N'ai-je
été qu'un mauvais objet d'amour ?
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en pied de message
Août 2008
Bonjour,
je souhaite apporter mon témoignage.
Ce qui me motive c'est un grand besoin que ma souffrance soit entendue
et lue.
C'est le silence à l'intérieur du corps, un corps tû,
un esprit annihilé. Sans issue, comme enfermée à
l'intérieur. Les mots les cris les appels au secours jamais entendus
et pourtant je criais j'appelais au secours. Vous n'avez rien vu, rien
senti, rien fait aveuglés par son charme, par ses discours et
son double langage, aveuglés par ce "monsieur" qui
sait toujours tout mieux que tout le monde. Un homme qui a réussi
à me pousser à bout, à me faire commettre les erreurs
là où il voulait que je les commette. Pour bien vous montrer"
voyez, je vous avais prévenus, c'est elle qui est folle, vous
vous rendez compte une étudiante en psychologie !" "ses
études lui ont tourné la tête" J'ai repris
des études de psycho à l'âge de 39 ans , c'est à
partir de ce moment que sa violence verbale et physique déjà
manifeste s'est amplifiée. Il ne supportait pas que je puisse
m'épanouir en dehors de notre relation. C'est un homme marginal
qui ne veut pas travailler et j'ai toujours respecté son choix.
Je l'aimais voilà tout. Je me suis laissée prendre prise
en otage pendant 15 ans. Dès le début de notre vie commune
décidée à la hâte parce que je venais de
mettre au monde notre enfant, j'ai senti que ça ne marcherait
pas. La première fois qu'il m'a frappée, il venait de
rentrer saoûl, il a voulu me prendre notre bébé
des bras, je ne voulais pas qu'il le prenne, il titubait, j'avais peur
qu'il le fasse tomber. Alors il m'a poussé en me gifflant et
c'est moi qui suis tombée à terre, il m'a arrachée
mon enfant des bras en m'insultant. " espèce de monstre"
gueulait-il. Au fil des ans voici ce que j'ai entendu de sa bouche,
des insultes qui au début me laissaient sans voix, sidérée:
Quand je voulais "parler" nos problèmes il quittait
la discussion et s'attaquait à ma personne en me disant "
t'es folle va te faire soigner" Je suis une personne avec un handicap
physique , je porte des déformations sur les mains, le mot "monstre
a toujours fait résonner en moi cette blessure d'être différente.
Je suis une femme dynamique à la base, courageuse, gaie, j'aime
la vie. Quand je disais que j'allais m'en aller il y allait à
coups de culpabilisation: "si tu t'en vas ma pauvre B, ça
va être la boucherie" "tu peux bien t'en aller, qui
veux tu qui s'intéresse à toi ma pauvre B.?" "
retourne à ta vie de vieille fille, si tu ne m'avais pas rencontré
tu n'aurais pas eu d'enfant" "on sait bien ce que c'est les
handicapés, tous des aigris" "si il n'y avait que ton
physique mais c'est ton sale caractère" " t'as déjà
couché avec un handicapé toi B ? non alors ferme ta g......"
"moi je l'ai fait. Et dans ses moments de crise de colère
contre moi, "pourriture de merde" "déchet"
" je vais tuer ta mère" je vais tuer ta soeur"
"grosse p....." " grosse vache" "salope"
"connasse" " tête de con" .
Bousculades physiques, cassé un doigt alors que j'étendais
le linge, il s'en est pris à ma façon d'étendre
le linge, je m'appuyais trop sur le fil à son avis, il m'a arraché
une serviette de la main si violemment que ça m'a cassé
un doigt.
A chaque fois j'allais me réfugier dans la salle de bien ou parfois
chez les voisins . Dans ces moments là j'aurais voulu disparaître
dans un trou de souris, je me sentais tellement minable, minable aussi
d'entrer dans ce jeu de la violence parce qu'à chaque fois j'y
entrais aussi, je gueulais aussi fort que lui, et je finissais aussi
par l'insulter, ce qui semblait le faire jouir.
J'ai proposé de nous faire aider, il a toujours refusé
disant qu'il doutait de l'efficacité de ce genre de travail;
il disait " t'as qu'à y aller toi, moi j'irai quand ce sera
plus serein entre nous"
J'y suis allée chez le psy, régulièrement et à
chaque fois j'en venais au même constat:j'avais certes ma problématique
d'abandon, un traumatisme lié à de nombreuses hospitalisations
durant l'enfance, le suicide de mon père alors que j'avais dix
ans, mais mais lui aussi avait sa propre problématique et d'un
point de vue clinique j'émets l'hypothèse que nos deux
problématiques se sont bien "emboîtées"
inconsciemment. Nous nous sommes rencontrés là où
notre souffrance à tous deux saignait.
Si cet homme que j'aimais avait pu accepter de se mettre en question
et d'aller en thérapie , la situation de notre couple et vie
de famille aurait pris une autre direction.
J'étais dans cette idée que tout peut toujours s'arranger.
Hélas tout a basculé en 2005.
Il s'est mis à entretenir une relation que je qualifie de "privilégiée"
avec notre voisine qui habite à 50 mètres, relation que
j'ai trouvée de plus en plus envahissante. J'ai développé
des comportements de jalousie qui m'ont mise à mal. Quand j'exprimais
à mon compagnon ma souffrance d'être jalouse, mon besoin
d'être rassurée qu'il m'aimait, il se mettait en colère
e me culpabilisant. " très jalouse parce qu'elle est plus
belle que toi" " elle n'est peut être pas parfaite je
ne sais pas encore" , " ça ne te regarde pas si je
couche avec elle" " on a bien penser que si on couchait ensemble
ce serait la fin des haricots" Ces discours me faisaient mal, comprenez
que ses paroles venaient me toucher là où j'étais
fragile .Je voyais alors dans son regard une lueur de plaisir sadique.
Plus il me mettait minable plus ça le faisait "jouir".J'ai
cru que j'allais "crever" sur place, dans ma tête ça
tournait à fond, je me disais "il faut que je sauve ma peau".
Un matin alors qu'il partait "chez sa voisine boire son café
" comme tous les jours , j'ai décidé. Je savais par
expérience qu'il en avait pour deux heures au moins , il était
dix heures, il ne reviendrait qu'à midi J'ai fait quelque chose
que n'importe quelle femme jalouse ferait : j'ai ouvert sa boite email
et j'ai imprimé des mails de sa correspondance avec cette femme.
Je suis allée prendre un bain , et je suis partie en laissant
sur les marches les mails. J'ai voulu faire au mieux, j'ai beaucoup
pensé aux conséquences pour notre fille de 15 ans, j'ai
culpabilisé à mort. Il s'est servi de cela pour tenter
de me détruire encore un peu plus. Il a fait tout ce qu'il a
pu pour m'empêcher de voir ma fille. Il a refusé la médiation
familiale, j'ai dû faire appel au juge aux affaires familiales
pour demander une garde alternée. Je n'ai jamais abandonné
ma fille. Il disait "si tu veux voir ta fille tu viens à
la maison". Je savais que si je revenais je ne pourrai plus repartir.
J'ai pleuré pendant des mois, erré de maison en maison
d'amis et de parents qui m'ont soutenue moralement et matériellement.
Cela fait un an que je suis partie, je lui ai laissé la maison,
ma maison. Ma maison me manque terriblement. Perdu mes repères.
Malgré toute cette errance j'ai réussi à terminer
mon master de psychologie et j'ai été reçue avec
mention. C'est pour moi une gratification immense. J'étais tellement
convaincue d'être nulle à force d'avoir entendu toutes
ses brimades ses propos humiliants.
Je ne sais pas comment je suis encore debout, je ne sais pas où
je trouve la force encore de me battre.
J'aurais encore tant de choses à dire... j'ai essayé de
plus être en contact avec lui mais nous sommes obligés
d'y être en qualité de parents pour notre fille. A chaque
fois ça déraille évidemment et nous continuons
de régler des comptes qui ne devraient plus être à
mon avis.
je vous remercie pour votre écoute .
B.
Bonjour
et d'abord merci pour votre autorisation.
J'ai retenu une expression de votre témoignage ; elle disait
à peu près ceci : "d'accord, j'ai ma problématique...
mais lui aussi a la sienne..." .
Vous montrez bien comment deux problématiques peuvent s'emboîter
pour créer une relation spécifique qui ne doit rien au
hasard ; ce sont deux inconscients qui se rencontrent pour "bricoler"
un équilibre entre celui qui est dans le "trop" paraître
et celle (ici) qui cherche désespérément une personne
"qui pourrait enfin combler le manque, réparer la blessure
de l'enfance" et qui se laisse prendre à la faconde apparente
de son partenaire.
Et comme cette faconde est superficielle, cet individu ne cessera pas
de se nourrir de l'autre, afin de se fabriquer une meilleure image de
lui-même.
C'est en vous piégeant que votre conjoint tente d'asseoir, paradoxalement,
son identité mal structurée.
Heureusement, vous avez déserté le champ de bataille et
pris, avec raison, de la distance ; reste le problème de votre
enfant pour laquelle vous devez vous protéger habilement des
manoeuvres de son père en ne succombant pas à la tentation
de la prendre à témoin.
Essayez de l'éloigner de toutes sources de perfidie en vous construisant
un espace psychologique, moral et environnemental le plus serein possible,
en reprenant d'abord et surtout confiance en vous, par votre travail,
par un entourage neuf.
Cordialement,
Chantal POIGNANT,
Conseil
Bonjour,
Je vous remercie pour votre éclairage et vos encouragements.
C'est la première fois que je me sens "comprise" par
une professionnelle de l'écoute.
Je dis cela parce que durant tout le temps où je fus en thérapie,
je "travaillais" "élaborais" pour moi , pour
me sauver la vie, et dans un souci de je ne sais pas quoi, je ne parlais
pas de l'histoire de mon compagnon au psychanalyste.
Quand j'ai décidé de partir je suis partie. Ce n'est que
lorsque je fus certaine que je ne reviendrai pas auprès de cet
homme que j'ai pu le dire au psy. Sur le coup j'ai ressenti une bizzarerie
parce qu'il me dit " une coupure est parfois nécessaire"
. Et là j'entendais une coupure pour mieux y retourner. Je me
l'explique par le fait que durant toute cette année passée,
j'ai espéré en effet même dans la coupure que cet
homme reviendrait vers moi pour me demander pardon. A chaque fois que
je le revoyais j'attendais quelque chose d'idéal probablement
dans la communication, je me disais ce n'est pas possible , mince je
le connais intelligent, pourquoi n'avance t-il pas , j'attendais quelque
chose qui ne viendra jamais : une communication un échange authentique,
sincère. Ce qui m'a beaucoup troublée c'est que tour à
tour dans nos rencontres essentiellement pour l'éducation de
notre fille, les changements de maison chaque semaine, il pouvait être
très sympa et la fois d'après complètement "barré",
agressif, et insultant. Je me suis alors souvenue d'un de ses messages
teléphoniques " y'a rien qui changera B, y'a rien qui changera"
C'est cela de la place où il est peut être, j'émets
l'hypothèse que "changer" serait trop angoissant, le
déborderait, l'envahirait.
Je me disais aussi ce n'est pas possible qu'il ne change pas, je l'ai
vu et entendu échanger avec cette autre femme, il est heureux
quand il est avec elle. il parle avec douceur, il est à son écoute,
l'amour de cette femme va le transformer et lui faire toucher du coeur
l'amour sincère. Et avec cet amour qu'il reçoit, qui le
valorise, il ne pourra pas ne pas être sympa dans sa relation
avec moi. Et ben raté ! pourquoi ? me demandai-je . M'en veut-il
à ce point ? N'ai -je été qu'un mauvais objet d'amour
? là forcément c'est mon cursus psycho qui ressort ! Mon
travail dans ma tête depuis deux trois mois c'est accepter que
je ne pourrai jamais le comprendre , arrêter de vouloir comprendre.
Mais ce n'est pas facile.
En ce qui concerne notre fille de seize ans, ce n'est pas facile non
plus , je la trouve très courageuse et parfois étonnante
dans ses "jugements".
exemple" il sait bien me pousser à bout" dit-elle de
son père. ce qui ne m'a pas rassurée car cela fait écho
à ce que je vivais. Aussi je comprends bien qu'il faut pas que
je mélange tout, j'étais la compagne, elle est sa fille.
Quand même souvent je "flippe" j'ai peur pour elle.
Alors je montre et exprime à J. ma fille que je ne l'abandonnerai
jamais, que quoiqu'il arrive je suis toujours là.
Je sens que parfois je donne dans le "sacrifice" , je ferai
tout pour qu'il ne l'abîme pas.
J'ai parfois senti ma fille "terrorisée" comme j'ai
pu l'être, je me sens aussi encore parfois "terrorisée"
par lui parce qu'il est puissant dans le discours, il manie le double
langage à la perfection et je tombe dans le panneau !
Voilà pour ce soir ce que j'avais besoin d'exprimer.
Cordialement
B.
Bonjour,
Ce psy a sans doute eu la prudence de ne pas chercher à vous
influencer dans votre prise de décision d'où cette expression
"sibylline" et ça a parfaitement marché !
Vous avez pris votre orientation toute seule, une orientation que vous
avez mûrie sans doute tout au long de ce parcours thérapeutique.
Vous avez compris que "changer" pour votre conjoint reviendrait
à remanier son système de défense contre ses failles
et qu'il n'était pas sûr d'y parvenir, qu'il craignait
trop de se mettre en danger et qu'il préférait continuer
dans la "précarité" de sa personnalité
plutôt que d'aller vers un possible effondrement.
Par ailleurs, êtes vous certaine que le semblant d'équilibre
qu'il semble donner à voir avec cette femme est si solide ?
Je suis assez sceptique, il est vrai...
D'autant plus que son comportement n'a pas mûri, apparemment,
par rapport à sa propre fille.
Le plus dur, pour vous, sera effectivement de trouver la bonne distance
vis à vis de votre enfant ; c'est une tâche délicate
et j'espère, qu'elle aussi, peut se faire aider et soutenir par
ailleurs.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil
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