Ecrire,
sans cesse écrire
Email
en pied de message
Décembre 2008
Ecrire
sans cesse écrire,pour tenter d'exorciser.Ecrire pour faire comme
si j'avais quelqu'un a qui en parler,pour faire comme si j'étais
entourée,pour remplacer l'épaule sur laquelle je ne peux
pas pleurer.
Je m'appelle
Roxanne,dans cet e-mail en tout cas, et j'ai 22 ans de vécu.Pourtant
je suis née il y a seulement six mois.
A l'âge de 16 ans j'ai commencée à "déconner".Au
début ce n'était que des "petites choses",quelques
griffures sur les avant-bras,toujours la plus soule aux fêtes
entres amis,et une incroyable allure et revendication du "jemenfoutisme".C'est
vrai que je m'en foutais.Je m'en foutais du lycée,des notes,de
mes fringues,de mon allure,de moi,de la vie.
Les choses se sont assez rapidement accèlérées
dans ma décadence.C'est ainsi que six ans plus tard je suis passée
par pas mal de stades.Pour résumer très brièvement
:j'ai fais x séjours en réanimation après des ts,suivi
de x hospitalisations en hp,mes bras sont couverts de x cicatrices,drogue,alcool,fugues,et
conneries en tout genre.Bref le tableau est loin d'être élogieux.
Je ne pourrais
pas mettre sur ce mail ce qui m'est passée par la tête
et ce que j'ai pu ressentir pendant ces années.J'étais
une gamine et je me haissais.J'ai passée mon temps à me
mettre en danger,que ce soit de façon évidente,comme les
ts,ou d'une façon beaucoup plus subtile.Je me rappelle des regards
ahuri de certains garçons,croisA 9s au hasard durant mes balades
notcurnes,lorsqu'il me voyait m'allonger sur une route au milieu de
la nuit,et attendre le tout dernier moment avant de me relever,et déguerpir
juste à temps.Je me souviens de ce sentiment que j'avais,lors
de fugues,seule dans des grandes villes que je connaissais pas,ce sentiment
de ne rien craindre,puisque d'une part je n'avais pas peur de mourir,mais
aussi parce que le seul individu qui avait jamais réussi à
me terroriser était à des kilomètres de là.Je
me souviens des fois innombrables où je ne m'endormais qu'au
petit matin,sur un oreiller trempé de larmes et ce sentiment
,que personne ne devrait jamais ressentir,d'être seule au monde.
J'ai toujours
été du genre à me poser des questions.Beaucoup
de questions,à tenter d'analyser même les choses les plus
difficilement annalysables.Je n'aime pas l'admettre,et la plupart du
temps je me débrouille assez bien pour le cacher,mais j'ai en
moi une sensibilité quasi-irrationnelle.Je ne peux m'empêcher
d'être anéantie par le malheur des autres,par conséquent
mon propre malheur n'a pas non plus été facile à
gérer.D'ailleurs je n'ai pas gérée,j'ai fais du
grand n'importe quoi.Mais je le répète, JE M'EN FOUTAIS.
C'est très
brouillon tout ça.Je vais essayée de structurer un peu.
Je suis issue d'une grande famille,nous sommes cinq enfants.Heureusement
pour vous,puisque ça va drôlement raccourcir le texte,je
ne me20souviens pas vraiment de mon enfance.Il y a certaines choses
petit à petit qui me reviennent,mais ça reste extrêmement
flou.En fait pendant longtemps je n'avais aucun souvenir,mise à
part les choses que j'aurais tellement souhaitée oublier complètement.J'imagine
que j'ai été heureuse, pendant, approximativement, les
dix premières années de ma vie.C'est quand j'ai eu douze
ans que tout a vraiment commencée.C'est là que mon "grand
frère" m'a abusée pour la première fois.Je
préfère utiliser le mot "abus",il est plus vague,plus
facile à dire,à écrire,pour moi en tout cas.L'autre
mot je ne m'en sers que quand je viens de prendre mon courage à
deux mains,et que je me décide à l'employer,ou alors quand
je décide de faire abstraction de tout sentiment et que je le
vomis tellement vite que j'arrive presque a ne pas me rendre compte
que je viens de le dire.
Donc ,abus.Faut
pas croire hein,c'est pas comme si c'était un monstre mon frère.Il
n'avait que 15 ans (enfin 14 et demi comme adore me le rappeler ma mère).Et
puis bon,vous savez ce que c'est les adolescents.Les garçons
en plus,on peut pas leur reprocher d'être des garçons tout
de même!D'ailleurs même lorsqu'il avait 16 , 18 , 20 ans
et qu'il me confondait avec un punching-ball ce n'était pas de
sa faute non plus.
J'ai portée plainte,il y a quelques mois.Après avoir été
convaincue pendant des années que le monstre dans l' histoire
c'était moi,que la coupable dans l'histoire c'était moi,et
que j'étais tellement abominable que la seule chose bien que
je pouvais faire pour ce monde c'était de m'éliminer.Et
bien j'ai ouvert les yeux.
Bien sûr ça ne s'est pas fait comme ça.Ce fut un
travail de tout instant,parfois conscient avec ma psy,parfois inconscient.J'ai
souffert à en crever pendant tellement longtemps..et j'en ai
eu marre.
J'ai donc portée plainte.
Le bilan
est mitigé depuis.
Depuis la plainte je ne prends plus de traitement.Et ,croyez moi,pour
quelqu'un qui était,à l'âge de 19 ans sous une vingtaine
de cachetons par jour,c'est un quasi-miracle.Les anti-dép:exit,les
anxio : exit,les somnifères :exit.Bref le seul cachet que je
prends encore c'est celui de vitamine c le matin,la bonne nouvelle c'est
que je n'en suis pas dépendante et que je ne risque pas d'en
faire une overdose dans un moment de désespoir.
En parlant
d'overdose,de toute façon,ce n'est plus à l'ordre du jour.Alors,oui,j'adorerais
vous dire que j'ai repris le contrôle de ma vie,que j'ai été
forte,courageuse et d'un acharnement sans faille.Mais ça serait
faux,les idées noires sont parties d'elles-mêmes.Autant
je n'avais pas le contrôle quand elles m'ont envahis quotidiennement
durant l'adolescence,autant je n'ai pas contrôlée leur
départ.Et pourtant,quel soulagement.
Je crois que seule une personne qui fut suicidaire,puis rétablie
pourrait comprendre.
C'est comme
si un brouillard de 22 longues années s'était enfin dissipé.Comme
si j'avais été aveugle pendant mon existence entière
et que je recouvrais enfin la vue.
C'est magique...et je pèse mes mots.
J'ai repris mes étude,et je viens de réussir l'épreuve
écrite de mon concours.J'ai rencontrée un jeune homme
fort charmant,bien que mes relations amoureuses n'ont jamais étaient
d'une grande simplicité.Je ne me déteste plus autant qu'avant,et
même si je suis loin de m'aimer,et bien au moins je sens que c'est
en bonne voie.Les cauchemars qui m'ont empêchés de dormir
pendant des années,et qui furent responsables de mon apparence
"zombifique" ,m'ont quasi-intégralement quittés.
Je ne me lève plus le matin en maudissant le fait d'être
vivante,et je ne me couche plus le soir en priant pour que la journée
passée soit ma dernière.
D'accord,là la question que vous vous posez c'est sûrement.
"Mais alors en quoi le bilan est-il mitigé"?
Et bien,puisque
vous posez la question :
au cours
de toutes ces années,ma famille fut mise au courant bien entendue,et
bien que je sache au jour d'aujourd'hui que mes parents m'aiment,ils
ne m'ont jamais soutenue.
Depuis quelques jours je crois que les choses s'accèlerent au
niveau de la justice.En fait je crois que mon frère a été
interrogé.
J'ai tentée comme j'ai pu de ne pas trop penser à tout
=C 3a,parce qu'en général je n'en ressors pas en très
bon état.Je sais que quoi qu'il arrive ça va être
dur.
Si jamais il y a un classement sans suite,ou un non lieu,je sais que
ça va m'anéantir.Je me souviens avoir dit il y a quelques
mois a ma psy,que je me suiciderais si c'était le cas,parce que
je ne supporterais pas.Et bien que mes idées suicidaires m'ont
désertées depuis,je crains qu'elles ne réapparaissent
avec un tel verdict.
Je sens aussi que l'ambiance à la maison a changée depuis
peu.Mes parents redeviennent distants,comme si à chaque "rebondissement"
ils se souvenaient tout à coup du monstre qu'ils avaient comme
fille et de ce que ce même monstre fait endurer à leur
pauvre fils.
Je n'ai
pas oubliée les disputes violentes avec mes parents à
ce sujet durant ces années.Les cris,les pleurs.Je n'ai pas oubliée,le
jour où mon père m'a dit de me suicider ailleurs que chez
lui,ou lorsque ma mère m'a regardée dans les yeux,en me
disant qu'elle avait honte d'avoir une fille comme moi.
Et j'ai toujours ce même sentiment qu'on m'enfonce un poignard
dans la poitrine ,rien que quand je repense à ces mots,des personnes
qui m'ont élevés.
J'aime
mes parents profondément.Comme le restant de ma famille.Mais
je sais aussi,que quoi qu'il arrive suite à ma plainte,que quelque
soit le résultat final.Je sais que je resterais,à leurs
yeux,coupable à jamais de le ur avoir fait endurer ça.Et
ça ,ça me tue.Littéralement.
Merci de
m'avoir lue...
Bonjour,
Je vous ai lue avec émotion et je voudrais, si vous le permettez,
que d'autres encore vous lisent et vous aident à résister
durant cette procédure et après, quels que soient les
résultats.
Le classement sans suite ne voudra pas dire que vous n'avez pas été
victime de votre frère mais que la justice se déclare
impuissante par manque de preuves peut-être ; s'il y a une suite,
vous aurez à supporter la tension familiale dont vous vous sentez
le vecteur alors que c'est votre frère, qui par ses actes, est
responsable.
Vous ne pouviez pas vous condamner au silence et vous avez eu raison
de vous révolter ; maintenant, il faut que vous soyez protégée
psychologiquement, accompagnée et rassurée quant au bien-fondé
de votre plainte : c'est vous qui êtes dans le vrai, dans la réalité
et je vous encourage à ne pas vouloir intérioriser le
schéma familial, où l'interdit de l'inceste s'est déplacé
à celui de la parole : il est interdit d'en parler.
Vous avez réussi à échapper à ce système
et je salue votre indépendance psychologique, votre force de
caractère : bien peu en sont capables.
Votre mère semble prête à tout pour donner priorité
à une cohésion familiale formelle, face à l'extérieur
et ce en dépit de la vérité qui aurait pu vous
détruire doublement par le poids du secret imposé.
Votre père se vit réellement comme le chef d'une micro-société
(cette famille) dont il juge lui-même des règles (permissions-interdictions).
Votre frère est, en quelque sorte, lui-même une victime
de cette micro-société, du clan, dans le sens où
cette attitude de vos parents ne va pas l'aider pour son inscription
dans la véritable société mais la vraie victime,
c'est vous, celle qui est sacrifiée pour la survivance de cette
famille aux yeux de l'extérieur ; or, vous n'avez pas à
vous en vouloir car une telle famille, avec son "règlement",
sa loi interne, ne peut continuer à se maintenir ainsi pour les
générations à venir.
Non seulement vous avez fait ce que vous deviez faire pour vous mais
aussi pour les autres, même s'ils n'en sont pas conscients !
S'il vous plait, permettez moi de publier votre témoignage avec
cette adresse ou une autre.
J'attendrai votre réponse.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil
Bonjour,
et excusez
moi de ne pas vous avoir répondue plus rapidement.
J'hésitais,en fait,à vous autoriser ou non à publier
mon témoignage.
Mais en vue des évènements de ces derniers jours,je vous
demande de le publier,quasiment comme une faveur à mon égard.
Le gendarme
qui était en charge de mon affaire,m'a appris mardi qu'il ne
pensait pas qu'il y aurait de poursuites judiciaires,car ils n'ont pas
réussis à avoir d'aveux,et bien évidemment il n'y
a pas de preuves matérielles.
Publiez
tout ce que vous voulez.Vous pouvez y mettre mon adresse mail.
Je suis
animée par quelque chose d'assez particulier,un sentiment d'injustice,bien
évidemment,mais aussi d'une rage,d'une haine qui m'envahit en
pensant que "ça y'est","c'est tout","il
t'as fait vivre un enfer,et il ne devra jamais rendre des comptes".
Et ce que
ça veut dire,que mes pensées d'adolescentes étaient
correctes?Que je ne suis qu'un objet,juste quelque chose dont on peut
se servir à convenance sans jamais prêter attention à
mes sentiments,à ma personne?Je suis juste un "truc"
,utilisable à volonté?Je suis juste une "chose"
sans importance qui n'est là que pour satisfaire les perversions
de certains?
Je me sens.....difficile
à dire,c'est comme si on prenait l'histoire écrite de
ma vie,et qu'on barrez les dix dernières années au feutre
noir,en me disant "on peut pas en prendre compte, nous n'avons
pas d e preuves".
"Oubliez...oubliez les larmes,la souffrance,l'humiliation,le rejet
des gens sensés vous aimer.Oubliez la douleur qui vous assaillie
alors que vous n'étiez qu'une gamine qui n'avait rien demander
à personne.Oubliez toutes ces nuits où vous avez voulu
mourrir,tellement vous aviez honte,tellement vous vous sentiez coupable,tellement
vous vous sentiez seule dans un monde qui vous paraissait hostile.".
Je vous
laisse là dessus,j'ai une violente envie de vomir,et de hurler,mais
les gens sont sourds.
Publiez
tout ce que vous voulez. Je m'en fous.
bluedaisymoon@aol.com
Je
vous réponds précipitamment : je viens d'être sollicitée,
entre autres assos, pour témoigner du fait que les violences
sexuelles et notamment les incestes ne sont pas poursuivies par la justice
; on me demande d'expliquer quels sont les éléments qui
"bloquent" et si possible, de fournir des témoignages
même anonymes.
Seriez vous d'accord pour participer à cette étude ? [voir
ici]
Je viens de prendre connaissance de votre message et je comprends votre
amertume mais ce policier s'avance un peu trop : c'est le procureur
qui décide !!
PS : je vous réponds plus précisément ensuite.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil
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