Où
que tu sois
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en pied de message
Février 2009
Où
que tu sois, JC, je souhaite que tu tombes sur ces quelques lignes,
et que tu les comprennes. Je souhaite qu'il soit dit que pour mes 20
ans, tu m'as offert un viol aggravé et que c'était passible
des Assises. Je souhaite qu'il soit publiquement reconnu que tu es entré
dans la chambre où je dormais, tel un serpent dans la nuit, que
tu as viré mon pantalon, ma culotte, bloqué mes jambes
par-dessus mes épaules, et que tu m'as pénétrée
sans me demander mon avis. Je souhaite que toute le monde sache que
tu m'as tenue coincée, les genoux derrière les oreilles,
de longues minutes, et que tu as profité de moi ivre morte, morte,
mais encore chaude. Tu as pu te régaler tranquillement, me bouffer
les oreilles et me toucher les seins, car j'étais saoule, et
endormie. Jusqu'à ce que Dom ouvre la porte. J'ai repris connaissance
dans un brouillard d'ivresse et de sommeil mêlés, et Dom
a vu. Je n'ai pas appelé au secours, je ne comprenais rien et,
… je n'ai pas pu. Ma cage thoracique était comprimée par
80 kilos de chairs, de muscles et de sang en fusion. Et j'avais les
genoux derrière les oreilles : je n'aurai pas trouvé le
souffle pour hurler.14 ans ont passé, et je me souviens maintenant,
très clairement. L'humiliation. Au réveil, j'ai vomi ma
race. Je me suis douchée des heures, en pleurant en tremblant.
Le sentiment d'ambivalence, la culpabilité : "qu'est-ce
que j'ai fait, j'étais tellement saoule, Dom dis moi, j'ai l'ai
allumé ?
- Non…"
Mais Dom n'a rien dit. Il n'a pas pu, n'a pas voulu, ou ne m'a pas crue,
sinon, il aurait réagi et parlé.
Je me souviens, et je vis avec le sentiment de laideur, le dégoût,
la tristesse et la peur. Les questions qu'on ne pose pas, et les silences
qui rongent.
Nous avions réuni tous les copains, la famille, une cinquantaine
de convives, chez les T. Un gros pot-au-feu bouillonnait à petit
feu. Soleil de septembre, la mémé au tablier, les gosses,
le champagne. Je prenais des photos. J'ai des tas de photos, j'en ai
même une de toi, JC. Les flûtes circulent facilement, et
je ne me méfie pas une seconde. Je suis en terrain connu, dans
ma deuxième famille, chez Dom, où j'ai quasiment ma chambre.
Nous avons bu et mangé toute l'après-midi, et à
l'apéro aussi, et… je me suis couchée. J'ai gerbé
et me suis endormie comme une pierre. Et tu es entré dans la
chambre où je dormais en toute sécurité. Je veux
qu'il soit su que je ne suis pas responsable de ce viol, et que TOI,
Jean-Christophe, tu es coupable de ce crime. Je souhaite que la vérité
soit établie, et ne plus jamais entendre mon bienveillant ami
dire : " c'est tes petites bêtises de jeunesse à toi
", ou ma mère: " à cette époque, tu sortais
jusqu'à pas d'heure, tu t'es mise en danger toute seule ",
ou encore pire " tu n'as pas voulu porter plainte comme je te le
disais, et si ça se trouve, tu es responsable d'avoir laissé
ce mec violer d'autres filles ".
Non, je n'ai pas porté plainte, car comme toutes les nanas à
qui ces choses arrivent, la honte et la tristesse ont noyé ma
colère. J'ai parfois oublié de me nourrir, de me couvrir
quand j'avais froid. Longtemps le désir d'être aimée
et le délice d'aimer m'ont quittée. Choquée et
manquant cruellement de confiance, je ne me sens plus exister, pourtant
je survis. Aujourd'hui, la petite flamme de la dignité brûlant
en moi est faiblarde, celle que tu as piétinée, la jeune
flamme que tu as baisée s'est presque étouffée
dans ses larmes. Mais je renoue avec ma dignité et ma colère
: je veux qu'on sache, pour pouvoir enfin dire : cela fait partie de
mon histoire, et j'ai décidé de VIVRE avec.
En mon nom, et au nom des 25 000 filles, victimes de viol déclarées.
Bonjour,
Je viens de recevoir votre témoignage plein d'émotions
encore très vives.
Avez vous tenté de les verbaliser avec un professionnel ? Un
thérapeute ?
Car même si vous avez été écoutée,
vous n'avez pas fait de" vrai" travail sur vous-même...
Je vais transférer votre demande à mon directeur lequel
procède aux publications mais souhaitez vous que figure votre
adresse e-mail ou une autre :
* http://www.sosfemmes.com/faq/email_anonyme.htm
Cordialement,
Chantal Poignant
Conseil
Non, je
ne souhaite pas que mon adresse mail figure, je préfère
que ça reste un témoignage.
Merci
Je prends bonne note. Mais vous n'avez pas
répondu à ma question : avez vous été suivie
psychologiquement?
Cordialement,
Chantal Poignant
Conseil
En effet,
je ne répondais pas à votre question. Oui, j'ai vu une
psy pendant près de deux ans en thérapie (durant lesquelles
j'ai soigneusement évité le sujet).
Et depuis trois mois j'ai entamé un travail avec un analyste.
On peut dire que cet écrit est un peu le fruit de ce travail
de verbalisation, et la trace du moment où pour la première
fois, je me suis souvenue dans les détails, et où j'exprime
ma colère et me défend de toute responsabilité
dans cette histoire. Mais je suis encore un peu frappée d'amnésie,
je ne retrouve pas le nom de famille du type qui m'a violée.
Ça fait trois quatre semaines que ça me hante...
J'ai demandé à des gens qui l'on connu, leurs réactions
sont intéressantes ils l'ont oublié aussi, les plus proches
me conseillent d'oublier, de passer à autre chose. Peut-être
qu'ils ont raison !
Maintenant, je considère que cette histoire fait partie de mon
histoire, le fait qu'on me croie, qu'on me prenne au sérieux
me suffit puisqu'il y a prescription depuis longtemps, et j'ai décidé
de VIVRE avec : il me faudra encore un peu de temps pour me mettre debout,
mais je crois que j'ai déjà pris quelques centimètres...
Merci de votre attention
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