J'ignore où je vais
Janvier 2013
Bonjour,
En
lisant les témoignages de votre site, j'ai eu envie de vous écrire
pour vous raconter mon histoire.
Voilà,
j'ai 18ans, bientôt 19 et j'ai l'impression déjà de n'avoir que
des années noires derrière moi mais surtout devant moi; j'ignore où
je vais.
Je
suis certaine que d'une chose: d'où je viens.
Des
parents alcooliques, des coups, sans cesse des cris, des
attouchements de la part de mon frère ainé, des fréquentations que
je reconnais sordides, la fuite de chez mes parents mais la rue
ensuite et pour finir, la rencontre avec mon petit ami qui se révèle
de jour en jour de plus en plus instable avec en toile de fond la
drogue.
Je
voudrais partir mais pour aller où? Pour faire quoi?
J'ai
l'impression que je ne m'en sortirais jamais, que ma vie est une
enveloppe de douleur.
Seuls,
les moments où je fume avec mon copain me paraissent un peu plus
légers mais quand je me «réveille», j'ai envie de me transpercer,
de me taillader et parfois, je me coupe rien que pour regarder mon
sang couler; j'ai l'impression de devenir folle, j'ai souvent envie
de mourir mais j'ai peur, peur de tout; s'il vous plait, aidez moi.
Marysa
Marysa,
Vous
avez fait un grand pas en écrivant ce message qui met clairement en
évidence, le lien entre votre monde intérieur chaotique et un monde
extérieur pas toujours compréhensif et aussi, votre intense volonté
de vous «retrouver» ou de vous «trouver» car en fuyant un
environnement familial précaire, vous avez tenté d'exister par
vous-même sans avoir suffisamment de bases solides pour affronter
une réalité sociale difficile.
Et
parfois, vous avez le sentiment de vous être perdue, «aidée» en
cela par le «mirage» de la drogue, laquelle contribue à effacer
les limites et fait semblant d'atténuer les souffrances qui
bouillonnent en vous.
Vous
êtes tellement peu dupe du «pouvoir bienfaisant» de la drogue que,
quand vous vous «réveillez», vous avez envie de vous
«transpercer»: ce besoin de vous faire du mal est une «parade à
la paralysie de la pensée» (selon les termes de David Le BRETON,
sociologue) qui vise paradoxalement à «s'assurer de soi», à
rompre avec une représentation intolérable , à «hurler» contre
un sentiment d'impuissance insupportable.
Parce
que vous avez l'impression que tout est en suspens, vous avez parfois
un sentiment d'irréalité et votre sang qui coule est une manière
détournée de vous ramener à la réalité.
Non,
vous n'êtes pas folle; vous êtes en souffrance et vous ne voulez
pas tomber au fond du gouffre.
J'entends
votre message comme une volonté de vous débattre, un appel à
vivre, une demande d'aide pour construire, «restaurer», consolider
votre identité.
Un
parcours s'ouvre devant vous, certes difficile, peut-être laborieux
puisque vous allez devoir comme élaborer une nouvelle identité mais
votre prise de conscience traduit votre volonté de résister aux
épreuves de la vie.
Pourriez
vous m'indiquer votre département afin que je vous oriente vers des
associations de proximité capables de vous accompagner dans votre
cheminement?
Je
reste à votre écoute et à votre disposition.
Dans
l'attente,
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Agent de conseil
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