Mon passé ressurgit
Mai 2012
Mon
passé ressurgit...
Pouvez-vous
me redonner s'il vous plaît l'adresse du site sur la traumatologie
de l'inceste ? En ce moment je prends des médicaments pour
endormir ma souffrance, j'espère ne pas devenir dépendante. Ma psy
m'écoute et m'aide mais j'ai l'impression qu'il lui est parfois
difficile d'entendre ma douleur. Maintenant je sens que je risque de
peser sur mon entourage. J'ai peur de transmettre ma peur. Je
voudrais bien participer à un groupe de parole, parce qu'autour de
moi je ne connais personne qui a vécu cela, et je sens que je fais
peur. Croyez-vous que cela m'aiderait ? ou que ce serait pire ? Rien
que pour voir que je suis pas un monstre. J'ai l'impression d'être
un monstre. J'ai du mal à m'attacher, sauf en amitié avec des
personnes qui ne parlent jamais de 'la chose' (je fuis comme la peste
les gens qui parlent sans cesse d'amour, de rencontres, de sexe, rien
que l'entendre me donne un sentiment de vertige physique, comme si
j'allais mévanouir). Je n'aimais pas mon ex mari en réalité, je le
'supportais', c'était plus un compagnon pour lutter contre la
terreur de la solitude profonde que j'éprouve, mais en fait ne pas
entendre parler par moment m'aide. Il a du le sentir, ça a du
contribuer à le rendre tendu (enfin ça n'excuse pas tout non plus
ce qu'il m'a fait lui aussi). Chaque jour qui passe j'ai envie
d'être morte, et en même temps je ne veux pas car j'imagine
l'immense tristesse et le désespoir de ma soeur et de ses enfants.
C'est trop lourd à porter au quotidien, et je voudrais que ça
s'arrête... J'espère pouvoir remonter la pente, car pour l'instant
je vis au jour le jour, avec l'aide de médicaments, et même
maintenant me déplacer et voyager est devenu dur. Je me sens à peu
près bien 'protégée' dans ma maison, avec des livres, et aller
travailler, tous les déplacements sont devenus parfois presque
insurmontables. J'aime être au lit et lire, et sinon dormir, dormir,
je ferai n'importe quoi pour dormir plusieurs jours d'affilée.
Savez-vous si c'est comme cela pour toutes les personnes qui ont subi
cela, ce que je ne comprends pas, il n'y a pas eu 'pénétration',
attouchements (enfin deuxième fois un peu plus accentuées), 'vrai
viol'... et comment cela peut me torturer comme cela ? Je sens aussi
que la détestation de mon physique vient de là (on m'a dit :
'dysmorphophobie'). Je n'arrive pas bien à voir à quoi je ressemble
(impression de ne ressembler à rien, pas de physique identifiable,
trouble de l'image), et en même temps aussi je me vois laide... Je
ne comprends plus trop mes états mentaux et émotionnels aussi, à
part quelque chose que je voudrais comme sortir, extirper de moi,
combien de temps durent ces états à la limite de la folie ?
Pourquoi cela me revient si tardivement et que jusque là j'ai
résisté à tout ça, et que je m'effondre maintenant ? Suite au
divorce ? Merci de votre intérêt. Si vous connaissez un groupe de
parole sur X, je n'arrive pas à bien décrire mes états mentaux et
émotionnels à ma psy, ou est-ce que quelqu'un dans mon cas pourrait
communiquer avec moi par mail (anonymement ?) via votre association.
Si vous avez des conseils, des contacts de groupes de discussion
voire des adresses de psy spécialisées dans ce type de traumatisme
(sur X), merci. Bien cordialement
Bonjour, Voici
l'adresse mais je vais vous en donner d'autres car, effectivement,
participer à un groupe de paroles serait approprié : *
http://www.crifip.com/ *
http://www.sos-inceste-pour-revivre.org/ *
http://www.vivresoleilrenaitre.fr/ *
http://www.sia-france.org/ *
http://memoiretraumatique.org/
Je
crois que vous êtes en train d'affronter le vrai drame de votre vie
: votre enfance et c'est possible, que vous connaissiez effectivement
ce risque d'effondrement que vous me décrivez, suite à la
déstabilisation de votre existence (divorce) ; comme une sorte de
tremblement de terre qui viendrait bouleverser les zones déjà
fragilisées mais qui jusque là "tenaient" ensemble,
parvenaient à coïncider. Maintenant, vous êtes obligée de
remettre de l'ordre dans votre vie et surtout, de regarder les
éléments épars afin de vous rassembler, vous, d'où la nécessité
de vous "reconnaître", de vous représenter avec tout ce
que vous avez vécu et pour cela, il vous faudra intégrer vos
souvenirs et vos émotions. Vous dites avoir du mal à faire
ressentir ces émotions à votre psy mais l'objectif est que vous
puissiez les aborder avec elle, les supporter avec elle et les
soutenir, afin qu'elles puissent être élaborées. Ce n'est pas
votre psy qui a du mal à entendre votre douleur mais vous-même qui
avez du mal à la dire. Cependant , il est probable que des
groupes de paroles vous aideront à l'exprimer, cette douleur qui
vous fait si peur.
Sur
X :
http://collectif-inceste.org/inceste-qui.php
Collectif Inceste. - Réseau
d'entraide -
Mais
n'abandonnez pas votre psy! Cordialement, Chantal POIGNANT
Merci
Mme Poignant. Vous êtes toujours très attentive. Je vais essayer
de contacter ce groupe. est-ce qu'en France les choses évoluent sur
le problème de l'inceste ? Les politiques prennent-ils en compte les
questions et connaissent-ils réellement l'ampleur du problème, et
l'inconscience de beaucoup de gens en la matière en France ? Je sais
qu'il y a tellement de problèmes économiques et sociaux graves avec
la crise depuis des années, mais observez-vous pour votre part, au
vu de la fonction que vous occupez, une meilleure sensibilisation des
citoyens ? Je suis née à la campagne 'profonde' vers le milieu des
années X, dans un village assez enclavé, et dans mon village, il y
avait une famille incestueuse (notoire), des enfants présentant un
retard intellectuel important, et tout le monde se taisait, mais tout
le monde 'savait' visiblement que certains des enfants de cette
famille étaient issus du viol d'une des filles de cette famille (par
son père, et/ou par ses frères) sans que personne ne s'en émeuve
véritablement. Tout le monde en parlait avec une froideur
effroyable, et trouvait que le père était malgré tout un 'brave
type' ! Ma grand-mère maternelle qui a pratiqué sur moi des
attouchements sexuels quand j'étais enfant venait de ce village
d'ailleurs. Les gens étaient à la fois des 'grenouilles de
bénitier', des bigots-bigotes à moitié débiles, et très vicieux
sur le plan sexuel (un peu comme ce qu'on a découvert au sein de
l'église catholique s'agissant des prêtres qui violaient les
orphelins dont ils avaient la charge). Une horreur ! Il m'en est
d'ailleurs resté maintenant un dégoût pour la campagne profonde et
une peur bleue des ruraux profonds. Et oui, pas beau comme
portrait de la France, mais cela existe. Ceci dit, j'ai lu tellement
de choses sur le sujet, et sur les sites spécialisés, que je sais
désormais que l'inceste ne connaît pas de frontières de classe,
d'ethnie, de nationalités, de genre... Et que des gens très
intelligents, bourgeois, éduqués peuvent aussi faire subir les
mêmes atrocités à leurs enfants ou à des enfants qu'ils ont en
charge. Mais j'ai le sentiment qu'il y a une certaine 'tolérance'
ou 'lâcheté' à cet égard quelles que soient les époques et la
dominante idéologique de la période, et qui à chaque fois, en
définitive, reconnaît peu de droit à l'enfant. Dans les périodes
très conservatrices avec une composante religieuse forte, c'est
l'hypocrisie qui domine et la culture du 'on cache le pire' (un peu
comme ce que je décris de mon village d'origine), et où les enfants
doivent être totalement soumis aux adultes. Mais certaines périodes
très progressistes où on a placé le sexe au centre de tout, on
minimise aussi cela (l'autre personne de ma famille paternelle par
exemple qui m'a fait ce qu'elle m'a fait à 14 ans, trouvait cela
'normal' dans la mouvance 'soixante-huitarde', le sexe, m'avait-elle
dit, aurait du être une activité comme 'boire ou manger', et qu'on
ne devrait pas en faire toute une histoire... et cette fois-ci elle
incriminait la religion comme source de tous les maux à ce sujet...
qui ne nous laissait pas faire ce qu'on voulait, et elle me traitait
comme si j'avais le même âge qu'elle) Enfin comment comprendre
cette perversité et cette violence sans nom ? Je pense que nous,
survivants de l'inceste, nous sentirions mieux si ces pervers se
sentaient un peu plus 'montrés du doigt' par la société. Je
n'appelle pas à la vengeance populaire, je suis contre cela (c'est
barbare aussi). Mais comment pourrais-je dire, je crois à l'action
sur les normes sociales, ça marche assez bien, et si par exemple on
en entendait parler un peu plus souvent de ce phénomène dans les
médias, mais pas pour faire du sensationnalisme, avec des émissions
radiophoniques et télévisuelles sérieuses ,avec des vrais
spécialistes, des chiffres 'exacts' pour qu'on ne sombre pas non
plus dans la parano, des explications psychologiques, psychosociales,
sociologiques... cela aurait une influence progressivement. Il y a
des gens qui croient que cela n'a pas d'incidence sur la vie adulte
et qu'on 'oublie', et ne croient pas au traumatisme que cela
provoque... c'est ça la réalité. Une fois un proche à qui je
parlais de cela (j'étais prête à me confier, heureusement que je
ne l'ai pas fait !) m'a répondu : "oui mais c'est quand même
pas comme les enfants battus, ça c'est pire. Enfin aussi ça dépend,
si c'est fait avec violence, pénétration, et que ça blesse
l'enfant... mais des 'touche pipi', c'est pas si grave', et j'ai
demandé : "même si c'est un parent ou un membre de la famille
proche adulte sur un enfant, je parle pas entre gamins d'une même
famille et du même âge ?" et cette personne m'a répondu en
souriant : "bon des problèmes avec des adultes un peu 'olé
olé' c'est arrivé à tous les enfants, mais après on s'en remet,
on va pas tous passer son temps à parler de nos souffrances de
l'enfance"... Pour cette personne ce n'est pas pire qu'une
grosse gifle (même cela c'est assez bizarre comme vision du rapport
à l'enfant, on ne se maîtrise parfois pas bien, donc la grosse
gifle... et si on est 'un peu excité', pourquoi pas une main
baladeuse ?)... Voilà ce que pensent encore des gens en France fin
20ème s. - début du 21ème siècle... et qui pourtant sont passés
par l'école républicaine, sont insérés socialement... il y a
plein de gens incultes et inconscients sur le sujet, voire odieux, ça
les fait rire parfois. Bon peut-être ma souffrance me fait
exagérer, et que c'est ma famille qui est 'tarée'. Peut-être que
c'est un phénomène tellement difficile à 'identifier' : tous
milieux, tous âges, tous sexes... qu'on n'arrive difficilement à
l'enrayer (imprévisible ?) Qu'en pensez-vous ? Bien
cordialement
Bonjour, Souvent,
un enfant victime d'inceste l'est dés ses jeunes années et bien
qu'il ressente l'anormalité de la situation, il peut difficilement
la formuler d'autant plus qu'il est victime d'une personne ayant
autorité sur lui. Alors, sous emprise, il subit en silence et ce
n'est que de nombreuses années plus tard, qu'il peut parfois
dévoiler son calvaire ; d'autres victimes ne pourront jamais le
faire... Il existe effectivement des familles dont on suspecte
plus ou moins les transactions incestueuses mais il est difficile de
faire parler les victimes et, tant que les victimes ne dénoncent pas
leurs agresseurs, la justice ne peut s'appliquer ; toutefois, je
suppose que les services sociaux sont néanmoins attentifs à ce
genre de famille ; du moins, je l'espère, en sachant pertinemment
que de nombreux cas "obscurs" ne sont pas suffisamment pris
en charge. Cependant, il ne faut pas jeter la pierre aux services
sociaux, qui eux-mêmes sont limités dans leurs actions par un
certain nombre de contraintes fixées ...par la loi. Les choses
évoluent et de nombreuses associations travaillent sur la
problématique de l'inceste. Une problématique difficile à
mettre en lumière, puisque noyée dans le fonctionnement interne de
la famille, où l'agresseur s'assure du silence de la victime en
jouant de son autorité avec bien souvent des menaces à l'appui. Et
puis, les victimes ont honte, terriblement honte allant jusqu'à nier
leurs souffrances. Cordialement, Chantal POIGNANT
Bonjour
Mme Poignant, Vous avez raison, ce ne sont surtout pas les
services sociaux que j'incriminerais. Ils font un travail remarquable
et je viens de le constater concernant 2 enfants de ma 'famille' qui
viennent d'être placés (enfin l'un bientôt, de X ans, et une
petite fille de X ans, pour d'autres raisons, négligence (et le
grand pour maltraitance physique et psychologique de sa mère
(addiction haschich + autres produits ? Je ne la vois plus, j'ai
essayé de l'aider, trop dangereux pour moi et mes proches, ma soeur
et ses enfants). Mais vous avez parfaitement raison, nous avons
honte (moi encore aujourd'hui un peu plus de 30 ans plus tard). Ces
personnes et parfois ces familles sont tellement 'toxiques' et savent
tellement bien se préserver que c'est nous qui nous
taisons. Cordialement
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