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Je vis donc avec ces lourds secrets Avril 2012
Impensable ?
"J'ai 46 ans. Je suis divorcée depuis 3 ans. Je n'arrive pas pour autant à rompre le lien totalement avec mon ex mari, tout simplement parce que je suis tétanisée à l'idée de lui dire 'c'est fini' (bien qu'on n'ait plus aucune relation sexuelle, il continue à me voir régulièrement, il insiste pour ne pas rompre le lien lui aussi). J'ai peur de lui et de ce qu'il pourrait faire. Et je sais mieux maintenant pourquoi j'entretiens cette peur irrationnelle envers lui. Il y a une semaine, je me suis tout à coup rendue compte de ce que je faisais en continuant à entretenir cette relation, alors que je ne l'aime plus du tout. Je me suis réveillée un matin encore plus dépressive que d'habitude, sans raison apparente. Il faut dire que je suis en thérapie depuis 3 mois pour cette raison (dépression majeure, avec un traitement je travaille quand même). Et il y a quelque jours, je prends soudainement conscience de ma terreur insensée des hommes, enfin de ceux avec qui j'ai eu une relation amoureuse. Il se trouve qu'il y a 3 mois, j'ai commencé à m'ouvrir à ma thérapeute de deux incestes subis par moi, l'un entre 7 et 8 ans (qui consistait en des attouchements par... ma grand-mère maternelle ! qui ensuite me rejettait violemment en me traitant de 'petite vicieuse', femme complètement folle (heureusement décédée un peu avant que j'avais 9 ans, c'est elle qui me gardait en permanence quand ma mère travaillait, et elle vivait avec nous !), mais adulée par ma mère qui n'en a rien su et ne le saura jamais, ça la tuerait de chagrin), et j'en ai subi un autre vers 14 ans (par une relation du côté paternel cette fois-ci, chez qui j'allais souvent et que je trouvais 'géniale', un peu un modèle, qui a eu une relation complète avec moi, et qui m'y a incité en me disant "Tu ne crois pas qu'il y a des choses qu'on devrait faire une fois, puis ensuite ne plus en parler jamais à personne ?" et c'est effectivement ce que j'ai fait, je lui ai obéi, et j'ai toujours cru que cette personne m'aimait vraiment (et je me disais que j'avais de la chance !), même aujourd'hui j'ai encore parfois cette impression (de la folie !), qu'elle l'a vraiment fait par amour, et je ne sais plus où est le bien et le mal dans cette histoire, et si moi aussi je suis coupable ?) Et depuis plus de 30 ans, j'ai refoulé tout cela, comme si rien ne s'était passé (il faut dire que dans ma famille on croît plus facilement les adultes que les enfants qui sont toujours soupçonnés d'affabuler ou de ne pas être comme les adultes le souhaitent ; les adultes ont toujours oscillé dans cette famille entre amour débordant et rejet total voire moment d'abandon (si on leur déplaît, même pour une raison pas forcément valable ou grave, ça peut être une façon de penser ou de vivre différente de la leur... alors que des faits graves peuvent être ignorés... une famille un peu 'amorale' par moment. C'est-à-dire ce qui est mal pour eux, c'est ce qui leur attire des ennuis, ce qui renvoie une mauvaise image et une mauvaise réputation de la 'famille'. Si ce qui est fait ne retentit pas sur la famille, c'est pas vraiment une faute morale et la douleur des gens hors de la famille a l'air moins grave que la leur... donc il ne faut jamais rien dire sur 'la famille'. Entité suprême ! On peut par contre quand la violence intra familiale déborde, s'acharner sur une personne en interne jusqu'à l'isoler, mais ne jamais parler de ce qui ne va pas réellement au sein même de la famille, et qui doit remonter à x générations !. Bref, d'un côté comme de l'autre, je suis née et j'ai été 'élevée' (enfin si on veut) par ce que les spécialistes en psychologie appellent une famille 'dysfonctionnelle' (quel euphémisme !). J'expérimente dans ma chair et mon esprit ce qu'on appelle en psychanalyse 'le retour du refoulé'. J'ai refoulé ces horreurs (et je ne raconte que le pire, l'inceste, je passe sur les violences psychologiques. Je n'ai pas été battue physiquement, mais sans doute parce que je savais aussi esquiver en faisant semblant de faire ce qu'ils désiraient (très jeune, confusément, j'ai vu que j'avais à faire à des 'tarés congénitaux' et que je devais faire semblant d'être dans le moule, et malheureusement, la seule personne que je croyais valable à 14 ans, c'est celle qui m'a fait ce qu'elle m'a fait), donc j'ai su me faire toute petite, transparente, jusqu'à mon bac. Après le bac, j'ai fui mon milieu familial pour faire des études et en m'élevant socialement, leur échapper totalement. Pari réussi. Et j'ai cru pendant 30 ans que ce 'pansement de réussite sociale' et cette revanche sur la vie suffiraient à me redresser. Et plaf ! quelle erreur ! Je m'effondre aujourd'hui. Je suis totalement 'clivée', 'scindée en 2' : une réussite sociale irréprochable, enviable, parce que dans mon travail, 'je sors littéralement de moi-même', j'arrive à surmonter tous les obstacles... et il y a 'l'autre vie', celle où je ne m'appartiens pas, ma vie affective, c'est un désastre, une souffrance psychique de chaque instant, minute, seconde... mon esprit n'est jamais au repos, je dois sans cesse l'occuper pour éviter de sombrer... Mon espoir : qu'une maladie incurable m'emporte par exemple. Le suicide, non, car il y a dans ma famille seulement 5 personnes mais qui comptent pour moi plus que tout (cellule familiale de ma soeur) et je ne leur ferai jamais subir cette douleur. Je lutte chaque jour pour survivre et ne pas entrer dans la folie quand mes souvenirs reviennent. Je ne suis bien que seule (sauf ma soeur et ses enfants, les seules personnes que j'aime réellement et avec qui je suis bien, et j'ai peur de les fragiliser avec mon mal-être, alors là encore je dois cacher). Sinon, ma bouée de sauvetage : les livres, l'écriture, le dessin... Je fuis les hommes (ou femmes aussi) qui ont pour moi des sentiments autres qu'amicaux (je les détecte en quelques millisecondes, c'est comme un animal qui détecte qu'il va se faire attaquer, c'est le même sentiment, je vois très vite leur regard, je le sens sur moi, les moindres mouvements de leur corps, et je ne me trompe jamais sur ce qu'ils veulent), et je les hais de suite ! J'avais accepté l'amour physique avec mon mari (en simulant les 3/4 des fois) parce qu'il était inhibé comme moi sur ce plan, je me sentais moins mal à l'aise, et que le reste du temps on adorait tous les deux les livres et la vie de l'intellect plus que de la chair. Si Dieu existe, je le remercie vraiment d'une chose : je suis stérile, je n'aurai donc jamais d'enfants, et c'est tant mieux, que pourrai-je leur transmettre, sinon ma souffrance, comme me l'ont transmise mes propres géniteurs et des membres proches de leur famille... Je ne peux aimer aucun homme sincèrement, l'idée qu'ils me désirent me dégoûte, et je ne suis bien que dans la vie immatérielle de l'esprit. Pourquoi je viens vous raconter tout cela ? Dire la vérité à mes proches est impossible, ce serait encore plus désastreux (d'ailleurs je pense qu'on ne me croirait pas, et c'est moi qu'on accuserait, et on me demanderait 'pourquoi je ne l'ai pas dit avant'), je vis donc avec ces lourds secrets, comme emmurée dans mon corps, dans ma mémoire. Et j'ai peur des autres, de ma famille même (autre que ma soeur). Je ne vais presque plus voir la grand-mère qui me reste, mes oncles et tantes, mes cousins... ça me replonge trop dans le passé. J'aimerais être amnésique, et que seules mes fonctions cognitives pour mon travail fonctionnent. Si quelqu'un qui traverse la même chose que moi me lit, qu'il prenne conscience de ce qui lui arrive avant qu'il ne soit trop tard. Si vous pouvez même quitter les proches qui vous font ou ont fait cela, faîtes-le, avec l'aide d'associations et de personnes spécialisées, de la justice... Moi à 7-8 ans je ne pouvais pas, et à 14 ans, je ne comprenais plus si c'était mal, puisque j'avais déjà été traitée comme un objet sexuel toute petite, et ensuite j'avais tellement honte, et peur, et plein de questionnements pour être sûre que c'était mal... Nous étions aussi dans un milieu très isolé, la campagne, les gens ne parlent pas, ma famille est rustre sur les plans intellectuel et émotionnel. Mes échanges avec eux ne peuvent être que limitées. C'est pour cela que j'ai fait des études, par terreur de leur ressembler. Affectivement, hormis avec ma soeur et ses enfants, je suis glaciale avec tout le monde, seule façon de me protéger, et je déteste qu'on me touche (sauf si c'est pour raison médicale par exemple, parce que je suis sûre que pour la personne qui me touche, je ne suis 'rien' qu'une patiente, pas une vraie personne. En dehors du travail, je ne vis pas, je me regarde vivre et contrôle tous mes faits et gestes pour attirer le moins possible l'attention. Je compte sur ma thérapeute pour m'aider, je ne désespère pas, mais j'en ai pour des années encore."
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