Amoureuse, elle se rend compte que c'est un prédateur sexuel
Septembre 2014
Bonsoir,
Je me permets de vous écrire afin de
m'éclairer davantage sur la situation que j'ai vécu. En effet, je
me sens complètement perdue par rapport à ma situation depuis
près d'un an. Il y a bientôt deux ans, un homme m'a
abordé dans la rue. Il parlait anglais et se présentait de manière
très chaleureuse. J'étais jeune, je sortais d'une déception
amoureuse qui ne s'était pas concrétisée, j'ai tout de suite été
séduite. Nous avons passés la soirée ensemble, il est ensuite venu
chez moi. J'étais vierge à l'époque. En entrant, il s'est tout
naturellement déshabillé et m'a invité à le rejoindre sous la
douche. J'étais à la fois surprise par cette rapidité et
totalement inconsciente des risques. Puis j'ai fait l'amour avec lui
pour la première fois. Il m'a pénétré cinq fois au total. J'avais
très mal, mais il ne m'a pas forcé. J'étais d'une passivité que
je regrette amèrement aujourd'hui. Il n'avait aucune ressources et
était sans papiers d'origine africaine. Il m'assurait qu'il était
suivi par un avocat, il m'avait montré des documents attestant cela
(avec le recul, ce devait être ni plus ni moins de la
falsification). Le temps passait, il s'immisçait
imperceptiblement dans mon univers. Je vis seule dans un studio. Au
bout de trois jours, il s 'installait chez moi. Je ne peux décrire l'emprise qu'il
avait sur moi, à la fois tendre, gentil et d'une fermeté
incroyable. Assorti à cela, un passé très difficile qu'il m'a
raconté (abus dans son enfance par son oncle). Le premier mois de
notre histoire, j'ai vécu un rythme sexuel effréné: plusieurs fois
par jour, des rapports très très longs (il pouvait tenir deux
heures) et une sorte de vigueur qui me faisait à la fois mal et
plaisir. Impossible à décrire. Mais il m'avait rendue complètement
"accro" à lui, notamment avec ces rapports. Puis, il a
commencé à être moins demandeur. Il invoquait des raisons
religieuses (il était chrétien évangélique) afin de ne plus me
toucher. Nos rapports se limitaient alors à une fois par semaine le
mois qui a suivi. Je ressentais un manque évident, si je lui en
faisait part, il se mettait dans une colère noire, spectaculaire,
qui me faisait fondre en larmes, puis je m'excusais. A la suite d'une
de ces disputes, il ne m'a pas touché pendant presque un mois.
J'avais perdue ma joie de vivre, je vivais en redoutant une
dispute où il me menaçait de partir. Il ne travaillait pas, il
jouait simplement dans un groupe de musique et avait beaucoup de
répétitions (j'ai appris plus tard qu'entre ses répétitions, il
me trompait et voyait un nombre de filles affolant avec qui il
couchait et parfois obtenait de l'argent). Moi je travaillais à
mi-temps, mes parents finançaient le logement (j'ai caché
l'existence de mon copain), et je me serrais la ceinture pour pas
que mes parents s'aperçoivent de quelque chose. Mais je donnais
régulièrement de l'argent de poche à mon copain, achetait à
manger, etc....
Quelques mois plus tard, je me rends
compte totalement par hasard sur l'historique de mon ordinateur qu'il
consulte du porno à un rythme effroyable . C'est simple, dès que je
m'absentais, il en regardait. Tout le temps. Avant d'aller à
l'église aussi. Sans compter les conversations sur facebook où il
flattait toutes les filles qu'il trouvait... C'était en totale contradiction avec
la vie sexuelle qu'il me faisait mener depuis. J'ai failli le
quitter, mais il a su me retenir, j'étais trop faible pour le
repousser. Il me dominait mentalement, j'étais une merde, sans lui,
je n'étais rien. Je commençais néanmoins à lui mettre la pression
pour qu'il trouve un boulot au noir, vu que sans ses papiers, c'était
impossible de trouver un job "normal". Je refusais l'idée
d'un mariage qu'il me soumettait, je n'avais que 21 ans et jamais je
n'aurais pu faire avaler ça à mes parents qui, même s'ils habitent
à deux heures de mon studio, surveillaient activement mes activités
(études, compte en banque, etc...)
Il y a un an (au bout de presque un an
de relation),après une dispute dans un lieu public, il part et je ne
le revois plus. Il ne revient plus à la maison et me laisse sans
aucune nouvelle pendant une semaine. Je suis démoralisée. Il finit
par m'appeler en me disant qu'il va loger chez un ami qui le fait
travailler au noir. Que lorsqu'il aurait plus d'argent et une
situation, on construirait alors notre vie ensemble. Mais que je
devais faire ma vie en attendant, et même, avoir un nouveau copain.
ça m'a tué. j'ai eu des douleurs à l'estomac, des sortes d'ulcères
tout l'été, je pleurais tous les soirs... J'ai fini par écouter
son conseil. Jamais je n'aurais pu lui refaire confiance après ça.
Il avait laissé toutes ses affaires chez moi. J'ai eu la chance
d'avoir un collègue de travail qui m'a fait part de ses sentiments
et de son envie de construire du sérieux avec moi. J'ai mis du temps
à accepter. Du temps à le laisser me toucher. Notre première nuit
ensemble, il a été extrêmement doux. Rien à voir avec mes
rapports avec mon ex. J'avais l'impression de n'avoir rien ressenti,
alors qu'il a été parfait. J'étais bien tout en étant mal. Je
n'ai pris aucune initiative, comme je le prenais avec mon ex. J'en
étais incapable, comme bloquée.
Ma relation avec mon nouveau copain se
poursuit. Un jour, sur facebook, une femme me contacte en me
demandant si je connais X (mon ex). Elle me dit qu'elle est avec lui
depuis cet été mais qu'elle a des doutes sur lui. Il m'a donc
menti. Je prends rendez-vous avec cette femme de 33 ans, 3 enfants.
Elle l'a rencontré dans la rue. Il a utilisé exactement les
mêmes techniques de séduction qu'il a utilisées avec moi. Il a
changé les faits de son passé, et son âge, (35 ans pour elle, 30
ans pour moi). Il s 'est "adapté" à elle, sa personnalité
afin de la séduire. Tout comme il a adapté sa séduction à ma
personnalité de jeune fille timide, sensible et inexpérimenté. Un
vrai pervers narcissique.
Pour en venir au paragraphe principal,
but de ma question initiale, cette femme me parle de leur vie intime.
Qu'il faisait l'amour comme dans les films pornos, sans aucune
tendresse, brutalement. Ne regardant jamais de porno, je ne fais pas
de rapprochement tout de suite. Puis je comprends alors, d'un coup,
que cet homme ne m'a jamais aimé, qu'il s'est servi de moi pour
avoir un toit et de l'argent et que ma "première fois"
avec lui était d'une sauvagerie sans nom. Tout me revient en
tête d'un coup. Il n'y a jamais eu de tendresse dans nos rapports,
que de la bestialité. Et le pire, c'est que j'ai aimé ça,
puisqu'il m'avait rendu dépendante de lui affectivement. Ma
sexualité avec mon copain actuel se passait relativement bien,
aucune douleur, mais aucune initiative de ma part. j'étais
spectatrice de ce qu'il faisait. Alors que j'étais très volontaire
avec mon ex, même si parfois la longueur des rapports faisait mal...
Mais quand j'ai réalisé que le début de ma vie sexuelle n'était
pas
du tout ce que je pensais avoir vécu,
ça a mal été pour moi. Après l'avoir su, j'ai littéralement eu
un blocage avec mon copain actuel. La pénétration m'a fait
horriblement mal alors que ça n'avait jamais été le cas avec lui.
Je lui ai expliqué ce que j'ai appris, il m'a réconforté. Tout en
me disant que désormais, j'étais avec lui et qu'il me fallait
passer à autre chose. ça fait huit mois maintenant que je suis avec
mon copain. Et je n'arrive pas à prendre d'initiatives comme je le
faisais avant. j'ai peur, je me sens sale, j'ai honte, alors qu'il
est merveilleux, m'encourage, me rassure et fait tout pour que ça se
passe bien. J'aurais voulu avoir un avis complètement
extérieur pour savoir exactement comment je dois qualifier ce que
j'ai vécu. Car je veux avancer dans ma vie de femme. Définitivement.
Est-ce une simple mauvaise expérience? Des viols récurrents par
rétrospection? De la manipulation? Un abus sexuel? Un choc
post-traumatique?Je n'arrive pas à mettre des mots dessus. D'un
côté, j'ai une vie sexuelle actuelle à peu près normale, j'ai du
désir, du plaisir, je ressens de choses, mais je n'arrive pas à
"donner" à mon copain, alors que j'aimerais lui donner
aussi du plaisir.
Je sais que mon histoire est trop
longue, mais Dieu sait que j'ai épargné pleins de détails. Et
j'aimerais vraiment pouvoir mettre des mots sur ce que j'ai vécu. Ne
plus être dans le flou. Afin de continuer ma reconstruction déjà
bien amorcée, car malgré tout, j'ai pu redonner ma confiance à
quelqu'un, et cette personne, je l'aime très fort.
Merci de me répondre, même de manière
brève. Bien cordialement, Pat
Bonjour, Il s'agit sans aucun
doute d'une expérience qui se révèle très mauvaise aujourd'hui
plus qu'hier puisque, avec "ce que vous avez appris", vous
savez, vous avez la certitude que cet homme ne vous a jamais aimée
et qu'il vous a constamment manipulée tout en jouissant évidemment
de cette manipulation ; et c'est surtout sur ce point que vous
souffrez car vous avez le sentiment d'avoir été utilisée à votre
insu d'où une image de vous-même détériorée. Tout d'un coup,
vous recevez, comme une énorme claque : cet individu s'est joué de
vous perpétuellement et la vérité s'affiche à vous brutalement :
vos rapports "amoureux" n'étaient pas en fait de la
couleur de l'amour mais de l'emprise (comme vous le dites vous-même),
de la domination. Si cette réalité détestable ne s'imposait pas
autant à vous avec de telles répercussions sur votre vie
sentimentale d'aujourd'hui, je vous aurais simplement dit que votre
image narcissique était atteinte, votre amour propre blessé et que
pourtant, il fallait avancer car une image, cela se reconstruit. Mais
le retentissement de cette mauvaise expérience prend trop d'ampleur
chez vous et vous avez besoin d'un soutien psychologique pour
justement vous "laver" de cette mauvaise image qui
s'immisce en vous et vous empêche de vivre en harmonie avec
vous-même. C'est d'abord une "histoire" à régler
entre vous et votre "moi" profond, entre vous et
vous... Apprendre à vous pardonner à vous-même ; apprendre à
vous regarder avec tendresse sans vous punir et se dire que tout le
monde peut être piégé un jour ou l'autre. Et surtout, se dire,
qu'en matière de sexualité, rien n'est sale si les partenaires sont
consentants ; vous vous reprochez d'avoir été consentante?
Cordialement, Chantal POIGNANT Agent de conseil SOS Femmes Accueil 2, rue Saint-John Perse F - 52100 Saint-Dizier
Bonsoir,
Merci de votre réponse rapide. Pour
répondre à votre question, disons que c'est contradictoire, je me
reproche des choses à posteriori. J'étais consentante pour avoir
des rapports avec mon ex. Il s'y prenait des fois de manière très
brutale, mais n'ayant alors aucune expérience sexuelle, je
considérais que c'était normal, et même qu'il était un très bon
amant, vu que j'avais beaucoup de plaisir avec lui, même si la
douleur finissait par prendre le dessus à cause de la longueur.
Cependant, les disputes récurrentes me faisaient aborder les
rapports différemment, j'y voyais parfois un rapport de force, mais
je n'ai jamais été contrainte non plus, ni menacée. Les disputes,
les cris de mon ex et une fois, la violence physique (des secousses
pour me "calmer" quand les crises de larmes étaient trop
fortes pour moi) se passaient en dehors des rapports.
Je n'ai pas de reproches à proprement
parler à me faire. J'étais seulement ignorante de ce qui était
normal et de ce qui l'était moins. Comme si mon ex avait annihilé
ce que mon corps pouvait accepter. En me rendant consentante de tout
cela, il contribue aussi à me culpabiliser énormément. Je réussis
à passer au dessus de ça peu à peu, grâce à la présence de mon
copain. Mais je reconnais maintenant que j'ai beaucoup plus de mal à
me laisser aller avec lui, même si cette fois je suis bien
consciente que lui est vraiment doux, attentif et respectueux. Je ne
cherche pas de solution miracle, il n'y en a pas, à part le temps et
la patience de mon compagnon. Mais je voulais pouvoir mettre des mots
sur ma situation qui n'est pas un vrai viol. J'ai bien conscience que
rien n'est sale dans l'acte sexuel si les partenaires se respectent
mutuellement. Mais le fait de ne pas avoir été respectée à mon
insu me trouble trop pour l'instant. Je demeure cependant confiante.
Merci beaucoup d'avoir pris le temps de me lire et surtout de me
répondre. Bien cordialement, Pat
Bonjour, A mon avis, vous avez
déjà bien avancé en terme de réflexion mais comme vous, je pense
que vous restez bloquée sur le fait que vous avez le sentiment, à
postériori, que cet homme a profité de vous, de votre naïveté, en
quelque sorte, en ne vous respectant pas car c'est bien là le
problème : vous pensez ne pas avoir été respectée. Cependant,
encore une fois, ne culpabilisez pas d'avoir pris du plaisir avec cet
amant brutal ; maintenant vous savez que la douceur vous convient
mieux et dorénavant vous serez capable de choisir. Vous êtes
lucide et honnête avec vous-même et c'est le
principal. Effectivement, sans doute que cet homme se plait à
dominer, voire plus, sa partenaire mais souvent c'est paradoxalement,
quand c'est systématique et "abusif", un aveu de
faiblesse. Me permettez vous de publier votre témoignage, même
anonymement, dans notre espace échanges? Cordialement,
Chantal POIGNANT Agent de conseil SOS Femmes Accueil 2, rue Saint-John Perse F - 52100 Saint-Dizier
Bonjour, Merci pour toute votre aide apportée.
Oui, vous pouvez publier mon récit dans l'espace échanges avec mon
anonymat. Elle peut servir à d'autres personnes. Bien cordialement, Pat
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