore une mise en danger pour moi,
ne rien leur montrer de qui je suis semble être du domaine de
la survie. Qu'en penser? Puis-je lier ce ressenti particulier à
notre histoire familiale?
Il est évident que je préfère que mon témoignage
ne soit pas diffusé mais si vous croyez sincèrement que
mon questionnement peut être utile à d'autres ( j'avoue
quand même être sceptique quant à son utilité...),
j'accepte qu'il soit publié anonymement.
Cordialement,
Bonjour,
Je reviens de congés comme c'était indiqué sur
la page d'accueil et je trouve avec plaisir votre autorisation de publication
anonyme que je respecterai ; vous vous dites sceptique quant à
son utilité et pourtant, c'est en lisant des témoignages,
que des personnes arrivent à sortir du silence ; peut-être,
devriez vous consulter notre rubrique témoignages, d'autres messages
y figurent concernant ce huis clos de l'inceste.
Vous comprendrez que le "parent" incestueux peut "choisir"
sa victime et que le fait que vous n'ayez pas de souvenirs ne remet
pas en cause ce qu'a pu subir votre soeur.
Il est possible en effet que des membres d'une même famille aient
des images dissemblables puisque personne ne vit exactement la même
chose.
Les inquiétudes de votre ex-conjoint me paraissent compréhensibles.
La proposition de travailler sur une constellation familiale me semble
être une idée à ne pas manquer.
Mais pourquoi donc avez vous eu tant besoin de cadenasser vos émotions
?
Aviez vous conscience qu'il vous fallait être forte ou du moins
le paraître pour résister ? Mais résister à
quoi ?
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil
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