Je suis un homme
et j'ai été violé
Email
en pied de message.
Octobre 2002 - Novembre 2002
Je suis
heureux d'être tombé sur votre site.
J'ai
eu en mars 2001 après 3 ans de psychothérapie, la mémoire
d'un viol collectif que j'ai subi en août 1988.
La mémoire a commencé à me revenir une nuit par
des gestes et des sensations physiques, puis l'essentiel des images
a émergé durant les trois semaines suivantes nécessitant
de nombreux passages aux urgences. Les crimes (séquestration,
viols, sévices) que j'ai subi furent d'une barbarie et d'une
violence indescriptibles et j'ai frôlé la mort à
plusieurs reprises. Placé sous l'effet de substances psychotropes,
assistant impuissant à ma propre destruction, je n'ai à
aucun moment eu les moyens de me défendre, luttant chaque seconde
contre des douleurs physiques et
mentales invivables et luttant à plusieurs reprises pour échapper
à la mort (l'on m'a écrasé les testicules, j'ai
été étouffé à plusieurs reprises
avec perte de conscience, j'étais sous l'effet de drogues très
puissantes et l'un des intervenants a tenté de provoquer une
overdose...).
Les faits se sont déroulés à la suite d'un repas
d'inauguration organisé par mon premier employeur qui s'est terminé
en boite de nuit. J'ai tout d'abord été placé sous
drogue à mon insu en cours de soirée, puis ramené
en fin de soirée au foyer dans lequel je logeais depuis peu par
mes futurs violeurs qui m'ont frappé en cours de route (à
la tête et aux testicules). Puis je suis rentré dans ma
chambre et suis tombé dans un profond sommeil.
Les évènements suivants, atroces, je n'ai plus eu aucun
souvenir durant 12 ans suivants, période minimum qu'il m'aura
probablement été nécessaire pour les régurgiter,
avoir le temps et la force aujourd'hui de les affronter afin d'avoir
une chance un jour, peut-être, de revivre une vie normale. En
cours de nuit, ces personnes ont pénétré dans ma
chambre, j'ai été transporté de ma chambre vers
celle qui lui faisait face, c'est là que commencent mes souvenirs,
lorsque je me "réveille" transporté dans le
couloir...
Le lendemain de ces crimes, je me suis réveillé dans un
état comateux, très lent, très difficile, très
douloureux. Des vertiges, les jambes coupées, des problèmes
de coordination des membres, des bleus sur le torse, une fente vive
située au dessus de l'anus, l'impossibilité totale d'aller
aux toilettes, des flashs impressionnants avec sensation de danger de
mort, l'impossibilité d'ouvrir mes volets et de sortir de ma
chambre, et donc aucun souvenir de ce qui s'était passé
durant la nuit... Seul dans cet état je n'ai eu aucun moyen de
réagir. Je suis resté comme cela plusieurs jours durant.
J'ai eu des douleurs physiques très nettes les mois suivants.
Des irritations et brûlures physiques lors des rapports sexuels
rendant impossible tout contact. Quelques mois plus tard, ayant quitté
ce foyer pour un appartement, j'ai commencé à faire des
cauchemards terribles et morbides mettant systématiquement en
scène les personnes qui m'ont violé, cauchemards qui ont
duré des années, j'ai eu des flashs avec des pertes de
contrôle et des impressions de danger de mort imminente, des frayeurs
impressionnantes, un état de vigilance extrême, un profond
doute sur mon identité sexuelle durant les quatre ou cinq ans
suivants, une perte partielle de mes facultés intellectuelles,
des réveils soudains réguliers par contractions musculaires
violentes, des réflexes de sursaut lorsque l'on touchait mon
corps à certains endroits, impossibilité de soutenir le
regard de quelqu'un croisé dans la rue, probablement l'apparition
de névroses, et bien d'autres symptômes qu'il serait trop
long de décrire ici.
Mon état s'est chronicisé. Mon cas n'ayant été
ni trouvé ni traité, je l'ai géré seul sans
prendre conscience un seul instant de ce qui m'arrivait.
J'étais issu d'une grande école parisienne. J'étais
quelqu'un de fort, d'organisé, de méticuleux, d'ouvert.
Ma famille, mon entourage n'ont rien compris au changement de voie qui
est survenu dès lors dans ma vie. J'ai tout d'abord rapidement
quitté mon travail.
J'ai passé les 12 ans qui ont suivi en dessous du seuil de pauvreté,
avec une vie de couple instable (bien que j'aie vécu 10 ans avec
la même femme), une vie professionnelle précaire et chaotique
sans aucun rapport avec la voie que je m'étais initialement tracé,
une vie sociale pauvre comparée à celle d'avant.
J'ai sombré dans l'isolement, la solitude, une totale démotivation.
La vie n'avait plus aucun sens... Elle en a aujourd'hui un intérêt
: celui de voir un jour les personnes qui m'ont détruit payer
pour leurs crimes. Je continue à survivre actuellement dans un
état difficile, comme je l'ai fait durant des années.
Je survis dans un corps détruit, avec ce que je dois bien appeler
des handicaps que je dois gérer au quotidien. La remise en mémoire
était probablement nécessaire pour que ma vie ait un jour
une chance de retrouver un cours normal, mais elle a par là-même
constitué un second traumatisme. Les images reviennent quotidiennement
et je dois sans cesse m'en détourner. Mon état d'aujourd'hui
est donc différent de celui d'avant mais tout aussi invivable.
Mon bonheur serait un jour de ne plus y penser et de revivre ne serait-ce
qu'une minute comme les gens "normaux", ceux, nombreux, qui
m'entourent et à qui cela n'est heureusement jamais arrivé.
Dès la remise en mémoire je me suis mis à la recherche
d'un avocat compétent et motivé, en ai trouvé un,
me suis porté partie civile. J'ai également écrit
sur ma remise en mémoire, sur mes réactions immédiates
des quatre ou cinq jours suivant les viols, sur l'état dans lequel
j'ai été placé par la suite, sur les crimes, afin
de "fixer" et de gérer au mieux cet évènement.
En septembre 2001, je me retrouve devant un juge d'instruction qui estime
que l'on est au delà des délais de prescription pénale
et refuse d'informer.
Je pousse alors mes recherches sur les personnes en cause dont le souvenir
ne me montrait alors que des visages sans noms. J'en retrouve et en
identifie miraculeusement une partie (des recherches difficiles plus
de 12 ans après les faits), que j'affronte, interroge, enregistre
par téléphone, l'un d'entre eux me menace de mort sous
conditions et fait un demi-aveu.
En janvier 2002, la cour d'appel de ** réforme et renvoie le
dossier devant le juge d'instruction en demandant de mettre en évidence
l'état psychologique qui m'a empêché de me placer
devant la justice en deçà des dix ans de prescription,
susceptible d'engendrer des suites pénales, ce cas se présentant
pour la première fois devant la justice française.
Mon intérêt réside entre autres aujourd'hui dans
le moyen de déterminer l'amnésie ou l'occultation dont
j'ai été victime. Je suis à la recherche d'experts
susceptibles d'émettre un diagnostic précis sur les raisons
et les traces physiologiques ou psychologiques qui ont empêché
ma mémoire des choses. Je suis également à la recherche
d'experts de l'état post-
traumatique chronique.
L'instruction est actuellement en cours. Je me pose actuellement la
question : comment un expert peut-il évaluer mon état ?
Par exemple: si quelqu'un me demande si j'ai des problèmes pour
uriner, je lui répondrai intuitivement que "non" alors
que je peux attendre plusieurs heures quotidiennement avant de le faire
tout en ayant mal et que cette situation serait par ailleurs invivable
pour le commun des mortels! Et c'est le cas pour l'essentiel de mes
handicaps, de mes douleurs qui sont nombreux, et que j'ai "accepté"
durant toutes ces années comme faits établis. Je présente
un visage relativement normal, mais ce que je vis au quotidien serait
rapidement considéré comme un enfer par n'importe qui...
Comment peut-on évaluer un tel préjudice qui
est considérable, et le chemin parcouru... L'énergie déployée
à sortir du chaos, seul, à survivre durant ces années,
aujourd'hui encore malgré la conscience de ce qui m'est arrivé,
est trop importante pour me permettre d'avoir une vie sociale, de couple,
de travail normales. Je dois me contenter de survivre et il m'est difficile
de parler, même à un expert, car avec ces viols, c'est
également mon expression qui a été brisée...
J'aimerais pour finir citer de mémoire une phrase d'un des ouvrages
que j'ai pu lire récemment ("Les traumatismes psychologiques"
de Michel De Clercq et François Lebigot) : "Etre victime,
c'est voir entrer la barbarie par effraction dans son existence, et
dans le même temps être contraint d'adhérer à
des réponses civilisées".
J'espère que la Justice sera à la hauteur.
P.S
: J'aimerais des encouragements. Je vous remercie et vous félicite
pour votre site.
Bonjour,
J'ai bien reçu votre message.
Ce que vous avez vécu est terrible. La position de la cour d'appel
est très intéressante : c'est un espoir pour beaucoup
de victimes qui ne peuvent parler que le délai de prescription
passé. Merci de m'informer des suites ... pour toutes les victimes
de viol.
Je suis OK pour mettre votre message en ligne mais merci de préciser
que c'est bien là votre volonté et merci de me donner
un accord clair pour la publication de votre adresse email.
Cordialement,
Yves LAMBERT
Je vous
remercie de la rapidité de votre réponse.
Je suis tout à fait conscient de l'importance de cette affaire
et de la décision de la cour d'appel de **. Je n'ai de toute
façon d'autre alternative que d'aboutir. Ma vie est actuellement
en suspens et dépend de l'issue judiciaire qui sera donnée.
Je vous informerai des suites. Je suis d'accord pour mettre mon adresse
E.Mail en ligne.
A bientôt.
Merci.
PS
: Je suis actuellement à la recherche de témoignages de
personnes qui auraient engagé une action ou des poursuites judiciaires
en faisant état de leur impossibilité matérielle
ou psychologique d'agir dans le délai de la prescription. Je
suis également à la recherche de jurisprudences en droit
international. En particulier, pourriez-vous m'indiquer des sites de
droit canadiens, québequois, anglais ou américains.
Je vous remercie d'avance de votre réponse. Vous est-il possible
de faire passer ce message afin que d'éventuels internautes puissent
me fournir des indications.
Je vous remercie d'avance.
benson.g@voila.fr
Novembre
2002
Je fais
actuellement une recherche sur les infractions criminelles à
caractère sexuel et la
prescription dans le droit international.
Au Québec par exemple, les infractions criminelles sont régies
par le code criminel canadien hérité du régime
britanique. Pour
les crimes d'agression à caractère sexuel il n'y a aucun
délai de prescription. La cour sûpreme du Canada considère
que les
victimes,enfants ou adultes, doivent toujours avoir la possibilité
de poursuivre leur agresseur... Il est entendu qu'il est déjà
difficile de surmonter les conséquences de ce genre d'événement.
La loi canadienne prend donc en considération que les
victimes ne doivent pas être pénalisées en aucun
moment dans leur démarche judiciaire.
Qu'en est-il aux Etats-Unis ?... Et dans les pays de la communauté
européenne?... C'est l'objet de ma demande d'aujourd'hui.
Je suis également à la recherche de jurisprudences de
personnes qui auraient engagé une action ou des poursuites
judiciaires en faisant état de leur impossibilité matérielle
ou psychologique d'agir dans le délai de la prescription en droit
international...
J'ai récemment pris connaissance de l'affaire affaire David Allen
Gauthier au canada: l'impossibilité psychologique comme
cause de suspension de la prescription, le 9 juillet dernier, par la
Cour suprême du Canada. Ayant subi des actes de violence
et des tortures, cette personne était dans un état post-traumatique
tel qu'il lui a été impossible d'ester en justice dans
des
délais de prescription.
Je suis donc également à la recherche de jurisprudences
faisant application de la notion d'incapacité de fait d'agir
pour des
raisons psychologiques ou matérielles dans le droit international.
Ma demande et ma lutte se situent dans ces domaines.
Vous est-t-il possible de diffuser ce message... (éventuellement
d'y apporter des débuts de réponses).
Je vous remercie encore et ne manquerai pas de vous informer des suites
de mon affaire.
benson.g@voila.fr
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