Maudit soit l'ordure
qui m'a fait douter de mon père
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en pied de message.
Septembre 2003
Bonjour,
Yves. Je suis Anne, l'amie de Laurent.
Permet-moi
de me raconter un peu, et d'apporter quelques réflexions.
J'ai été
violée la première fois enceinte de trois mois. Par celui
qui partageait ma vie depuis deux ans, le futur père de mon enfant.
A moitié en dehors du lit, la tête cognant le sol à
chaque assaut. La deuxième fois, quelques semaines après
l'accouchement. Le troisième viol, alors que nous étions
séparés, ne fut qu'une agression à ajouter à
tous les autres sévices sexuels qui pavaient mon enfer depuis
deux ans. Mais ce fut le dernier. Et c'est là que commence mon
histoire :
Dimanche
31 janvier 1998, 13h00
Je me relevai et remis maladroitement et en tremblant ma culotte déchirée,
entrepris de me rhabiller tant bien que mal en ramassant mes vêtements
épars et me dirigeai comme une automate vers la chambre de ma
petite qui hurlait de peur depuis vingt longues minutes.
Il s'était à nouveau transformé en bête inhumaine,
encore une fois massacré mon corps, sans espoir de pitié
ni de miséricorde, juste avide d'assouvir l'inexprimable. Mon
corps était couvert de bleus à force d'avoir lutté.
Je suis une skieuse depuis mes plus jeunes années, grande, en
excellente santé, les muscles de mes cuisses sont capables de
me garder sur un cheval à cru, il me serrait possible de serrer
entre elles n'importe quel corps jusqu'à l'étouffement.
Tout cela était balayé comme fétu de paille par
une force bien plus puissante encore.
J'étais descendue si bas dans l'horreur, le dégoût,
l'avillissement qu'il me semblait, lorsqu'il me déchirait, qu'il
ne s'agissait pas de moi-même mais d'une autre. J'avais au moins
la misérable satisfaction qu'il ne m'asservissait pas encore
totalement et qu'une miette de mon intégrité vascillait
encore.
Mais cette fois-ci, en entendant ma fille pleurer ma mémoire
me renvoya crûment chaque moment de souffrance, de terreur et
de honte : les attouchements sordides, ses doigts déchirant mon
sexe, mon corps jeté sur le dos, les frottements de son sexe
contre mes cuisses au travers du pantalon alors que je tenais ma petite
fille d'un an et demi dans mes bras, les injures, les mots volontairement
orduriers qui accompagnaient chaque secousse, la peur au ventre qui
ne partait jamais, cette impuissance à raisonner, à calmer
et cet étonnement, cette incompréhension infinie devant
les assauts de haine et de violence d'un homme qui disait m'aimer plus
que tout.
Ma petite de deux ans m'avait entendue hurler. Elle pleurait à
son tour, réclamant inlassablement sa maman, apeurée et
seule dans sa petite chambre. Le coeur lacéré, j'avais
supplié d'arrêter, de me laisser chercher mon enfant. Mais
ce père insane m'avait jetée à tere et prenait
son temps pour soulager ses désirs...
Ce qu'une
femme peut supporter d'horreur et de violence, une mère ne le
peut pas.
En prenant
enfin mon enfant dans mes bras, un calme froid avait remplacé
ma peur lancinante. Malgré sa folie, il n'avait jamais touché
à sa fille. Mais demain ?
Il s'était ce jour-là interposé entre moi et la
chair de ma chair. Il ne le ferait plus jamais. Il avait très
involontairement réveillé en moi l'instinct de la louve,
je me battrais dorénavant en louve. Tout était fini, je
n'avais plus peur et j'allais commencer à écrire l'épilogue
de ces années de larmes.
Un an après
ma déposition auprès de la gendarmerie de Bonneville et
les aveux spontanés de cet homme-enfant monstre immature de 28
ans qui savait très bien se servir de son sexe pour me violer,
les juges le condamnèrent à trois ans de prison ferme
dont deux avec sursis, l'interdiction sans limitation de durée
de nous voir ma fille et moi, la destitution de l'autorité parentale,
l'interdiction de se trouver dans ma commune de résidence et
dans ma commune de travail, trente mille francs de dommages et intérêts,
frais d'avocat au dépens. Je n'avais exigé pour lui que
l'obligation d'un suivi psychologique, le tribunal a été
au-delà.
Mais mon
corps était brisé et je tentais de garder un équilibre
psychologique au bord d'un gouffre abyssal. Comme le chemin est long
pour retrouver un semblant de dignité. La guérison, certes,
est longue mais l'apaisement que je ressentais à nouveau valait
tous les bonheurs. Je ne vivais que pour ma fille et puisait mon courage
dans les manifestations innocentes d'affection de mes amis, que je tenais
volontairement dans l'ignorance de ce que j'avais vécu.
Le travail sur moi-même, je voulais le faire seule, peu importait
le nombre des années, je déchirerais moi-même la
boue, jusqu'à la dernière parcelle de croûte. Durant
trois ans, je n'étais pas loin de penser que tous les hommes
de la terre étaient des bêtes immondes, je m'accommodais
donc parfaitement de la perspectice d'une vie d'abstinence et de célibat..
pourvu qu'on me fiche la paix. Toute idée de contact avec un
homme m'écoeurait jusqu'à la nausée. J'évitais
autant que possible, dans le cadre de mon travail et de mes contacts
sociaux et amicaux de me trouver seule avec un homme, tant la panique
me nouait la gorge, même avec mon propre père...! HONNI,
BANNI, MAUDIT SOIT L'ORDURE QUI M'A FAIT DOUTER DE MON PROPRE PERE !!!
Je m'étais
résolue à ne plus aimer ni me faire aimer, si seulement
j'avais pu devenir transparente.
Novembre
2000 - 35 ans
J'avais été irritée, étonnée puis
subjuguée par son regard glacé. Je savais ce qu'un tel
regard peut contenir de fêlures, de désillusions, de blessures.
Mon esprit fermé à tout sentiment s'était peu à
peu ouvert au charme qu'il dégageait, en touches légères
d'aquarelle. J'avais reconnu, surprise, le vertige de l'attirance et
je désirai à nouveau, d'une façon inattendue, l'esprit
libre, sans contrainte, sans projet d'avenir, sans angoisse.
Cela était ma plus grande peur, ma plus grande angoisse : refaire
l'amour. J'avais déjà eu l'audace de lui demander de caresser
sa peau d'homme. Ma main s'était aventuré sous sa chemise,
hésitante et ravie de ce contact si doux, si chaud. J'en avais
ressenti un plaisir très sensuel qui exigeait plus. Il fallait
que je sois prête et pour lui je l'ai été.
Mon état de femme m'a été rendu par cet homme.
J'aurais aimé retenir chaque seconde d'extase qu'il me procura
cette nuit-là, et je reçus la jouissance qui me submergea
comme l'oeuvre la plus aboutie jamais cristalisée par le désir
d'une femme pour un homme. Je lui ai rappelé il y a quelques
heures, de quel gouffre il m'avait extirpée. Dut-il s'en défendre,
dans sa grande modestie et sa grande pudeur, cet homme est un grand
monsieur.
Yves, ton
site est admirable. Mais combien de femmes, comme moi, ne le connaîtront
qu'une fois l'enfer terminé ? Je suis infiniment, épouvantablement
triste en lisant les autres témoignages, comme une mère
qui a vécu le pire et qui n'a pas su l'éviter à
ces enfants.... Que ne peut-on génétiquement programmer
nos enfants à revendiquer dès la naissance le caractère
sacré de leur corps ! Où sont les petits livrets éducatifs
qui, à l'instar des risques domestiques et des dangers de la
rue, préviennent l'enfant des dangers sexuels ? Que faisait la
société, où étiez-vous, tous, pendant que
je me faisais violer ? Quand donc cessera le politiquement correct,
hypocrite, dangereux, sournois, qui lisse, expurge, atténue,
rassure quand il faudrait au contraire alerter ? La violence, dans tous
ces états, est l'affaire de tous : parents, éducateurs,
pédagogues, famille, voisins, amis... le jour où le monde
entier se sentira responsable du viol d'un enfant, nous serons devenus
civilisés. Quand je pense que l'alcoolisme et la folie passionnelle
étaient en France, il y a peu, des circonstance atténuantes
pour les bourreaux...
La violence
en attire d'autres. Elle ne peut pas restée impunie. Ici, l'impunité
devient scandaleuse, horrifiante ! Il ne peut pas y avoir de pardon.
Je n'ai jamais pardonné et je m'en porte bien. Bien entendu,
je n'atteindrai jamais la sérénité, ou peut-être
si, un jour, quand j'aurai rendu au géniteur de mon enfant un
magistral, monumental, animal coup de poing dans la figure.
Je dénonce
l'homme bourreau, pleinement concient et consentant, pour lequel AUCUNE
CIRCONSTANCE ATTENUANTE ne pourrait humainement être attribuée
!
Je dénonce l'homme bourreau dont le pouvoir ne se nourrit QUE
DE NOTRE SILENCE !
Je dénonce l'homme bourreau qui, ayant frappé une fois,
comme un drogué ne s'arrêtera plus.
Je reste
intimement persuadée que tous les hommes ont un naturel barbare
qui peut surgir à tout moment. Seuls les acquis (éducation,
échanges sociaux) et un self-control forcé constituent
un mince garde-fou.
Je me méfie
toujours des hommes.
Deux d'entre eux trouvent grâce à mes yeux, dont mon père.
Merci,
Yves.
Je donne l'autorisation à sos.femmes d'exploiter mon message.
Anne
annebnanou@wanadoo.fr
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