Est-ce
qu'on ne peut vraiment s'intéresser à moi que pour coucher
?
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Janvier 2009
Bonjour,
Voilà, je ne sais pas si je fais bien d'écrire ici. J'ai
du mal à trouver les mots pour exprimer les choses.
Je voudrais savoir comment je pourrais réagir. Je m'appelle A
et j'ai 23 ans. Je me suis attachée affectivement à un
homme marié (que j'appellerai P pour essayer de simplifier les
choses) que je suis amenée à côtoyer tous les jours
au travail. En réalité, il m'a peu à peu "apprivoisée"
et je lui ai raconté un certain nombre de choses sur ma vie et
je le considère un peu comme un père ou un ami. C'est
la première fois que j'ai réussi à faire confiance
à un homme et à parler de certaines choses. En réalité,
cela fait un peu plus de 2 ans que je le connais. Au départ,
je ne faisais que lui dire bonjour mais j'ai été amenée
à devoir lui parler de certaines choses dans le cadre du travail,
et petit à petit, je me suis rapprochée de lui (sans le
vouloir puisqu'à chaque fois j'essayais de remettre de la distance).
Il arrivait assez bien à savoir les moments où j'étais
plus fragile et je me sentais protégée, même si
je ne voulais pas trop parce que mon principe est de ne pas mélanger
vie privée et travail. Petit à petit je me suis donc mise
à lui parler un peu, même si c'était plutôt
lui qui faisait les propositions et moi qui disait oui ou non (j'ai
beaucoup de mal avec l'oral). Jusqu'à présent je n'avais
jamais parlé qu'à des femmes et c'est vrai que le fait
qu'il soit un homme me faisait peur.
J'avais un collègue avec qui je travaille par téléphone
(puisque situé sur un autre lieu géographique) que j'avais
vu la première fois pour le travail, puis que j'avais accepté
de voir parce qu'il était gentil et qu'on aimait bien discuter
un peu. La deuxième fois il a été charmant, il
m'a invitée à déjeuner et on a passé une
après-midi à se promener et à discuter ensemble.
Tout c'est très bien passé. Seulement la troisième
fois, après le déjeuner, on a marché un peu. Puis
il a commencé à me poser des questions "bizarres"
pour une simple relation mais je me suis dit qu'il n'y avait rien derrière.
Seulement il m'a entrainée dans un square désert (et je
pense qu'il le savait très bien). Moi j'avais parfaitement confiance
en lui. Il a proposé de s'asseoir sur un banc. Mais là,
il a commencé à vouloir m'embrasser. Je lui ai dit non.
Mais il m'a embrassé quand même. Puis il voulait qu'on
aille à l'hôtel. Là j'ai réagit et j'ai dit
je rentre. Seulement il répétait que si je ne voulais
pas c'était juste parce qu'il était marié... Je
n'avais aucune envie d'avoir des relations sexuelles. Après il
s'est mis à me téléphoner souvent, il me parlait
sans cesse de ça, alors que je lui avais dit que je ne voulais
pas coucher avec lui. Il était le seul à pouvoir m'aider
sur mon poste de travail. Alors j'essayais de ne correspondre que par
mail. J'en suis arrivée au point où je n'osais plus décrocher
mon téléphone au travail parce que j'avais peur que ce
ne soit encore lui. Au bout d'un moment j'ai fini par me dire que peut-être
que si je couchais avec lui, il me laisserait tranquille. Alors j'ai
accepté de le revoir. Je me suis vendue. Cela s'est très
mal passé. Il a dit qu'il valait mieux qu'on coupe le contact
pendant un mois (et qu'après on ne garde contact que pour le
travail). Seulement, même pas une semaine après il me rappelait
en disant que si ça c'était mal passé, c'est parce
qu'il ne pensait pas qu'on allait coucher ensemble... Et il a dit que
la prochaine fois ça se passerait mieux. Je me suis sentie encore
plus sale, plus misérable et surtout je me suis dit que je m'étais
rendue moi-même prisonnière de la situation. Si je n'avais
pas été une fille facile, ça ne serait jamais arrivé.
Avant j'ai connu des situations d'agression et je me suis dit que après
tout, s'ils voulaient juste coucher avec moi c'est que je n'étais
bonne qu'à ça (quoique le résultat soit plutôt
catastrophique).
Je suis désolée si je suis un peu embrouillée.
J'ai du mal à démêler mes pensées.
Suite à cette histoire, j'ai pris de la distance avec P. Seulement,
il était en quelque sorte mon soutien et un jour où j'allais
mal, j'ai pleuré dans ses bras. Alors petit à petit je
me suis de nouveau rapprochée de lui, même si je lui disais
qu'il était anormal qu'en tant que supérieur, je me retrouve
à pleurer dans ses bras. J'essayais de l'éviter mais en
même temps je recherchais sa présence. Je ne savais pas
ce que je voulais. Les derniers temps, j'avais passé de plus
en plus de temps avec lui. Sa présence me rassurait. C'est une
personne très tactile, alors je me suis dit que c'était
normal qu'il recherche le contact. D'autant que j'avais demandé
à quelqu'un et qu'on m'avait dit que je n'avais pas à
m'en faire, qu'il s'inquiétait pour moi mais que c'était
quelqu'un qui ne recherchait pas de relations avec moi. Ce que je ne
tolérais pas au départ, j'ai fini petit à petit
par l'accepter. Je ne le repoussais plus. Je le laissais me caresser
et m'embrasser tant que ça semblait rester "amical".
Seulement, souvent je me sentais mal, sale et coupable. Et il me revenait
sans cesse à l'idée que je n'étais vraiment qu'une
fille facile. L'autre jour j'ai envoyé un mail à une collègue
dont je suis assez proche en lui disant j'ai peur de la tournure que
prend la relation. J'ai dit que j'avais besoin d'en parler à
quelqu'un. J'ai dit je ne sais pas si j'ai peur de lui ou peur de moi,
peur de ce que je pourrais accepter. Parce que j'ai peur que lui aussi
ne me rejette si je le contrarie. J'ai l'impression d'avoir besoin de
sa protection. Je n'arrive pas à savoir ce que je ressens pour
lui. Pour moi je l'aime comme un père ou un ami, mais par moments
je me demande si je ne serais pas tombée amoureuse. Je n'arrive
quasiment pas à lui dire non et quand j'arrive à dire
non une fois souvent la deuxième je n'arrive pas. J'ai tellement
honte de moi. Quand je ne veux pas, je reste comme paralysée,
je n'arrive pas à bouger. J'aurais envie de pleurer mais je n'arrive
pas à laisser couler les larmes. J'ai généralement
la respiration coupée. Ainsi, plusieurs fois l'autre jour, il
m'a dit tu ne respires plus, ça ne va pas. J'ai l'impression
de ne plus avoir aucune volonté, que seule la sienne compte.
Je doutais encore quand j'ai envoyé le mail à ma collègue
l'autre jour, mais depuis, il m'a embrassée sur la bouche et
il m'a mis la main sur son entrejambe. Et l'autre jour il m'a dit qu'il
avait envie de moi. Seulement j'ai peur parce que j'avais besoin de
lui et que j'ai peur de ne pas tenir le coup si je dis non et qu'il
me laisse tomber. Si je dis oui, je pense que ça risque de mal
se passer. Et je me demande : est-il possible qu'il m'aime ou veut-il
juste coucher avec moi ? Est-il possible qu'il m'ait manipulée
pour m'amener là où il voulait ? Comment savoir ce qu'il
pense et s'il est sincère ?
Je suis désolée, je ne sais pas si c'est le bon endroit
pour parler. J'ai tellement honte de moi. Est-ce qu'on ne peut vraiment
s'intéresser à moi que pour coucher ? Je déteste
mon corps. Je ne le trouve pas beau. En général, quand
la culpabilité devient trop forte je me coupe.
Je suis désolée pour la longueur, mais que puis-je faire
? Je ne serais pas capable de dire ça à quelqu'un en face.
Ma collègue va revenir de vacances et je me sens obligée
de l'éviter parce que j'ai l'impression que je dois me cacher.
J'ai peur. Et je ne veux pas que quelqu'un l'apprenne, j'aurais trop
honte.
Est-ce que je suis normale ?
Merci d'avoir lu mon message. Et désolée si il n'a pas
sa place ici.
A
Bonjour,
Votre message a tout à fait sa place ici car il parle d'emprise
et de harcèlement sexuel.
Je ne crois pas me tromper en affirmant que ces deux hommes ne vous
aiment pas mais veulent simplement coucher avec vous ; le fait que vous
soyez vulnérable (toute votre écriture le démontre)
les arrange bien et ils comptent justement sur votre crainte de ne pas
"satisfaire" votre supérieur hiérarchique et
ainsi de perdre votre travail.
Ce que vous connaissez et avez connu s'appelle du harcèlement
sexuel par abus d'autorité, même si ces harcèlements
sont enrobés dans un médiocre scénario mettant
en avant un aspect protecteur des personnes qui tentent de vous arracher
vos faveurs sexuelles.
Ne vous laissez plus faire et refusez ces avances faussement paternalistes
: elles sont encore plus ignobles à mon sens car vos supérieurs
profitent, à leur aise, de leur pouvoir sur vous mais aussi de
votre naïveté.
Je ne sais pas dans quelle entreprise vous travaillez mais sachez qu'il
y a des lois :
* http://www.sosfemmes.com/harcelement/harcelement_menu.htm
Je vous en prie, ne vous laissez plus aveugler par ces pseudo-pères
: ils abusent de vous.
Vous n'êtes pas une fille facile mais une fille fragile.
SVP, cherchez de l'aide au sein de votre entreprise ou à l'extérieur
mais ne subissez plus ces manipulateurs.
Voulez vous bien me tenir au courant?
Souhaitez vous être publiée avec une adresse anonyme?
* http://www.sosfemmes.com/faq/email_anonyme.htm
Votre expérience et son dénouement seraient profitables
à d'autres personnes dans la même situation que vous.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil
D'abord
merci d'avoir répondu.
Oui l'emprise est bien ce qui me fait peur. Je me sais effectivement
très vulnérable sur le plan psychologique notamment de
par mon passé. J'ai du mal à croire en mon propre jugement.
J'avais été "suivie" par une assistante sociale
pendant plusieurs mois qui disait que je devais prendre confiance en
moi et améliorer mon image.
En parallèle de cette histoire, j'ai été à
l'extérieur harcelée tous les matin pendant plusieurs
mois au point que j'ai dû essayer de trouver un autre trajet pour
me rendre sur mon lieu de travail. Je pense que cette personne ayant
ressenti ma fragilité a essayé d'en profiter. Cependant
pour en prendre conscience il a fallu que ma collègue me dise
que ce n'était pas normal.
Autant je serais capable de défendre quelqu'un d'autre autant
je suis parfaitement incapable de me défendre moi-même.
Normalement je ne perdrai pas mon travail même si je refuse de
me soumettre à ses avances.
J'ai eu un autre supérieur (à un niveau hiérarchique
différent) qui lui s'était servi de ma situation géographiquement
isolée pour me harceler psychologiquement (sachant que tout le
monde sait qu'il s'en est pris au moins à 4 autres personnes
dans le service).
Je crois que j'ai plus peur de la pression psychologique qui peut s'exercer
que de perdre mon travail (que j'en suis par moments arrivée
à souhaiter de perdre).
Je sais qu'il y a des lois mais il est difficile pour soi-même
d'admettre la situation. On se dit toujours qu'on exagère, que
ça ne peut pas être vrai, qu'on doit mal interpréter
les choses...
J'essaye de faire en sorte que ma fragilité soit moins visible
à défaut pour l'instant de pouvoir l'éliminer parce
que je sais que les gens continuent à en profiter.
En réalité, ce qui m'a fait vraiment poser question, outre
que le fait que j'avais l'impression que c'était "mal"
comme relation, c'est le fait que je me sentais vraiment sale et coupable,
au point de déclencher des crises d'auto-mutilation extrêmement
fortes. Je sais que ça ne sert à rien, mais je n'avais
pas la force de résister.
Pour le moment je vais essayer de prendre de la distance et de trouver
des solutions pour ne pas me retrouver seule avec lui. Je ne me sens
pas encore capable d'en parler à quelqu'un. Je pense que la prise
de conscience était déjà un premier pas mais elle
est difficile à accepter.
Merci encore d'avoir répondu. Si vous souhaitez publier, il n'y
a pas de problème. C'est d'avoir lu d'autres témoignages
qui a fait que j'ai osé vous envoyer ce message, alors si il
peut aider quelqu'un, ne serait-ce qu'à faire le pas, j'en serais
ravie. Je souhaiterais juste que mon prénom soit remplacé
par son initiale. Vous pouvez faire apparaître cette adresse mail.
Vous devez le savoir mais cela est important d'avoir été
"écoutée" ou plutôt lue et surtout que
l'on nous croie sans nous juger.
La manipulation mentale qui profite de la fragilité n'est souvent
pas reconnue car beaucoup plus sournoise encore et laissant beaucoup
moins de trace que la violence ou les menaces.
Cordialement et bonne journée.
A. reservee78@hotmail.fr
Bonjour
et merci de votre autorisation à la publication.
Puisque vous avez déjà fait un important cheminement dans
la mesure où vous avez pris conscience de votre vulnérabilité
et des manipulations dont vous êtes l'objet, fragilité,
sans doute due, dites vous, à un passé douloureux, il
me semble que vous devriez consolider ce cheminement par une thérapie
de soutien qui vous aiderait à dénouer et peut-être
vaincre vos blocages, en vous permettant de vous représenter
ces blessures et leurs conséquences sur votre personnalité.
Car ces épisodes d'automutilation témoignent de l'angoisse
forte qui vous habite et qui demande à être "considérée",
afin qu'elle puisse s'exprimer autrement et donc se transformer voire
cesser.
Pourquoi pas tenter l'aventure de construire un avenir délivré
du poids du passé en travaillant sur vous-même ?
* http://www.sosfemmes.com/ressources/contacts_psys.htm
* http://www.sosfemmes.com/violences/violences_psychotrauma.htm
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil
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