Je
n'ose pas en parler à mes amis
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en pied de message
Janvier 2010
Je voudrais
témoigner de la violence psychologique. Domination, contrôle,
tactiques diverses de manipulation et de destruction psychologiques.
On peut être détruite sans qu'une seule insulte ou coup
ait été porté, simplement par un travail de sape
(invisible) au quotidien, des comportements, des mots ou des non-dits,
des regards qui en disent longs, des attitudes paradoxales, le refus
du vrai dialogue (mais c'est vous qui ne savez pas communiquer), qui
vous convainc que vous êtes nulle, moche, que ce que vous dites,
pensez -et ce que vous êtes au fond- est inintéressant.
A l'extérieur c'est une personne apprécié (qui
impressionne par sa froideur aussi), à la maison vous vivez un
enfer et vous ne vous en rendez même plus compte. Je me suis peu
à peu remise en cause. Sans rien dire trop frontalement, par
insinuations qui laissent penser que, il m'amenait à penser que
c'était de ma faute, c'est moi, je n'étais pas assez 'forte',
je n'ai « pas assez confiance en moi », je ne lui «
fais pas confiance », je « ne l'accepte pas comme il est
», avec mes doutes et mes émotions je représente
« le chaos », je "n'ai jamais été avec
un vrai mec avant ou quoi, les autres c'était des bisounours"
: toutes ces phrases et tant d'autres que j'ai tellement entendu et
qui ont fait peu à peu leur oeuvre.
J'ai connu ce visage fermé pendant des semaines, ce regard chargé
de haine à mon égard, regard qui glace, voix froide, métallique.
Absence totale d'empathie, il me broie. Irritabilité pour un
rien. Je n'ose plus vivre, plus parler et il me fait comprendre que
c'est moi qui provoque ça. Plus aucune tendresse ou toucher ou
baiser (si je venais ou essayait de le toucher il était excédé
pourtant il me disait que c'était de ma faute si on ne s'embrassait
plus). L'acte sexuel était violent, il disait «faire du
sexe». C'était froid, vide, absolument dépourvu
d'amour, et douloureux. Il me disait que j'étais fusionnelle,
que je demandais trop d'affection, que c'était gnan, dépendant.
Il avait bien senti et appuyait sur mes vulnérabilités,
s'en servait pour me détruire. Il critiquait les couples 'normaux'
autour de nous, qui se témoignent juste leur affection (couples
fusionnels pour lui).Et j'ai cru que j'étais fusionnelle, en
réalité j'avais juste envie de partager des gestes d'affection
et de l'amour dans mon couple. Lui ne pouvait pas alors il me détruisait
à la place. Moi si gaie et tournée vers les autres je
perds ma joie de vivre, m'enfonce dans la dépression, me coupe
de mes amis, de ma famille (ma mère est folle pour lui), je n'arrive
plus à travailler. Lui va bien, plus je m'enfonce plus il réussit
professionnellement et se gonfle comme un paon de ses réussites
auprès de moi et de nos amis. Il est interdit bancaire et recherché
par les impôts quand je le rencontre, au début de notre
relation je lui prête toutes mes économies pour payer ses
dettes (y compris à son ex), il me remboursera après son
départ après de multiples et humiliantes relances et alors
que j'en ai besoin d'urgence pour trouver un nouvel appart quand je
me suis sauvé de chez nous. Pendant trois ans, je remplie le
frigo, avance sa part des loyers, fais courses, lessives, repas, ménage.
En soirées il explique à nos amis tout son travail et
tous, chaque fois de s'émerveiller « tu arrives à
faire tout ça, chapeau, impressionnant ». Si j'ose dire
que la réalité me semble différente, que c'est
moi qui paye tout, il me répond que « je me rends pas compte,
ça le gêne », qu' "il ne faut pas que je parle
de nos problèmes d'argent ça donne « une mauvaise
image ». Il y'a de plus en plus de choses que je ne peux plus
dire, il veut contrôler ce que je dis de lui à nos amis,
je ne suis plus moi-même, j'ai perdu tous mes repères.
Tout ce que je suis et mes valeurs, est rejeté, dévalorisé,
nié. Je ne faisais plus que travailler, pour nous faire vivre,
et il me reprochera même à la fin "de faire que travailler"
(lui passait son temps devant son ordinateur, il ne s'en levait jamais
plus sauf pour manger et aller dormir). Il ne me regardait pas en me
parlant, il me faisait toujours sentir que je le dérangeais,
je me sentais de trop chez nous. Je pleure des heures seule dans la
salle de bain car il « ne veut pas de larmes », ou dans
le lit à côté de lui le soir pendant qu'il dort
tranquillement. Privation affective, rejet, mépris, je ne peux
plus le toucher, je dors recroquevillée dans mon coin du lit
en essayant de ne pas le toucher par erreur car il a un geste brusque
et excédé si ça arrive, je l'agaçais, l'irritais
de plus en plus et je croyais toujours que c'était de ma faute.
Et puis il y'a la violence sexuelle, il s'acharne sur moi, plusieurs
fois j'ai tellement mal que j'en pleure, plusieurs fois je me dit «
ça doit ressembler à ça, un viol ». Il finira
par partir pour la suivante (je me sauve de chez nous alors que le bail
est à mon nom quand je découvre qu'il a une nouvelle copine),
me laissant exsangue moralement (dépression), physiquement (-
12 kilos), financièrement, et incapable de travailler.
J'ai fait mes cartons et le tri de 4 ans de vie commune pendant qu'il
était en weekend chez la nouvelle, car c'était "trop
dur pour lui de faire ça".
Je veux par mon témoignage, alerter : la manipulation, la violence
perverse sont une agression. Une atteinte à l'intégrité
psychique de la personne. Et la victime n'est plus en état de
réagir car elle est manipulée (la violence psychologique
précède souvent et prépare le terrain pour la violence
physique). J'ai eu de la chance qu'il parte pour la suivante une fois
que j'étais "épuisée", qu'il avait pris
mon énergie et ma joie de vivre, et qu'il n'avait plus 'besoin'
de moi. Je sais aujourd'hui que pour lui j''étais un objet, pas
un être humain.
Il m'a dit en partant :
- "que je n'aimais plus écouter de musique, que je n'arrivais
plus à me lever le matin" (dépression).
- " qu'il faut qu'on gère bien ça avec nos amis,
que ça ne fasse pas de problèmes"
- "qu'il était content car il ne ressentait aucune culpabilité".
- "que le problème entre nous ça a toujours été
que je ne lui faisais pas confiance"
Il ne m'a
frappé ni insulté une seule fois.
Il dit d'ailleurs qu"'il y'a deux sortes d'hommes, ceux qui peuvent
frapper une femme, et ceux qui ne le pourront jamais".
Aujourd'hui je me demande amèrement dans quelle mesure il n'y
avait pas en fait du regret dans cette phrase..
Je voudrais témoigner et alerter sur la violence psychologique
et les comportements pervers : si j'en avais entendu parlé, j'aurai
su ce que je vivais. Tous les signes étaient là (séduction,
puis changement de personnalité, emprise et destruction). Mais
je ne savais pas que ça existait (et de part mon histoire familiale,
je ne savais pas me protéger ou voir que c'était anormal
puisque mon père était comme ça, bref une proie
idéale. Aujourd'hui grâce au livre de Hiriguyen j'ai compris
ce que j'ai vécu avec cette personne, et dans mon enfance, c'est
une libération de pouvoir mettre des mots sur l'incompréhensible).
Dites-moi si mon témoignage peut vous intéresser et figurer
sur le site. S'il faut le retravailler dites-moi également.
Ou bien n'hésitez pas à m'indiquer d'autres moyens d'apporter
mon témoignage.
Si vous voyez des éléments de réponse à
m'apporter, ou des commentaires n'hésitez pas également.
Ce genre d'expérience isole, je n'ose pas en parler à
mes amis, la honte, et la peur de ne pas être crue et que ça
passe pour un 'banal problème de couple et de rupture' (je ne
supporterai pas de voir l'incrédulité dans leur regard
(mon ex est apprécié et leur fournit du travail maintenant)
ou qu'il trouve que je n'avais qu'à pas me laisser faire, alors
je me tais). Mon meilleur ami, mon confident, ne me parle plus depuis
qu'il a passé une nuit chez mon ex-compagnon. En revenant il
m'a sorti au mot près une phrase que disait mon ex-compagnon
pour parler de notre couple ("vous êtes très différents
au niveau des sentiments c'est pour ça") ça m'a glacé.
En vous
remerciant,
@nne
Bonjour,
Merci pour ce témoignage très explicite que nous publierons
en espérant qu'il puisse ouvrir les yeux à d'autres victimes.
Un seul commentaire "je n'ose pas en parler à mes amis,
la honte et la peur de ne pas être crue..." : si ce sont
des amis, des vrais amis, ils vous aideront à vaincre ce sentiment
de honte justement qui envahit la plupart des victimes et les handicape
longtemps dans leur projet de reconstruction.
Et une écoute professionnelle est aussi très indiquée
; pensez y...
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil
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