Impossible
de subir un examen gynécologique
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Avril 2010
Bonjour,
J'ai été victime d'abus sexuels répétés
à partir de l'âge de 4 ans. Aujourd'hui, j'en ai 26, et
j'ai parcouru bien du chemin depuis. Des problèmes liés
à mon cycle hormonal m'ont contrainte à consulter un gynéco.
Malgré toute ma détermination, je vis toujours avec un
trouble de l'image corporel. Mon psychisme n'intègre pas ma féminité
et bloque tout ce qui concerne la sexualité ; autrement dit,
je n'accepte pas la présence de mes organes génitaux et
refuse tout ce qui est lié (règles, relations, grossesse...).
Dans mon esprit, il n'y a rien, entre mes jambes. Ainsi, ces choses
qui sont si naturelles aux autres sont, pour moi, une aberration biologique
: mon corps n'est pas fait pour ça. En dehors du fait que je
vis très douloureusement mes règles ("mon corps détraque,
il est malade") et que cela m'interdit toute relation amoureuse
("mon corps ne peux physiologiquement pas recevoir un homme"),
cela a rendu impossible tout examen gynécologique. Pour le moment,
j'ai consulté trois fois, et chaque fois, c'est le même
refus. Etre examinée, ce serait subir une effraction tissulaire,
ce serait contre-nature. En y réfléchissant, je sais que,
ce qu'il faudrait, c'est que j'accepte mon anatomie. Pour un suivit
médical, mais aussi, pour mon épanouissement personnel.
Le problème, c'est que je fais un blocage : je refuse d'accepter.
Accepter ma féminité serait accepter d'être vulnérable
face aux hommes, et m'exposerait ainsi à de nouveaux abus. La
tornade qui a fait rage dans mon esprit la première fois fut
tellement dévastatrice que je ne pense pas survivre à
une nouvelle agression. Ma peur est colossale. Mon gynéco est
patient, parce qu'il a compris, il me laisse le temps, mais il faudra
bien un jour que j'y arrive.
Alors, ma question est "Comment puis-je faire ?"
Merci d'avance pour votre réponse,
J.
sbm.bio@club-internet.fr
(j'accepte la diffusion de ce message et de mon adresse mail)
Bonjour,
"Je sais que, ce qu'il faudrait, c'est que j'accepte mon anatomie"
écrivez vous et dans ce mot "anatomie", vous y mettez
ensuite votre "féminité".
Je ne nie pas, en effet, la possibilité que vous fassiez rimer
"féminité" avec "vulnérabilité"
mais, au delà des genres, je souhaiterais d'abord plutôt
mettre l'accent sur la notion du "corps érotique"et
"corps biologique", expressions employées par C. Dejours
(Payot 2001) à qui je laisse la parole :
* Cela surprendra, mais nous avons
deux corps ! Le corps biologique, qui est celui qu'on examine au microscope
ou qu'on soigne avec des antibiotiques ; et le corps érotique,
au travers duquel nous éprouvons la vie, la souffrance, le plaisir,
l'excitation sexuelle, le désir. L'un relève de l'inné
; c'est le corps biologique. À partir de lui se construit progressivement
l'autre corps, le corps érotique, qui relève donc de l'acquis.
Mais que se passe-t-il quand cette construction rencontre des obstacles
qui la mettent en échec ? Une vulnérabilité du
corps s'installe, qui peut se manifester par la formation de symptômes
psychopathologiques ...
C’est P. Schilder qui assoit dès 1935 le concept d’image du corps
sur des fondements psychanalytiques. Dans son livre « L’image
du corps » (1968), Schilder a voulu articuler la réalité
biologique du corps avec sa réalité érogène
et fantasmatique. Il en donne cette définition : « L’image
du corps humain, c’est l’image de notre propre corps que nous formons
dans notre esprit, autrement dit la façon dont notre corps nous
apparaît à nous-mêmes. »
Votre corps physiologique est "bloqué" mais les symptômes
que vous énumérez représentent la parole qui vous
manque, qui adresse votre vécu à l'autre, parce que vous
refusez d'habiter votre corps physiologique à partir duquel se
forme le corps érotique que vous censurez.
Déconstruire, reconnaître, reconstruire l'image de votre
corps pour pouvoir l'habiter est une démarche thérapeutique
primordiale mais il vous faudra aussi déconstruire, reconnaître
et reconstruire pour pouvoir l'habiter, le monde qui vous entoure ...
Car l'image que vous vous faites de vous-même est incluse dans
celle que vous vous faites du monde puisque vous en faites partie ...
Vous comprenez bien, que le refus de l'examen gynécologique n'est
qu'un symptôme parmi d'autres de votre mémoire traumatique
et que vous devez avant tout entreprendre une thérapie pour vous
ré-approprier votre corps et son image, laquelle détermine
et est déterminée par vos modalités relationnelles
au monde.
Différentes techniques "psycho-corporelles" sont susceptibles
de vous aider à vous retrouver.
Avez vous consulté un professionnel psy ?
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil
Bonjour,
Merci infiniment pour la rapidité de votre réponse.
Oui, je suis suivie depuis 8 ans par une psychologue, dans un CMP. Et
au bord du gouffre, cela m'a sauvé la vie. Mais, comme vous l'avez
remarqué, la parole est difficile. Il me faut constamment lutter
pour ne pas fuir. Au dernier entretien, par exemple, je n'ai fait qu'exposer
toutes mes réussites, glissant le problème actuel entre
deux projets extraordinaires. La psy, ayant parfaitement compris, m'a
demandé de le travailler pour la prochaine fois, soit mardi prochain.
La consultation gynéco a eu lieu jeudi dernier, et je ne me sentais
pas capable d'attendre jusque là. D'où, ma venue vers
vous.
J'ai deux questions :
- quelles seraient ces techniques psychocorporelles susceptibles de
m'aider ?
- comment puis-je changer ma vison du monde, quand la quasi-totalité
de mon entourage n'est pas digne de confiance, pour ne pas dire néfaste
? Quand mes amis, à qui je donne tout, me tournent le dos, lorsque
j'ai besoin d'eux ? Quand les médecins et autres professionnels,
qui se disent votre allié, vous mentent ? Quand la société
n'a de cesse que de vous manipuler ? Quand les gens, insatisfaits de
leur situation personnelle ou affective, ne cherchent que le pouvoir
sur les autres ? Quand la violence et la délinquance ne cessent
d'augmenter ? Quand toujours autant de femmes et d'enfants sont maltraités
?... Tous les jours, je me sens agressée, méprisée,
ou humiliée. Alors, effectivement, je me méfie du monde.
Mais comment faire pour avoir une vision plus positive des choses, quand
le monde lui-même n'obéit qu'à la loi du plus fort
? Je veux, par dessus tout, être respectée ; je ne veux
plus, jamais, que l'on me touche. Seulement, j'ai une grande faiblesse
: je suis naïve et impressionnable. N'importe qui qui s'en rend
compte peut l'utiliser contre moi. Ainsi, je suis vulnérable
de part mon sexe (et cela m'est intolérable !), et de part mon
caractère. Que puis-je faire d'autre pour m'assurer un minimum
de protection ?
Merci d'avance,
J.
Bonjour,
Ce sont des techniques qui allient relaxation, massages, méditations,
exercices corporels comme par exemple la bioénergie qui vise
à réduire les résistances du patient et à
l'amener à abandonner son "armure défensive".
La bioénergie procède à la fois d'une dimension
analytique et d'une dimension psycho-corporelle.
Il y a aussi l'hypnose Ericksonienne qui n'a rien de magique et qui
permet de travailler sur le "lâcher-prise".
Mais quelles que soient les thérapies, veillez toujours à
choisir un professionnel certifié qui figurera pour cela sur
une liste professionnelle spécifique ; éloignez vous des
charlatans-thérapeutes car tout le monde peut se dire "thérapeute"
; attention de toujours vérifier la véracité du
titre professionnel.
Ainsi, pour la relaxation, vous pouvez vous renseigner ici :
* www.arrefs.net
* www.relaxpsy.free.fr
Pour l'hypnose :
* www.hypnose-ericksonienne.com
L'EMDR, quant à elle, est une nouvelle approche thérapeutique
utilisée notamment dans les états de stress post-traumatique
:
* www.emdr-france.org
Vous devez travailler à la fois vos difficultés avec vous-même
(confiance, estime) qui ont trait avec "l'idéal de soi"
et les résurgences du passé et les difficultés
de relation avec les autres (vous apprendrez à vous affirmer,
à mieux vous situer) et dans ce dernier cas, vous pourriez participer
à des groupes de communication thérapeutique ( gestalt-thérapie,
thérapies systémiques).
Mais n'abandonnez surtout pas votre psy actuelle !
Cordialement,
Chantal
POIGNANT
Conseil
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