Je
souhaite apporter mon témoignage dans le cadre des violences
conjugales, non pas en temps que femme subissant ces violences mais
en temps qu'enfant. J'ai vécu une vie de calvaire avec un homme
extrêmement violent qui était mon père J'ai assisté à des scènes
de violences nombreuses, soudaines dont mon père était l'auteur. Il
me laissait une maman "anéantie", fragile, sensible,
meurtrie par les coups, les humiliations, le chantage et les menaces.
Je voudrais insister sur les faits et surtout expliquer que, selon
moi, la violence psychologique est encore plus forte que la violence
des coups. En effet, maman se "remettait" difficilement
entre chaque comportement brutal, cachait les coups reçus, mettait
des lunettes, pleurait, ne dormait plus et au fil des semaines,
essayait d'oublier ce que nous avions vécues elle et moi puisque ces
violences m'étaient aussi destinées, moi son propre enfant. Il
surgissait dans notre vie très rapidement et repartait aussitôt
après avoir commis ses actes, comme des pulsions qu'ils
assouvissaient sur nous. Je me sentais coupable et impuissante à
intervenir pour aider ma maman. Puis, par la suite, il a arrêté les
coups et s'est concentré uniquement sur la violence psychologique :
humiliations, chantage, menaces en tous genres, y compris menaces de
mort envers maman si elle parlait. Il m'a "enlevé" de
force à ma maman en 1972 puis m'a confié à des gens à des
centaines de kilomètres pendant des années où il m'y a laissé,
dans un pays inconnu. J'ai vécu la-bas sans ma famille, sans mes
amis, j’avais seulement 6 ans et je n'étais pas une petite fille
comme les autres. Il m'avait forcé à me séparer de ma maman, avec
laquelle je vivais seule, afin de la faire taire d'un bien lourd
secret. Je suis donc devenue une "otage", sans le savoir.
Ce que je savais de la violence me suffisait emplement, mais ce que
je sus 40 ans plus tard en plaçant ma maman dans un centre
spécialisé car à la suite de cela, elle est devenue démente,
c'est qu'il lui avait aussi enlevé son enfant il y a bien longtemps,
un fait dont elle ne se relevera jamais. Les coups ne sont rien à
côté du cauchemar qu'elle a vécue : le vol de son enfant, mon
frère jumeau. Je ne le connais pas à l'heure ou je vous parle, il
ne sait rien des violences que nous avons subies toutes les deux, il
croit tout simplement que sa maman l'a lâchement abandonné mais n'a
aucune idée du contexte qui me pousse aujourd'hui à vous raconter
mon histoire, une histoire pas comme les autres, l'histoire d'une
petite fille à qui on a tout pris. Un homme violent, à lui tout
seul, m'a enlevé très progressivement ma mère et m'a aussi enlevé
mon frère jumeau parce qu’il l’avait décidé comme cela et
qu’il trouvait amusant d’avoir séparé ses jumeaux afin de
constater lui-même et seulement lui, comment ils évolueraient dans
la vie, chacun ayant eu un destin bien différent. Je dénonce des
faits anciens afin que les femmes victimes de violence conjugales
puissent réagir afin qu'il ne soit trop tard, qu'elles réagissent
pour leurs enfants et qu'elles sachent les protéger. Grâce aux
associations et aux personnes formées et spécialisées sur ce
thème, elles ne sont plus seules aujourd’hui, le sujet n'est plus
tabou, contrairement à ce que nous avons vécu, ma mère et moi où
ces violences nous ont carrément isolées du reste de la famille,
des amis, des voisins. Tout le monde s'est tu en fermant les yeux,
tout le monde savait et nous n’avons eu aucune aide extérieure.
J'ai le courage de parler, quarante ans après, ce que je n'ai jamais
fait jusqu'à présent, même mon entourage proche ni mes enfants
n'ont aucune idée des violences que j'ai pu subir, les violences
psychologiques encore bien plus fortes que les coups que j'ai pu
recevoir où les scènes auxquelles j’ai pu assister en tant
qu’enfant, regardant impuissante, mon père maltraité ma mère. Je
voudrais juste pouvoir aider les femmes pour qu'elles protègent
leurs enfants d'un tel traumatisme qui ne guérit jamais et dont les
souvenirs alimentent chaque nuit les cauchemars. Des années
d’insomnies, des années de silence où on ne sait pas mettre des
mots sur des faits, ou on essaie inlassablement d'oublier, ou on se
tait et on fait bonne mine, on survie tout simplement. Je
ne connais pas mon frère jumeau à cause d'un père violent qui en a
décidé ainsi. Mais ma détermination étant là, j'ai pu le
retrouver. Hélas, son attitude est négative envers moi et il ne
souhaite pas répondre ni à mon courrier ni à mon coup de
téléphone. C'est ainsi et il faut vivre avec chaque jour en gardant
l'espoir qu'il en soit autrement. Sachez protéger vos enfants contre
la violence, si minime soit-elle, c’est intolérable, elle sera
sans doute sans limite si vous laissez faire !
Laura
Bonjour,
Vous
avez tout dit.
Tout est juste.
Me permettez vous d'ajouter
votre adresse e-mail ou une autre, que vous fabriquerez, afin que
d'autres puissent vous contacter?
* http://www.sosfemmes.com/faq/email_anonyme.htm
Aujourd'hui
avez vous trouvé un certain réconfort, un soutien, parmi des
professionnels, des associations de proximité, votre
entourage?
Diriez vous que vous survivez ou que vous vous êtes
reconstruite?
Cordialement,
Chantal
POIGNANT
Agent
de conseil
bonjour,
en
réponse à votre mail, oui vous pouvez donner mon e-mail sans aucun
problème si quelqu'un souhaite réagir à ce thème ou me contacter
personnellement concernant votre question, je ne suis pas
"reconstruite", je suis encore en souffrance mais j'ai
écrit un livre et celui-ci m'a apaisé, et le fait d'en parler me
fait beaucoup de bien, surtout après 45 ans de silence..... ce livre
n'est pas encore publié, je ne trouve pas d'éditeur qui souhaite le
publier pour l'instant j'aide ponctuellement les étudiants en
demande pour faire leur thèse ou mémoire, sur le thème des
violences conjugales, vu par le regard de l'enfant, j'aime pouvoir
apporter mon témoignage, tout comme dans votre association
je
connais surtout l'association "paroles de femmes" puisque
j'y ai fait un stage professionnel et la vôtre de nom seulement, je
n'ai jamais oser appelé ni meme en parler, pourquoi aussi tard?
allez savoir, mieux vaut tard que jamais, il y a un élément
déclencheur évidemment qui me pousse à le faire, c'est de voir ma
maman si démente chaque jour déclinée peu à peu.....et ça, je ne
l'accepte pas je me suis tournée professionnellement vers les
violences conjugales mais du coté du droit, non de la psychologie ce
fut ma façon à moi d'aider les femmes en souffrance pendant des
années dans mon département
à
bientot
Laura
*
lauradesprez@gmail.com