Je me suis fait violée pendant mon enfance
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en pied de message Mars 2013
Bonjour
à vous qui me lisez,
Pour écrire ce message j'ai créé une adresse mail dédiée anonyme j'autorise donc et
souhaite la publication de l'adresse mail si toutefois vous pensez publier mon message
sur le site.
Ma démarche n'est pas particulièrement la publication sur le site plutôt un besoin
d'échange, une volonté de regard avisé sur ma situation notamment par votre conseil
Chantal Poignant qui prendra sans doute connaissance de ce mail si elle est toujours
impliquée dans l'association.
Je me suis fait violée pendant mon enfance ce dans un contexte incestueux : les crimes
étaient perpétrés par mon grand-père par alliance (il s'agissait du beau père de ma mère,
l'homme qui l'avait élevée).
J'ai d'abord brisé le silence avec des proches ce même étant enfant puis avec des adultes
j'ai même été suivie par un centre médico-psychologique pour mineur lorsque j'étais au
lycée puis j'ai dévoilé les faits à ma famille ; cela s'est fait en deux temps : la
première fois j'ai parlé à mon père et j'ai découvert que ma mère avait été victime du
même homme cela m'a renvoyé au silence parce qu'il m'était impossible de briser dès lors
le silence avec ma mère ce qui s'est fait quelques années après...
J'ai tenté deux confrontations privées avec mon violeur les deux se sont soldées par un
échec, j'ai passé des années en essayant de fuir ce passé et m'éloigner affectivement et
géographiquement et j'ai fini par vouloir agir devant la justice parce que j'avais besoin
d'une nouvelle confrontation, je voulais clarifier la situation...
J'ai donc déposé une plainte ce qui avait permis l'ouverture d'une instruction judiciaire
au pénal, après plus de 5 ans de procédures alors qu'une décision allait être rendue le
mis en examen est mort ce qui a conduit à un non lieu signifié par le Juge d'instruction
qui était en charge du dossier. L'affaire a suivi son cours au civil les conclusions du
Juge d'instruction allait dans mon sens pour permettre cette dernière démarche : la CIVI
a été saisie et j'attends aujourd'hui les conclusions d'une expertise psychiatrique qui
s'est déroulé lundi dernier et qui devrait permettre de clôturer mes démarches
judiciaires.
Je n'ai jamais regretté d'avoir entamé ce combat juridique, je n'ai qu'un seul regret ne
pas avoir su déposer plainte plus tôt...
J'ai échoué dans mon objectif initial : la confrontation judiciaire avec mon violeur n'a
jamais pu avoir lieu ce malgré plus de 6 ans de procédure...
Une première convocation du Parquet pour une confrontation s'est transformée en audition
de partie civile puisque j'étais seule, la deuxième a également été annulée des motifs
médicaux étant alors invoqués par le mis en examen.
J'attends la conclusion d'une démarche où rien ne s'est déroulé comme j'avais pu
l'imaginer : je pensais que l'auteur nierait toutes les accusations en bloc mais comme
beaucoup de pédophiles et il a reconnu les faits prescrits, ce en inversant les rôles
j'étais à l'origine des caresses et attouchements sexuels selon ses dires, pourtant il
n'aura jamais été puni jamais incarcéré pas même pour 24 heures de garde à vue.
Les expertises menées ont démontré la cohérence de mes propos ainsi que le caractère
pervers de ce grand père violeur, les témoignages y compris des témoignages d'amis de mon
enfance ont pu renforcer ma crédibilité mais pourtant...
Et pourtant tout ce solde par ce non lieu de fait inévitable et il ne reste que la grille
des prises en charge des victimes qui sera sans nul doute une extrême déception puisque
je ne rentre pas dans les "bonnes cases"...
Je suis relativement autonome puisque je bosse et me suis construit une situation
professionnelle stable (CDI) je ne me suis pas fait hospitalisée en service psychiatrique
ou n'est pas suivi de traitement antidépresseur lourd bien que j'ai été suivie longtemps
et consulte encore à nouveau un psychiatre aujourd'hui : bref je peux m'attendre à 5.000€
supplémentaire de dommages intérêts pour solder mon dossier ce qui correspond au montant
qui m'a été versé initialement à titre de provision et enfin il va falloir que j'accepte
cette insulte parce que malheureusement je le perçois déjà comme une insulte et une forme
d'abandon ce qui doit et c'est très triste être le cas de beaucoup de victimes.
J'aimerai être agréablement surprise dans les mois à venir, mais il me faut être réaliste
et essayer de commencer à accepter ce dernier échec.
J'essaye de prendre les bonnes décisions, et de m'investir pour trouver les solutions
adaptées à une démarche thérapeutique globale... J'ai recommencé à voir un psychiatre
parce que je savais que je n'avais pas d'autre choix si je ne voulais pas me laisser
achever par la phase finale de la procédure, c'était indispensable, c'est indispensable
pourtant je ressens un manque, des sentiments de vide et de solitude qui dépassent
l'entendement m'habitent et m'envahissent.
Je continue à travailler à temps plein cette semaine j'ai simplement été absente lundi
jour de l'expertise et me suis rendue à mon travail de mardi à hier vendredi, je me sens
broyée pas seulement psychiquement mais aussi physiquement...
Lundi en fin d'après midi j'ai vu ma psychiatre pour essayer d'évacuer un peu en
verbalisant la colère et les sentiments et angoisses réveillés par l'expertise...
Mardi j'ai vu ma kinésithérapeute qui est biokinergiste ça m'a permis de retrouver un peu
de souffle parce je ne parvenais plus à respirer correctement je n'étais sans doute qu'à
la moitié de ma capacité pulmonaire en raison de la tension musculaire accumulée
notamment au niveau du diaphragme de la gorge et des trapèzes cette approche
thérapeutique est impressionnante en travaillant sur une artère on peut atténuer beaucoup
de douleurs et rééquilibrer le corps : je viens d'ailleurs de finir la semaine avec un
torticolis du côté droit le côté de l'artère brachiale qui va au cerveau tient tient...
Mercredi j'au vu mon orthophoniste qui m'a fait comprendre ce qu'était qu'une aphonie
psychologique et a essayé de réadapter mes exercices de rééducation qui restent
irréalisables si je ne parviens pas à me détendre...
Je fais tout ce que je peux pour faire face et je n'y parviens pas : non je ne fais pas
face, j'ai besoin je pense d'un suivi psychiatrique différent ce que je souhaiterai comme
approche devrait faire le lien entre le corps et l'esprit parce qu'à présent c'est ce qui
me manque. Oui je pourrai essayer le yoga et la sophrologie par exemple en approche
complémentaire mais d'une part c'est un investissement financier et d'autre part je pense
qu'il me faut encore ce soutien d'un Médecin psychiatre dont la compétence sera plus
approfondie, je cherche à rentrer dans une démarche de psychothérapie cognitive et
comportementale et la plupart des psychiatres ne s'orientent pas dans ces approches là
sans doute parce qu'ils ne pensent pas que cela traite l'origine du problème en même
temps est ce que l'analyse m'aide à aller mieux au quotidien : je ne crois plus.
J'en conviens mais je n'ai pas l'argent pour voir des psychothérapeutes qui ne permettent
pas de bénéficier d'une prise en charge financière et du coup je me sens désemparée j'ai
envie de sentir que les séances suivent une méthode et laisse entrevoir un objectif...
C'est compliqué, c'est sans doute délicat pour vous qui me lisez de prendre connaissance
de cette saturation et de me voir déverser cette frustration mais échanger par le net
ou appelant des associations comme sos femmes m'a beaucoup aidé auparavant et là j'ai
encore besoin d'aide ou de conseils... Si mon message est publié je suis navrée pour sa
longueur et sachez que je ne pense pas être disponible pour répondre sereinement à des
témoignages d'autres victimes : je suis déjà submergée...
Je suis épuisée, je ne parviens pas à lâcher prise et m'effondrer en larmes pourtant là
je crois que c'est la seule chose qui pourrait m’apaiser.
Je rêve d'un film où une victime de viol est prise en charge de manière efficace à la
fois médicalement juridiquement socialement et psychologiquement, un film fort et tendre
où je pourrai m'identifier sincèrement à la victime que je n'ai jamais été : une victime
secourue.
La vie est la plus salope que je connaisse et je ne peux pas m'empêcher de l'aimer :
prenez soin de vous parce qu'il y a de la vie en vous.
Merci pour vos éventuelles réponses.
Laura Chaplin
Bonjour,
Je vous remercie pour votre témoignage précis, que j'ai
d'ailleurs envoyé tout de suite à la publication, tant il est riche
d'enseignements. Vous soulignez bien que les procédures
judiciaires (pénale et civile en réparation) ne peuvent jouer
pleinement leur rôle d'apaisement "personnel et social"
qu'à condition, selon les mots du docteur en psychologie Carole
Damiani ", de ne pas leur demander ce qu'elles ne peuvent
apporter et de ne pas entretenir l'espoir d'une totale réparation".
Même si votre agresseur a reconnu ses agissements à votre
encontre, même si la justice était prête à vous suivre dans votre
démarche, même si le procès avait eu lieu, il est probable qu'il
aurait fallu encore du temps pour vous réconcilier avec le "genre
humain" et avec vous-même. Vous allez devoir passer par une
phase de réorganisation de votre monde intérieur puisque, par
rapport au monde extérieur (la réalité judiciaire), vous arrivez
au bout des démarches possibles. Reste encore à "digérer"
ce que vous ressentez comme une insulte et que vous appréhendez
comme une forme d'abandon. La fin de la réalité judiciaire et
juridique signifie, en effet, que vous allez devoir ensuite gérer
votre réalité psychique, interne, et que votre histoire redevient
personnelle, vous laissant en proie à vos intimes représentations
puisque la scène judiciaire à baissé son rideau.
Un
autre espace s'ouvre : celui de votre reconstruction et vous en avez
la volonté. Vous évoquez une approche cognitive et
comportementale. Elle pourrait correspondre à "la thérapie
d'acceptation et d'engagement" dont je vous parlerai plus
longuement par la suite. L'EMDR, thérapie de désensibilisation,
par les mouvements oculaires et le retraitement de l'information est
une autre orientation. Il existe aussi des approches
énergétiques. Mais je vous en prie, demandez conseil au médecin
psychiatre. Cordialement,
Chantal POIGNANT Agent de conseil
Bonjour,
Merci pour votre retour, j'ai compris que mon témoignage sera prochainement en ligne tant
mieux s'il s'avère utile...
Oui vos mots sont justes il me faut accepter... apprendre à vivre avec en acceptant j'en
ai conscience mais c'est compliqué. Je ne vois pas le médecin psychiatre qui me suit
cette semaine, j'essayerai d'aborder avec elle mon ressenti d'un besoin de modification
de mon comportement j'aimerai une approche concrète où je cerne des objectifs
progressifs. L'EMDR m'effraye et n'est pas du tout dans ma démarche actuelle, une
approche énergétique oui cela me semblerait plus naturel et j'ai besoin de trouver un
sens à ce travail thérapeutique.
Sincèrement,
Laura Chaplin
Bonjour,
Voilà,
je voulais vous soumettre les principes fondamentaux de "la
thérapie d'acceptation et d'engagement "dite ACT : -
Reconnaître qu'essayer d'échapper à la douleur émotionnelle ne
fonctionne pas. L'ACT vise à aider la personne à entrer en
contact avec l'expérience négative dans toutes ses dimensions
(sensations physiques, émotions, pensées et images). -Le
contrôle est le problème. Les tentatives pour éviter la
souffrance émotionnelle sont contre productives. -La "défusion"
cognitive. Aider la personne à voir les pensées pour ce
qu'elles sont réellement de manière à pouvoir y réagir en
fonction de leur fonctionnalité plutôt qu'en fonction de leur
signification littérale. -Arrêter la lutte inutile et
développer la compétence d'acceptation. Il s'agit de se rendre
compte si les stratégies, mises en place jusque là par la personne,
ont permis une diminution de la souffrance... -L'engagement dans
l'action. L'EMDR ne semble pas vous convenir. Voici donc des
renseignements en rapport aux approches "énergétiques" :
Il s'agit d'un ensemble de techniques qui agissent sur
l'équilibre "corps-esprit". -La thérapie du champ
mental est basée sur des concepts de médecine chinoise (les
émotions négatives causent un blocage d'énergie qu'il faut donc
dégager). -La technique de libération émotionnelle.
L'apparition des émotions négatives est liée à une
perturbation du système énergétique. Le praticien agit sur les
endroits du corps qui auraient enregistré les événements
traumatiques. Ces indications doivent tout à Noël SCHEPERS,
psychologue à l'Unité de Médecine Comportementale de l'hôpital
VAN GOGH, à Marchienne au pont, en Belgique. Il les a
développées lors d'une journée d'étude autour du thème de "La
victime" organisée par l'Association des psychologues de
Haute-Marne, le 5 novembre 2011. A savoir : cette journée
d'étude a été relayée par un document écrit. Vous êtes dans
une démarche positive puisque vous n'êtes pas dans l'attitude d'une
personne qui subirait le fait de vivre. Vous voulez pouvoir dire
"oui" aux situations sources de satisfaction et "non"
aux sensations envahissantes et paralysantes. "Vivre est un
acte créateur". Cordialement, Chantal POIGNANT
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