J'ai
peur pour ma petite soeur
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Septembre 2009
C'est un
appel au secours que je vous lance : apparemment, j'ai tout pour être
heureuse : un copain, un appart, un boulôt intéressant
et même si mon copain habite loin de moi à cause de son
travail, je sais que je peux compter sur lui sauf qu'il ne comprend
pas toujours mes réactions.
Parfois je sombre dans une sorte de mélancolie où j'ai
l'impression de me noyer ; je suis partie de chez mes parents à
18 ans dés ma majorité parce que je ne supportais plus
mon père, j'ai fait durant mon enfance des crises d'anorexie
et de boulimie qu'on a mis sur le compte d'une instabilité psychologique,
d'une difficulté à trouver a place et aujourd'hui, à
19 ans, j'ai toujours des troubles alimentaires pour lesquels je suis
suivie ; ma mère me dit que cela va passer,mais moi je sais que
cela ne passera pas tant que ma petite soeur ne sera pas majeure ;
j'ai peur pour elle, j'ai peur qu'il ne reproduise ce qu'il a fait sur
moi ; personne ne sait que mon père m'a obligé à
avoir des relations sexuelles avec lui et je ne veux pas briser ma famille
je suis partie parce que je ne supportais plus de faire semblant, d'être
la préférée de mon gentil papa, de jouer à
la grande soeur qui aide sa maman fatiguée ; je ne me supporte
plus ; j'ai peur que l'on ne me croit pas et plus encore des conséquences
sur mon père et ma mère mais j'ai peur aussi pour ma petite
soeur qui n'a que 10ans.Je me dis parfois que tout cela ne serait pas
arrivé si j'avais été capable de dire non à
mon père.
Aidez moi s'il vous plait
Sidonie
Bonjour,
Je voudrais d'abord revenir sur cette expression : "mon père
m'a obligée à avoir des relations sexuelles avec lui"
; vous n'avez pas eu de "relations sexuelles" avec votre père
mais vous avez été violée par votre père
et, si "relation" il y a, il s'agit d'une relation d'emprise
que votre père avait sur vous et à laquelle vous avez
eu le courage d'échapper une fois majeure.
Vous avez été la victime d'inceste et comme tout enfant
victime de violences sexuelles, vous avez été prisonnière
d'un rapport de force inégal d'autant plus que votre agresseur
était votre père, ce qui implique un pouvoir psychologique
encore plus grand sur l'enfant.
Un enfant victime d'inceste est un enfant abusé, trahi et il
n'est jamais un "complice" de son abuseur même si, faute
de pouvoir parler face à l'irreprésentable, il subit en
silence, quand il n'est pas soumis à un chantage ignoble ("tu
ne voudrais pas que je me tue, si tu parles, ta mère va en mourir",
etc...)
Il semblerait que quelque part, vous vous refusiez l'étiquette
de "victime" soit parce que vous ne voulez pas "être
identifiée comme passive, impuissante", parce que vous ne
voulez pas renoncer à votre sentiment de culpabilité,
de responsabilité (alors qu'il n'a pas lieu d'être mais
vous protège peut-être cependant d'une impression totale
d'impuissance justement et que vous cherchez coûte que coûte
à garder un certain sentiment de maîtrise), soit parce
que vous prenez en charge cet homme, votre agresseur, qui reste néanmoins
votre père aux yeux de la famille et que vous voulez à
tout prix préserver "l'amour parental", peut-être
tout cela à la fois...
Et aujourd'hui encore, votre préoccupation est de protéger
votre famille tout en volant au secours de votre soeur, victime potentielle.
Quand pensez vous à vous ?
Quand allez vous pouvoir affronter votre traumatisme et le "gérer"
autrement que par des troubles des conduites alimentaire, trop souvent
révélatrices d'un désordre familial ?
Comment se fait-il que vos signaux de détresse n'aient pas provoqué
l'attention de votre mère ?
Serait-elle plus ou moins "complice"et ne préfèrerait-elle
pas adopter une attitude de déni dont la dépression (elle
est fatiguée me dites vous) serait un "symptôme"
?
Bien souvent et les études le prouvent, les mères ont
l'intuition de ce qui se passe mais pour des raisons inavouables à
elles-mêmes, préfèrent ne pas savoir.
Vous même, vous déclarez "apparemment, j'ai tout pour
être heureuse", comme si vous doutiez de la réalité
que vous avez vécue.
Il est nécessaire de prendre conscience de cette réalité
même si et surtout parce qu'elle est horrible et de ne pas en
nier les effets pervers : vous avez été manipulée
par cet homme qui se prétend votre père et qui a fait
fi de votre position de petite fille ou plutôt qui a exploité
votre position de petite fille incapable, comme les autres victimes,
de se rebeller contre la puissance du "père", d'en
déjouer la perversité.
Pour vous sauver de ce cataclysme, pour "sauver" éventuellement
votre soeur, il vous faut dire la vérité, crier cette
réalité, rompre avec le "faire-semblant".
Je vous recommande cette association, où vous pourrez trouver
conseils et soutien, en même temps qu'une orientation juridique
car il va vous falloir beaucoup de courage mais seule, la reconnaissance
de la culpabilité de votre agresseur, vous permettra de vous
construire :
* http://aivi.org/
J'attends une réponse de votre part afin de vous donner d'autres
précisions.
Merci.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil
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