| Elle lance un vibrant appel à sa nièce disparue Email
en pied de message
Mars 2015
Bonjour
Je me permets ce mail car je ne sais vers qui me tourner et sur le site, j'ai lu vos échanges avec toutes ces personnes en souffrance. Peut être pouvez-vous m'aider, me conseiller, me dire vers qui je peux me tourner ?
Ma nièce a disparu il y a maintenant 5 ans à l'âge de 22 ans et ne nous a donné depuis aucune nouvelle. Chaque jour qui passe, nous nous disons qu'elle va enfin briser ce silence et qu'elle va revenir. Notre famille est dans une angoisse et une souffrance terribles. Bien sûr nous avons tout fait pour la retrouver et nos recherches n'ont ont amené aux centres d'hébergement de S. où nous savons qu'elle a séjourné. Du côté de la loi, il nous a été répondu que comme elle est majeure, nous ne pouvions rien faire.
De ce fait, toutes nos tentatives d'échanges avec les personnes du centre ou autres se sont révélées infructueuses et de peur qu'elle ne s'éloigne davantage, nous avons préféré respecter son éloignement sans pour autant le comprendre, pensant que ce n'était qu'une histoire de jours, puis de semaines, puis de mois. Cela fait maintenant 5 ans.
Depuis, parler d'elle est impossible dans notre famille : tout est tellement lourd, tellement douloureux. Ses parents (mon frère et ma belle soeur) s'isolent de plus en plus (leur autre enfant est déficient mental et hébergé au M .A.B.), mes parents se dégradent terriblement et maman commence à dire qu'elle ne reverra jamais L. Ma soeur et moi avons cherché, cherché....
Je passe mon temps à la chercher sur internet, nous lui laissons des messages sur son téléphone qu'elle n'a certainement plus. Mes parents ont sollicité les services d'un détective qui a empoché une belle somme en échange de la simple information qu'elle serait à S.
Je pense à elle à chaque fois que je lis des faits divers annonçant une découverte de corps...et je sais que je ne suis pas la seule...
Je voudrais simplement pouvoir affirmer à tout le monde qu'elle est vivante. Je voudrais qu'on me conseille pour ce qu'il faut faire : la laisser "tranquille", est-ce ce qu'elle souhaite ou voit-elle dans cette démarche une forme d'oubli de notre part, de non-amour ? Je voudrais simplement avoir des nouvelles, savoir si elle va bien, si elle est heureuse.
Si vous pouviez m'aider, je vous en serais tellement reconnaissante.
Parce que je ne veux pas lui faire peur, la faire fuir, je ne souhaite pas que cette lettre soit publiée sur le site.
Ma nièce s'appelle L.
Je vous remercie de m'avoir lue. J'espère beaucoup de ce premier mail que j'ose écrire
Très cordialement
Marie D .
marie.delahaye@yahoo.fr
Bonjour,
Vous ne souhaitez pas que votre témoignage paraisse et c'est sans doute dommage car vos mots auraient pu la toucher si jamais elle le lisait.
Rien, dans votre courrier ne montre que vous émettez des hypothèses quant à cette "fuite-disparition" et pourtant, votre nièce a peut-être ses "raisons" ; il me semble qu'il faudrait d'abord essayer de "cerner" ces éventuelles raisons, les comprendre car même si j'imagine la douleur de votre famille, je me représente aussi forcément celle de L.
A votre avis, qu'est-ce qui pourrait être à l'origine de cette "disparition"?
Dans l'attente,
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Agent de conseil
Bonjour
Un grand merci pour votre réponse qui brise le silence auquel nous avons été habitués.
C'est vrai que je n'avais pas vu l'éventuelle publication de mon message dans ce sens...Vous évoluez parmi ces personnes en souffrance et avez certainement raison. alors je suis d'accord pour publier nos échanges puisque cela peut permettre à L, si elle les lit, de savoir que l'on pense sans arrêt à elle, qu'on l'aime plus que tout et qu'on attend son retour...
Mes hypothèses ? L. est née grande prématurée (6 mois et demi) et a toujours été fragile, assez introvertie. Sa vie familiale a été perturbée du fait des problèmes de son jeune frère et c'est vrai qu'à l'âge où on accueille des copines à la maison, où l'on vit des choses avec des jeunes de son âge, elle était seule. Du coup, peut être trop entourée par ses parents, grands parents, oncles et tantes, je ne sais pas...Elle s'est peut être sentie enfermée, prisonnière, et a eu envie d'une autre vie qu'elle choisirait ELLE et qu'elle mènerait à sa guise.
L. est intelligente, attachante mais assez solitaire et très secrète. Elle aime prendre son temps, supporte difficilement les contraintes et qu'on fasse les choses pour elle. Peu d’échappatoire au sein d'une famille peut être trop étouffante du fait de son entrée difficile dans la vie, s'imposant trop et ne la voyant pas (ou refusant de la voir) grandir.
Je me suis toujours sentie très proche d'elle, comme si elle était ma fille (d'ailleurs je trouve qu'elle me ressemble physiquement), moi qui ai deux garçons et deux neveux. Nos discussions pouvaient être animées, drôles et dans l'instant suivant, du fait d'une question ou d'une remarque qui me semblait anodine, elle se fermait....
Je crois qu'elle avait préparé son départ depuis longtemps et qu'elle a rencontré des personnes qui l'ont aidée et je les en remercie car seule, où serait-elle allée ? qu'aurait-elle fait ? Qui aurait-elle rencontré ? De toute façon, elle était déterminée pour partir et mieux vaut pour elle, pour nous que cela se soit fait "dans les meilleures conditions".
Maintenant, nous avons tous envie qu'elle revienne car elle nous manque terriblement : son absence est une douleur, un trou béant dans notre vie et nous ne comprenons pas. Nous avions l'habitude de fêter Noël tous ensemble chez moi : depuis que L . est partie, tout est fini. Plus de fête, rien. Je ne sais plus comment parler à mon frère (son papa), ni à mes parents. Je suis gauche, j'ai mal, je ne sais que dire. Tout me parait dérisoire et j'étouffe. Je dis "je" mais je pense que chacun dans la famille en est à ce point.
L. sait (car je lui ai laissé des messages sur son téléphone) qu'elle peut appeler, écrire, venir quand elle veut. Elle n'aura pas à se justifier de quoi que ce soit. Je pense que tout le monde dans cette épreuve a mûri. La vie reprendra son cours mais avec elle. C'est tout ce que nous souhaitons.
Merci Madame, un grand merci de m'écouter. Je pourrai parler de L. et de notre vie sans elle pendant des heures.
Très cordialement
Marie D.
Bonjour,
Pourriez vous me préciser quelle remarque, quelle question, vous semblant anodine, troublait L. au point qu'elle se refermait sur elle-même?
Vous associez la problématique de L. à celle d'une vie familiale étouffante dont la cause serait la problématique du jeune frère : est-ce que cette situation pour le moins complexe et enchevêtrée a été clairement résolue?
Dans l'attente,
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Agent de conseil
Par exemple, L. passait énormément de temps chez elle à ne rien faire. Donc nous l'incitions à chercher du travail. La faire rédiger un cv et aller le déposer, c'était une vraie aventure.Parler avec elle de travail, de se bouger, de faire quelque chose la bloquait totalement et elle ne parlait plus.
Lui demander d'être là à telle heure ne servait à rien. Il fallait systématiquement aller la chercher. Et même après elle ne venait pas...
Il me vient ces quelques exemples qui montrent surtout le refus de contraintes quelles qu'elles soient.
Quand je lui posais des questions sur ses copines, ses copains elle n'avait rien à dire et j'avais l'impression qu'elle vivaient ces questions comme une forte intrusion dans sa vie privée.
Nous avons souvent pris conscience que L. nous mentait . Surtout dans les derniers temps : elle justifiait beaucoup de ses absences par un travail de vacances dont elle ne pouvait soit-disant pas nous parler car c'était secret. Elle ne se rendait pas là où elle nous disait aller. Peut être que ce travail de vacances, c'était la préparation de son départ... Quand L. se bloque, elle vous regarde droit dans les yeux, un sourire figé et ne dit absolument plus rien. Cela peut durer très longtemps.
Une fois, une seule fois, j'ai insisté, insisté (nous étions sortie toutes les deux du restaurant où nous mangions en famille après que j'ai enfin pu la faire sortir des toilettes où elle s'était enfermée pendant une demi-heure ? une heure ?). Je lui ai dit qu'il fallait qu'elle parle car je comprenais qu'elle en avait très gros sur le coeur et qu'il fallait que ça sorte, qu'elle évacue tout ça. Au bout d'un long moment, elle a craqué, s'est attendrie et s'est mise à pleurer : je suis sûre qu'elle était prête à me parler. L'arrivée impromptue de ses parents a tout bloqué et tout cassé ce moment. Cela n'est arrivé qu'une fois.
Son jeune frère a longtemps vécu à la maison puis placé au M.A.B ; Les parents ont attendu puis ont admis qu'il fallait placer R. Je ne pense pas que les choses aient été discutées en famille. Je ne pense pas que R sache que sa soeur est partie. Je ne sais pas si L. a des contacts avec son frère.
Je ne pense pas que la problématique de son frère soit la seule cause mais elle tient certainement une grande part
Voici quelques éléments
Marie
Les parents de L sont-ils au courant de votre démarche?
Je vais demander à mon directeur que votre témoignage soit publié et j'espère que L en prendra connaissance.
Peut-être pourrez vous l'aider.
Je vous propose néanmoins de ne pas faire paraître vos coordonnées.
Votre adresse mail est-elle anonyme?
Voulez vous en apposer une autre?
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Agent de conseil
Non ses parents ne sont pas au courant de ma démarche ni personne d'ailleurs. Ses parents sont abattus et subissent tout cela sans force, sans plus d'envie de se battre. Ils se ferment totalement aux autres et ne nous en parlent pas/plus.
L'adresse mail que j'utilise pour correspondre avec vous est mon adresse perso et n'est nullement anonyme. Je pense que si L veut se manifester, elle pourra le faire en répondant sur votre site ? Ou entrer directement en contact avec moi. Que me conseillez vous ?
Je cite le nom de famille de L (dans mon premier mail) ainsi que son prénom et celui de son frère : ne va t'elle pas voir cela comme une agression ? Peut être ne laisser que les prénoms...J'avoue être totalement désemparée par rapport à ce qu'il faut faire ou pas.
Merci de me conseiller par rapport au vécu de ce que vous avez de telles situations.
Marie
Nous rendrons le tout anonyme, y compris les prénoms et noms, ainsi que les villes dont vous parlez ; seule votre adresse pourrait être reconnaissable pour votre nièce.
Je suis d'accord pour que mon mail apparaisse
Merci du fond du coeur de nous aider. J'espère que si tout est publié, L lira cela. J'espère qu'elle ne me tiendra pas rigueur de parler d'elle. Je voudrais tellement qu'elle sache qu'on l'aime et qu'on veut qu'elle revienne. Que tous ensemble, nous pourrons reconstruire ce qui a été abîmé par maladresse, incompréhension, manque de dialogue certainement.
J'attends donc de vos nouvelles
Marie |
