Du 10 au 12 février 2014, la Cour
d’assises d’Aix en Provence jugera R.S. pour les atrocités qu’il
a infligées à Colette, son ex-épouse. Saisie de tortures et
d’actes de barbarie, la Cour d’assises devra aussi le juger pour
viols.
Le 12 juillet 2002, dans un sursaut de survie,
Colette parvient à s’échapper de l’emprise de son mari et prend
définitivement la fuite. Elle met ainsi fin à 32 ans de violences
d’une cruauté insoutenable.
R.S. a commis à son encontre
des violences physiques extrêmes : des coups répétés à la gorge
entraînant la paralysie d’une corde vocale, la disparition quasi
complète de sa lèvre buccale inférieure ainsi qu’une édentition
quasi complète, une déformation du nez et des oreilles, un hématome
sous-dural au crâne, de multiples fractures, la calcification du
muscle d’un bras, qui a dû faire l’objet d’une ablation, la
perte de l’usage de son œil gauche suite à une gifle.
Cet
homme l’a définitivement privée de l’usage normal de ses cinq
sens.
Celui qui était alors son mari s’est aussi acharné
sur son sexe : il a tenté d’exciser son clitoris, aboutissant à
l’arrachement avec les dents de sa petite lèvre génitale droite,
il a percé à vif ses lèvres génitales pour les fermer avec un
trombone, puis les a cousues avec une aiguille, il lui a infligé des
coups de bâton et 44 coups de pieds consécutifs, y a versé de
l’alcool à brûler pour ensuite l’enflammer. Il faisait suivre
tous les sévices au niveau du sexe de viols(1).
R.S. n’a pu
perpétrer ces violences physiques et sexuelles sur une si longue
durée que parce qu’il exerçait un véritable terrorisme
quotidien. Peu de temps après leur union, R.S. contrôle tous les
actes de la vie de Colette : il chronomètre tous ses déplacements,
contrôle ses dépenses au centime près, choisit le travail qu’elle
exerce, capte tous ses salaires, la prive de toute interaction
sociale, décide de l’éducation de leurs deux filles, lui interdit
de revoir sa famille, mais aussi de regarder la télévision,
d’écouter la radio, de téléphoner, d’acheter des timbres. Il a
peu à peu colonisé tout son être, l’a totalement assujettie et
dépossédée de son libre arbitre. Il « habite » littéralement
son esprit.
Depuis sa fuite en 2002, Colette a affronté 12
ans de procédures judiciaires :
- En 2005, elle a obtenu le
divorce pour faute aux torts exclusifs de R.S.
- En 2009, elle a
porté plainte contre son ex-mari pour tortures et actes de barbarie
ayant entraîne des infirmités et des mutilations permanentes.
-
En 2013, la CIVI(2), préalablement saisie par Colette, lui accorde
avant même la décision à venir de la Cour d’assises, la
quasi-totalité de ses demandes indemnitaires. Elle fait y compris
droit à sa demande d’indemnisation des préjudices découlant de
violences pénalement prescrites(3).
- En 2013 toujours, la Cour
d’appel de Montpellier statuant sur la liquidation du régime
matrimonial des ex-époux, fait (très) partiellement droit aux
demandes de Colette. R.S. ne lui a toujours pas réglé ce qu’il
lui doit.
Le procès de la Cour d’assises est exceptionnel à
tous points de vue. Il est en effet extrêmement rare que des femmes
victimes de telles violences y survivent et soient encore
physiquement et/ou psychiquement capables d’en témoigner dans un
procès.
Les enjeux du procès
La
reconnaissance des viols dont Colette a été victime
L’arrêt
de mise en accusation devant la Cour d’assises vise précisément
des « relations sexuelles imposées », retenues au titre des
tortures et actes de barbarie, et non comme des crimes de viol
distincts, alors même que l’intention sexuelle de R.S. ne faisait
aucun doute. Ce choix s’inscrit dans la longue histoire judiciaire
de l’invisibilisation et de la négation des viols commis à
l’encontre des femmes(4), notamment dans un cadre « conjugal »,
en dépit de quelques exceptions.
L’effacement des viols
dans cette procédure n’est en outre pas anodin quant à la peine.
Le législateur a en effet expressément prévu que le crime de viol,
lorsqu’il est précédé de tortures ou d’actes de barbarie, est
puni de la réclusion criminelle à perpétuité(5).
La Cour
d’assises, qui n’est pas tenue par la qualification retenue dans
la décision de mise en accusation, a le pouvoir, et le devoir, de
restituer aux pénétrations sexuelles forcées leur qualification de
viols.
La requalification en tortures et actes de barbarie
des coups de bâton dans le sexe
L’ensemble des
violences physiques et sexuelles citées avaient été qualifié de
tortures et actes de barbarie par la juge d’instruction. La chambre
de l’instruction, saisie sur appel de R.S., avait quant à elle
décidé de requalifier certaines de ces violences :
- En
violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une
infirmité permanente commises par un conjoint, relevant de la Cour
d’assises et donc non prescrites(6).
- En violences volontaires
ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours, commises par un
conjoint, qualifiées de délit et donc prescrites(7). Au rang de ces
violences figurent les coups de bâton sur le sexe infligés par R.S.
à Colette.
Colette, assistée par Me Laurent Epailly,
demandera donc à la Cour :
- que les coups de bâton sur le
sexe soient qualifiés de tortures et donc jugés ;
- que les
viols soient jugés en tant que tels.
L’identification de
la responsabilité des tiers, au premier rang desquels le corps
médical
Le procès devra en effet permettre de mettre en
lumière la responsabilité de tous ceux et celles qui voyaient ou ne
pouvaient pas ne pas savoir et qui, par indifférence, mépris,
lâcheté, déni voire protection d'un criminel n'ont rien dit et ont
permis la perpétuation de ces violences.
La responsabilité
la plus manifeste est celle de tous les médecins qui ont pendant des
années pris en charge, réparé, ressoudé, opéré, radiographié
Colette, sans jamais poser plus de questions à une femme qui
soutenait être tombée dans la baignoire, avoir eu un accident
invraisemblable, avoir été attaquée par des inconnus dans la rue,
s'être cognée toute seule, sans jamais prendre la peine de
l'ausculter, la soigner, l'interroger en dehors de la présence de
son mari, présent même lorsque les visites étaient
interdites.
Colette, âgée de 70 ans aujourd'hui, est une
rescapée des atrocités commises par son ex-mari pendant 32
ans.
Depuis deux ans, nous la soutenons et préparons le
procès avec elle. Son courage, sa gentillesse, sa détermination, sa
prévenance vis-à-vis de ses interlocutrices dans le récit des
tortures endurées, sa solidarité envers les autres femmes victimes
de violences sans considération de gravité, son inaltérable
souffle de vie n'ont cessé de nous impressionner.
Nous serons
à ses côtés à la Cour d'assises.
Voir aussi : Lettre
à C. Taubira, ministre de la justice, quelle sécurité pour Mme R ?
27 septembre 2013.
Contacts :
Laure Ignace - 06 12 65 87
68 ou Marilyn Baldeck - 06 09 42 80 21
Notes
1. Les
violences énumérées sont celles retenues dans le dossier
d’instruction. Elles ne sont pas exhaustives.
2. Commission
d’Indemnisation des Victimes d’Infractions
3. Au visa de
l’article 706-5 du code de procédure pénale.
4. D’autres
moyens y concourent : le non prise en compte par la loi de l’absence
de consentement, la correctionnalisation des viols, les délais de
prescription...
5. Article 222-26 du Code pénal. Si les viols ne
sont pas distinctement retenus, R.S risque 30 ans de réclusion
criminelle.
6. Prescription de 10 ans
7. Prescription de 3 ans
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