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Un épisode très douloureux de ma vie

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Janvier 2011

Il y a bien longtemps et pourtant !!!!!!!!!!!!!!

Je voudrais vous parler d'un épisode très douloureux de ma vie qui a certainement eu un impact sur ma vie sentimentale et qui laissera à jamais dans mon coeur une plaie ouverte.

Je vais avoir 18 ans dans 3 mois ; ma soeur va accoucher de son deuxième enfant et elle me demande de venir garder ma petite nièce qui va bientôt avoir deux ans. Je suis heureuse j'adore ma nièce et mes parents sont d'accord pour me laisser partir, eux non plus ne se doutent pas de ce qui m'attend.

Nous sommes le 18 mars, ma soeur est partie pour la clinique, je suis seule avec ma petite nièce, en fin d'après-midi mon beau-frère rentre à la maison, je lui demande alors c'est quoi , il me répond c'est un garçon et j'ai à peine le temps de comprendre ce qui m'arrive, il essaie de m'embrasser sur la bouche, je suis choquée, je ne sais plus très bien ce qui se passe après, je dois m'occuper de ma nièce, je lui donne à manger, je la couche et je me couche avec elle dans le même lit, mais là stupeur !    Il arrive, me harcèle, je me souviens que je me mets côté mur, ma petite nièce faisant barrage ; rien ne l'arrête. Alors, je me réfugie dans les toilettes et je reste enfermée une bonne partie de la nuit, je pleure et je tremble de tous mes membres. Au bout de plusieurs heures, il me promet de me laisser tranquille et je vais enfin retrouver E...... Je ne pense pas avoir beaucoup dormi cette nuit là.

Le processus est enclenché, chaque fois qu'il le pourra ce salaud me coincera pour essayer de m'embrasser, de me toucher la poitrine et même plus mais j'ai beaucoup de mal à en parler. Certaines personnes m'ont dit « pourquoi n'as-tu rien dit à ta soeur, pourquoi n'as-tu rien fait ? » Tout d'abord, j'étais venue chez ma soeur, je n'avais pas un sou en poche, je ne connaissais personne il n'y avait pas de téléphone à cette époque, de plus j'étais responsable de ma petite nièce ; je ne pouvais rien faire, j'étais pieds et poingts liés.

Je n'avais aucune expérience de la vie, je sortais de ma campagne, j'avais reçu une éducation catholique et surtout j'étais pure comme de l'eau de roche, j'avais un très bon copain mais pas le moindre flirt, je n'y pensais même pas et de voir cette homme que je considérais comme un frère me faire subir tous ces attouchements, j'étais plus que dégoûtée.

Enfin mon calvaire a cessé momentanément lorsque je suis revenue chez mes parents. Je ne leur en ai soufflé mot, mais chaque fois qu'il revenait avec ma soeur, partout où j'étais, il me trouvait ... acharnement !.....

Malgré tout ça j'ai quand même accepté de venir habiter chez ma soeur lorsque j'ai eu l'opportunité de travailler au Paris. Je pensais qu'il finirait par me laisser tranquille ; naïveté de ma part, jamais il n'a lâché prise. Heureusement pour moi, j'ai quitté Paris pour N....... Je me croyais sauvée !!!

Autre concours de circonstance, ce Monsieur a été muté à N........ et rien ne le décourageait, je le trouvais parfois sur mon chemin près de la clinique où je travaillais, jamais je n'aurai pu vivre en paix mais je jure qu'il n'est jamais arrivé à ses fins.

En 1966, je rencontre mon futur mari, je tombe enceinte en septembre 67 et je pars  en février retrouver le père de mon enfant qui est au sanatorium. Mais très vite nos relations tournent mal, j'ai sans cesse besoin de preuves d'Amour, je crois que j'ai failli faire des bêtises, je crois que j'avais en permanence en tête l'agression subie.

Nous revenons à N..... en septembre 68, avec notre petit bout de chou qui a 3 mois. En décembre mon mari repart à l'armée, me voilà de nouveau seule face à ce loup qui n'arrêtera pas de me harceler. Nous avons trouvé un meublé à quelques minutes de chez ma soeur et à tout moment il vient frapper à la porte. Je pleure, je n'en peux plus.

Je suis enceinte de mon 2ème enfant, je suis très malade, je maigris, je pèse à l'époque 38 Kgs, je crache du sang. Malgré tout je suis quand même obligée de m'occuper de mon fils qui a 6 mois, je dois faire des kms à pied avec le landeau pour aller faire mes courses, aller à la consultation de nourrisson. Nous n'avons aucun confort, pas de salle de bains, pas de machine à laver. Je ne sais pas comment j'ai fait pour m'en sortir.

Et toujours ce fauve qui rôde !!!!!!!!!!!!!!

Quelques années plus tard, en 1972, nous changeons de quartier, mon mari quitte la marine et trouve du travail sur N......... Période de rémission, mais toujours les mêmes réactions par rapport à mon comportement amoureux. Je me sens sans cesse agressée, je ne peux pas vivre complètement ma sexualité et nous avons beaucoup de disputes, mon mari croit que j'ai un amant, c'est crise sur crise de jalousie.

1977 : le 3 juillet naît  notre troisième enfant, une fille après deux garçons, je suis très heureuse mais mon bonheur n'est pas parfait parce que son père ne restera pas avec moi pour l'accouchement. Il est devenu infect, il sort beaucoup avec des copains pas très fréquentables, il boit plus qu'il ne devrait. Je souffre énormément.

Quelques mois plus tard, en septembre, alors que j'allais faire mes courses, je rencontre le monstre, il était venu habiter le quartier après que ma soeur ait demandé le divorce et là il me dit « j'ai appris que tu avais eu une petite fille, j'aimerais la connaître, est-ce que tu veux bien me laisser monter » Pensant que c'était du passé j'ai dit « oui si tu veux » à peine il était rentré dans l'appartement, qu'il a recommencé, il m'a même demandé s'il pouvait prendre une douche chez moi parce qu'il ne pouvait pas en prendre chez lui ; alors là j'ai été ferme et je lui ai dit de prendre la porte. Malgré tout, il y a eu d'autres tentatives, coup de sonnette à la porte à chaque instant. Un jour j'ai craqué, je lui ai dit « tu me fiches la paix sinon je préviens E..........» je suis descendue téléphoner à la cabine, j'étais en larmes, j'ai dit à mon mari « il faut que tu viennes me débarrasser d'un salaud » Je lui ai dit qui c'était et ce qui se passait. Le comble c'est que mon mari n'a rien compris, il est devenu de plus en plus jaloux.

J'ai eu beau lui dire que si j'avais eu un amant, je ne l'aurais sûrement pas appelé au secours, il n'a rien voulu savoir. Après ça j'ai eu droit aux pires injures qui soient. Cela nous a conduit tout droit à la séparation.

2ème épisode

20 ans plus tard je pense retrouver la joie de vivre avec un ancien ami qui me contacte après le décès de sa femme, parce que je le connais (mal) j'accepte de vivre avec lui ; mais je vais de désillusion en désillusion ; tout d'abord ce seront des réflexions du style "Ne compte pas sur moi pour m'apitoyer sur ton sort" alors que je suis hospitalisée pour des examens post-opératoires ; Dieu que ça m'a fait mal !!!  pourquoi cette méchanceté gratuite ? Je ne me plaignais pas, j'avais eu la visite d'amies un peu plus tôt qui m'avaient  trouvée radieuse, rajeunie et je leur ai répondu "je suis heureuse tout simplement" et voilà le vrai bonheur n'aura duré que quelques mois.

Malgré tout je pardonne, je lui trouve des excuses. J'avais enfin trouvé mon âme soeur, je n'avais plus de tabous, je me comportais enfin en femme amoureuse, j'étais guérie !!! Malheureusement je me prend un deuxième coup de poignard dans le coeur, alors que sa femme est décédée à 56 ans, que je vis avec lui depuis plus d'un an, il réunit toute la famille pour un festin à la maison, le jour où elle aurait eu 60 ans (anniversaire post'hume) en quelque sorte ! Depuis tout a changé dans ma tête, c'est comme s'il l'avait ramenée à la maison entre nous, je ne suis plus la même ! J'étais très tendre et maintenant je ne peux plus faire un pas vers lui ; malgré tout je suis toujours là ; j'ai peur de retourner dans ma solitude !!! Est-ce une réaction normale ? Certains m'ont dit que c'était une réaction de femme jalouse !!!!!!!!

Je me sens très mal par moment et j'en arrive à me faire du mal, me punir, me priver de sorties, je n'ai qu'une seule envie c'est de me réfugier sous les couettes, j'ai toujours envie de pleurer !!!

Parce que je n'ai aucune confiance en moi et que je pense que je ne suis rien en comparaison de celle qu'il a toujours en PHOTO 22X16 dans le couloir à l'entrée de la chambre !!! et que cela fait 5 ans 1/2 que ça dure et que rien n'a bougé par rapport à son engagement envers moi, il a même dit qu'il irait finir sa vie en maison de retraite et que moi je devrais retourner dans ma maison. Je me sens asservie, je ne me sens pas chez moi, je n'ai plus d'identité, au début j'avais mis tout mon coeur pensant adoucir sa peine et reconstruire un nid douillet en quelque sorte, mais ça ne l'intéresse pas !

POUR MOI C'EST LA RECHUTE APRES LA REMISSION 

J'aimerais que vous m'aidiez et vous pouvez diffuser mon témoignage

MERCI

Je viens de lire avec attention votre témoignage et ce qui m'apparaît spontanément, c'est la répétition d'évènements malheureux, répétition liée à un "non-dit" qui fait que le "malentendu" s'installe, grandit et dure jusqu'à ce que vous ne supportiez plus (et c'est compréhensible) l'impact de la situation.
Alors, vous perdez toute contenance et vous craquez d'autant plus que "l'autre" vous manifeste indifférence voire mépris.
L'histoire se répète, non pas parce que vous perdez votre identité mais parce que vous-même, n'êtes pas certaine de votre identité au départ et que l'homme qui est en face de vous repère cette faille et en profite pour ne pas vous respecter.
Le "non-dit " creuse sa place entre vous et les autres mais surtout entre vous et vous-même...
* Malgré tout ça j'ai quand même accepté de venir habiter chez ma soeur lorsque j'ai eu l'opportunité de travailler au Paris. Je pensais qu'il finirait par me laisser tranquille ; naïveté...
* Pensant que c'était du passé j'ai dit « oui si tu veux » à peine il ...
* j'ai sans cesse besoin de preuves d'Amour, je crois que j'ai failli faire des bêtises...
*Malgré tout je pardonne, je lui trouve des excuses. J'avais enfin trouvé mon âme soeur, je n'avais plus de tabous, je me comportais enfin en femme amoureuse, j'étais guérie...
* j'ai peur de retourner dans ma solitude...

Parce que vous craignez "votre" solitude, parce que vous avez peur de la confrontation avec votre propre image, vous n'avez pas eu la force de dénoncer le comportement de votre beau-frère, vous espérez que les choses vont s'arranger (vous ouvrez naïvement à votre ex-beau-frère) et vous êtes tellement en quête d'amour et de reconnaissance, qu'il vous faut des preuves ; votre compagnon ne comprend pas votre désespérance ; lui avez vous dit ?
20 ans plus tard, vous vous mettez en ménage avec un ancien ami, sans doute précipitamment et certainement aussi par peur de la solitude ; comme vous le racontez, c'est presque un arrangement entre deux êtres qui souffrent mais ce n'est pas un véritable choix, ce n'est pas une rencontre entre deux identités qui vont s'unir et se compléter pour faire quelque chose de plus que l'union de deux personnes isolées.
L'union de vos deux solitudes n'a pas "guéri" la vôtre car, celle-ci, vous la portez en vous.
Votre solitude, c'est la "faille", la peur du vide en vous, c'est la perception de votre propre image qui ne correspond pas à votre "idéal du moi", c'est votre "désespérance".
Vous attribuez cette vulnérabilité aux agressions de votre beau-frère : il est certain que les agressions ont accentué la faille et vous ont fait vaciller.
Mais tout le non-dit dans votre famille autour de ces agressions a un sens : pourquoi tout ce non-dit?
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Agent de conseil

Je vous remercie de m'avoir répondu aussi rapidement, j'ai pris un temps de réflexion et je vous donne ma version des choses autour du non-dit dans ma famille.
Pour commencer je dois dire que je suis née en 1944 dans un tout petit village breton de 300 habitants
mes parents étaient agriculteurs dans une  toute petite ferme dont ils n'étaient même pas propriétaires, nous étions pauvres mais riches d'Amour ; j'en ai reçu de mes parents sûrement mais surtout de mon grand-père qui était un homme merveilleux, qui m'a beaucoup appris ; à découvrir la nature, le chant des oiseaux, il m'appelait son petit rayon de soleil, sentiment très rare dans le monde paysan, il était très affectueux. J'étais encore sur ses genoux, la vieille de sa mort, comme tous les soirs.
Mon grand-père je l'ai perdu quand j'avais 9 ans, emporté en quelques heures, j'ai compris ce qui se passait quand j'ai vu le médecin et le curé venir à la maison, ça été mon premier grand chagrin, personne, ni mes parents, ni ma tante, ni ma soeur qui avait 16 ans n'ont eu une parole de réconfort, on m'a seulement appris à me résigner je crois à ce moment là.
(Il fallait que je vous signale cet évènement avant de continuer)

(Je reviens à mon enfance)
J'ai à peine 4 ans et on découvre que j'ai une luxation de la hanche, je pense que mes parents ont dû faire des sacrifices énormes pour pouvoir me faire plâter, je leur en suis reconnaissante ; mais ce qui me traumatise énormément, je m'en rappelle comme si c'était hier, c'est de me retrouver entre les mains de personnes en blouses blanches sans que je comprenne ce qui m'arrive, on m'a dit qu'on allait se promener, je suis montée dans une voiture pour la première fois !!! Je resterai 9 mois dans ce carcan, plâtrée de la taille jusqu'aux chevilles, écartelée !!!
Je pense quand même que j'avais du ressort parce que lorsqu'on m'enlève mon plâtre, je réapprend à marcher seule avec l'aide ma soeur, je rentre à l'école 3 mois plus tard, à Pâques, comme ça se faisait à l'époque et en décembre de la même année je sais lire couramment, écrire, compter, faire des conjugaisons ; pour preuve un de mes cahiers daté du 13 décembre 1949, j'avais 5 ans 1/2.
Je me sens bien dans ma peau, je boîte un peu, mais ça n'a pas d'importance, je n'ai aucun complexe parce que j'existe, j'ai le 1er rôle dans les pièces de théâtre, je suis choisie lorsqu'il y a un discours à faire à une personne importante.
Parcours sans faute, toujours bien classée, je me retrouve à 11 ans en fin de parcours c'est-à-dire avec les élèves qui passent leur certificat d'études primaires, je passe d'ailleurs le certificat religieux du même niveau et j'obtiens une mention "très bien" . Dans mon village, il n'y a qu'une école primaire, il faut soit aller en pension, soit faire la route à vélo pour aller au collège le plus proche c'est-à-dire 6 kms, pour moi il n'y aura pas de solution, pas de pension puisque pas d'argent, pas de droit à une bourse, et pas suffisamment de santé pour faire la route à vélo. Donc ce seront 3 années répétitives dans cette classe où les élèves ont 2 ans de plus que moi, j'ai vu mes meilleures copines partir en pension et c'est en silence que je pleure, je n'en parle pas.
J'ai 14 ans tout s'arrête, je me retrouve seule avec mes parents et ma grand-mère, je m'occupe un peu du ménage, je fais de la couture, du tricot, je m'ennuie à mourir, je suis malade, je maigris, c'est d'ailleurs à cette époque que je subis les moqueries de petites pestes qui me traitent de squelette, j'ai toujours tout gardé pour moi.
 Des personnes influentes, ont essayé de convaincre mes parents de m'envoyer dans une école d'institutrice, avec possibilité de rembourser les études par la suite, moi en travaillant, le curé du village propose de me donner des cours d'allemand (il faut seulement acheter les livres de cours) mes parents refusent toute proposition. Pourquoi je n'en sais rien, en tout cas mes parents n'en parlent pas sérieusement avec moi.
Je dois avoir 17 ans, une amie de ma soeur (qui a 7 ans de plus que moi) et qui est déjà partie à Paris depuis ses 18 ans, me prête sa machine à écrire et la méthode et je commence à apprendre la dactylographie toute seule, ma foi je me débrouille pas trop mal, et si je vous ai dit "malgré tout ça j'ai quand même accepté de venir habiter chez ma soeur lorsque j'ai eu l'opportunité de travailler à Paris"
c'est parce que c'était la seule issue, la seule sortie de secours, je pense que vous comprendrez mieux !
l'exode rural, personne n'y a échappé !
Jusqu'ici il en ressort que j'ai subi, que je n'avais pas le choix puisque je n'avais pas mon mot à dire, et pourtant j'avais pas mal d'atouts en mains, c'est pourquoi je me dis que les gens ne naissent pas égaux en droits, à l'endroit où ils naissent.
J'existe, je vis lorsque je me sens aimée et utile, dans ma vie professionnelle j'ai eu des postes à responsabilités puisque j'ai quand même réussi, en partant de rien, à travailler avec des médecins, des avocats, j'ai en effet repris des études lorsque j'avais 30 ans et maman de 2 enfants de 5 et 6 ans. Je n'ai jamais pu réclamer un centime d'augmentation, je me sentais valorisée par mon travail et c'est ce qui importait mais il n' empêche qu'il y a toujours eu un manque, j'ai toujours soif d'apprendre encore et encore !
Oui il y a bien eu une faille, ma Maman qui faisait une fixation sur son propre échec ne s'est pas rendue compte que j'étais en train de rater ma vie, mais je ne lui en veut pas, elle a eu une vie très dure et quant au non-dit par rapport à l'agression par mon beau-frère il faut dire que jamais au grand jamais, le sujet sur la sexualité n'a été abordé, j'ai eu mes premières règles le jour du mariage de ma soeur comme par hasard, j'avais 15 ans 1/2, je n'ai même pas osé en parler à Maman, je me suis débrouillée comme j'ai pu, tout était honteux. Comment voulez-vous que je lui parle de ces choses là ! D'ailleurs un psy m'a dit  que la victime d'un viol se sent coupable et je pense que c'est vrai.
Maintenant que j'ai mis tout ça noir sur blanc, ça me m'enlève un poids, il y aurait tellement de choses à évacuer qu'il faudrait des pages et des pages.
Je vous remercie de me lire et s'il y a une réponse plus précise je serai heureuse d'avoir votre avis

Bonjour,
Donc, j'avais vu juste : les prémices de votre identité ayant toujours été ignorées, presque bafouées, vous n'avez pu vous consolider et défendre votre "je", ce qui explique la répétition des situations non satisfaisantes mais toujours "moins pires" que le "vide" familial que vous aviez connu enfant, un vide rempli paradoxalement de "non-dits" qui perturbent et effraient la petite fille avide de connaissances et de reconnaissance.
Vous avez tenté de réduire la béance de votre moi en partant courageusement à la recherche de "l'autre" et de la "connaissance".
Votre seule "erreur" à mon avis, dans votre précipitation, c'est que vous avez sans doute plus donné, à un moment, la priorité et votre confiance à l'autre plutôt qu'à vous et votre culture.
Aujourd'hui, vous savez que cette soif d'apprendre date de votre enfance, sans doute par rapport à tout ce qu'on vous ne disait pas vraiment, comme si vous étiez "inexistante" (malheureusement beaucoup de parents croient, sans méchanceté et c'était encore plus vrai autrefois, que les enfants ne sont pas capables de comprendre et les considèrent encore trop souvent comme des éléments passifs, presque "négligeables").
Vos parents n'étaient pas maltraitants, seulement un peu sourds et muets, un peu isolés socialement, affairés à gérer les difficultés du quotidien.
Ils n'ont sans doute jamais investi le domaine de l'interpersonnel, les aspects relationnels de l'existence : absents physiquement puisque "affairés", ils l'étaient surtout psychologiquement et vou, étiez comme "posée" là à côté de ces adultes, sans véritables interactions avec eux.
La capacité d'une mère à être lucide dépend aussi de la gravité de sa propre histoire (et vous me parlez de son "ratage" personnel justement).
Ainsi, vous avez raison de ne pas lui en vouloir mais surtout, prenez de la distance par rapport à cette figure maternelle blessée et irréparable, par rapport à la représentation de ce couple parental bancal, peut-être.
Vous n'êtes pas comme eux puisque vous avez pu, en partie, vous réparer par la culture.
Reste à vous réparer affectivement en renforçant votre croyance en vous d'abord.
Et sachez que le manque ne peut jamais être tout à fait comblé...
Cordialement,
CP

Vous avez su trouver les mots justes et pendant la lecture de ces lignes c'est comme si j'étais revenue 50 ans en arrière, tout à ressurgi et j'ai pleuré, c'est hélas la triste vérité ! J'étais vivante sans savoir ce que je faisais sur cette terre ; posée là, à côté de ces adultes, effectivement ! Une partie de mes amies étaient parties en pension, d'autres étaient Mamans très jeunes (à peine 17 ans) je ne savais pas dans quelle catégorie me placer.
Mes parents n'ont pas pris conscience de mon mal-être, ils étaient dépassés par cette vie de forçats qu'ils ont menés ! Maman n'était pas destinée à mener cette vie là et elle en a beaucoup souffert.
Je pense aussi que c'était pour me protéger, voire même me surprotéger, par rapport à ma santé fragile, c'est sûrement un tort mais Maman n'a jamais voulu que je participe aux travaux de la ferme ! Je ne sais pas ce qu'ils envisageait comme avenir pour moi !
Finalement il y a eu cette sortie de secours, et j'ai retrouvé la joie de vivre, par mon travail valorisant.
Une chose dont je suis certaine c'est que mes parents m'ont aimée, à leur manière, si je devais mendier un bisou à  Papa avant d'aller me coucher, ce n'était pas le cas pour Maman qui venait tous les soirs me border et m'embrasser et ce,  jusqu'à ce que je parte de la maison.
Pour ce qui est de la communication, nous nous sommes bien rattrapées par la suite, j'ai gardé les lettres que Maman m'écrivait, il y en a beaucoup, nous avons toujours été très proches, en osmose, avec des transmissions de pensée, souvent on décrochait le téléphone en même temps !!!
Mes parents ne sont plus de ce monde, j'étais avec Maman lorsqu'elle a fait un début d'AVC et alors qu'elle avait du mal à parler elle n'arrêtait pas de répéter "toute une vie gâchée" cela aurait pu être ses dernières paroles, elle a vécu quelques années après puisque le médecin est arrivé à temps pour limiter les dégâts.
Vous terminez en me disant qu'il faut que je me répare affectivement, je vais essayer, mais ce ne sera pas facile parce que je n'ai toujours pas d'estime pour moi, je sais aussi, que, comme vous dîtes " le manque ne sera jamais comblé"...

Pour terminer, je voudrais ajouter que malgré une séparation qui date de 1986, je n'ai jamais voulu reprendre mon nom de jeune fille, pourquoi ? J'ai un peu honte de faire cet affront à mes parents mais je pense que ça me rappelle trop de mauvais souvenirs.
Je vous remercie infiniment de m'avoir aidée, c'est avec plaisir que je vous lirai à nouveau si vous le souhaitez.

Bonjour,
Votre message est très beau et pétri d'amour pour ces parents non aidants mais si "déshérités" eux-mêmes ; à tel point, qu'il semblerait, que vous n'ayez jamais voulu renoncer à porter le fardeau de votre mère ; plus ou moins inconsciemment, vous perpétuez le lien, comme si vous ne vouliez surtout pas les trahir mais tout en étant lucide sur la nécessité de rompre (un peu et symboliquement) avec ce lourd héritage psychologique (vous n'avez pas repris votre nom de jeune-fille).
Vous avez été capable de donner la priorité à l'amour quand votre maman est tombée malade et cet amour vous a ouvert bien des trésors ; il vous a notamment sauvée de l'amertume et le "pardon" n'a fait que vous enrichir.
Vous avez su éviter l'écueil de la destructivité même si, en voulant réparer quelque part votre maman, vous avez reproduit à un moment les signes de son mal car vous avez dû faire avec cet héritage (terrible) que sont les derniers mots de votre mère.
Vous avez eu accès à la sollicitude et c'est ainsi que vous avez fait votre propre oeuvre de réparation.
Maintenant, votre maman est morte, elle qui ne fut jamais bien vivante, il vous faut la laisser là où elle est et vous donner l'autorisation de vivre pour vous.
J'aimerais publier vos témoignages ; vous me l'aviez permis lors du premier message mais souhaitez vous qui figure une adresse et laquelle ?
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Agent de conseil


Merci une fois de plus pour votre réponse qui me touche !
Vous avez su démèler l'écheveau de ma vie en quelques courriers, vous m'avez beaucoup aidée à y voir plus clair.
Ma Maman est toujours dans mon coeur, je l'ai aimée d'un amour inconditionnel, je ne lui en ai jamais voulu, j'ai tellement partagé sa souffrance, elle a très souvent déversé le trop plein en me la confiant, c'est vrai que j'ai porté ce fardeau sur mes jeunes épaules, elle me racontait la mort de son frère à l'âge de 20 ans ; ce frère qui aurait du reprendre la ferme de ses parents, ce qui a tout chamboulé dans sa vie à elle, en plus de la douleur, elle a dû quitter son travail à la poste pour revenir travailler à la ferme. Je pense qu'elle n'a jamais accepté sa condition.
Je n'ai jamais entendu d'éclats de voix entre mes parents, mais je comprenais quand ma Maman n'allait pas bien, elle s'en allait dans les champs les plus éloignés, je partais à sa rencontre, je la retrouvais en larmes. J'ai été sa confidente ; elle me l'a bien rendu par la suite.
Je crois qu'elle a été fière de moi lorsque j'ai réussi ma vie de femme et surtout de Mère, à croire que tout le reste, elle l'avait occulté !
Est-ce pour toutes ces raisons que j'ai une sensibilité à fleur de peau ?
Je vais essayer de suivre vos conseils, me donner l'autorisation de vivre pour moi.
Avec toute ma reconnaissance

Vous pouvez publier mes témoignages avec cette adresse
soazigj@yahoo.com

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