La justice me
reconnaîtra-t-elle comme victime de viol ?
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supprimé à la demande de l'intéressée en
septembre 2002.
Septembre
2001
Bonjour,
Je me permets aujourd'hui de vous écrire, car je me sens totalement
désemparée.
En fait, j'ai été abusée sexuellement à
l'age de 11 ans, par deux garçons de mon quartier. L'un d'eux,
à peine plus agé que moi, dit avoir été
manipulé par le deuxième, qui avait à l'époque
15 ans. Voilà donc le problème : Il était
lui aussi mineur.
C'est sûrement pour cette raison qu'il m'a fallu des années
avant de pouvoir analyser ce qui s'était passé ; je me
suis toujours sentie violée, mais vu leur jeune age à
l'époque, je ne savais comment interpréter les faits.
Je l'ai vécu comme un véritable cauchemard.
Le plus vieux m'impressionnait et je lui ai cédé assez
facilement les premières fois. Assez facilement, dans le sens
où il lui suffisait d'insister lourdement pendant 10, 15, 30
minutes, je ne sais plus ...
Bref, je me suis retrouvée dans un engrenage et ça s'est
répété plusieurs fois. ça a duré
à peu près un an. Il en est arrivé à me
faire du chantage quand je me refusais catégoriquement à
lui, disant qu'il dirait tout à mes parents.
Quant à l'autre, le plus jeune, il lui suffisait de me harceler,
jusqu'à ce que je cède ; je crois que j'avais le
sentiment d'être là pour "ça" ; j'étais
conditionnée, je crois.
Je me souviens seulement de quelques scènes, le reste étant
très flou dans mon esprit.
Je me souviens surtout de mes sentiments, de mes sensations : le dégout,
la peur et surtout, la culpabilité. Ce qui me fait mal aussi,
c'est que je n'ai aucun souvenir de la petite fille que j'étais,
avant cela. Comme si ma vie avait commencé à cette époque
même !
Aujourd'hui, j'ai 26 ans et je crois avoir très peu d'espoirs
quant à la portée d'une éventuelle plainte :
est-ce que cela peut être considéré comme des abus
sexuels par la justice ?
Ferais-je vraiment figure de victime ?
J'avoue que je ne sais plus quoi penser.
Aidez-moi, s'il vous plait !
Merci
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supprimé à la demande de l'intéressée en
septembre 2002.
Bonjour,
D'un point de vue légal, vous pouvez porter plainte jusqu'à
vos 28 ans (10 ans après la date anniversaire de votre majorité).
Vous devez savoir aussi que, dans l'éventualité d'un procès,
c'est la juridiction des mineurs qui sera compétente puisque
les faits ont eu lieu alors que les agresseurs étaient mineurs.
Les faits que vous rapportez peuvent bien sûr être considérés
non seulement comme des abus sexuels (délit) mais encore comme
des viols (crime).
Une
petit fille de 11 ans n'a pas de rapports sexuels si on ne l'y contraint
pas d'une façon ou d'une autre,
c'est une évidence. Par ailleurs, à 15 ans, votre agresseur
"principal" était pubère, contrairement à
vous à l'époque.
Vous êtes donc une victime de viol avec toutes les conséquences
pyscho-sociales dont vous souffrez et qu'une expertise confirmera nécessairement.
Vous pouvez donc tout à fait porter plainte et vous constituer
partie civile.
Par ailleurs et parallèlement, je ne saurais trop vous recommander
de consulter un psy pour que vous puissiez vous reconstruire et retrouver
votre harmonie.
N'hésitez pas à me répondre.
Cordialement,
Yves Lambert
PS : seriez-vous OK pour que je publie notre échange et, éventuellement,
votre
adresse email ?
Merci
pour votre réponse.
Je suis bien sûr d'accord pour que notre échange soit publié
et pour que vous y ajoutiez mon adresse mail.
Je voulais tout de même répondre à votre mail, tout
d'abord en ce qui concerne le fait de voir un psychologue. J'ai en effet
suivi une courte psychothérapie l'année dernière
(de octobre 2000 à janvier 2001) et la psychothérapeute
m'avait conseillé de tourner la page et de passer à autre
chose, pour que cette histoire cesse d'occulter toute ma vie, m'a t-elle
dit.
J'ai essayé de suivre son conseil, mais j'ai échoué.
Je ne parviens pas à tourner la page, dans la mesure où
pour moi, les choses n'ont pas été réglées ;
c'est pour cette raison que j'hésitais à porter plainte.
Je ressens le besoin d'être reconnue en tant que victime. Mais
je ne sais plus vers qui me tourner ; j'aurais aimé rencontrer
une psychologue plus ou moins spécialisée ou formée
dans ce genre de problèmes, rencontrer ou discuter avec des personnes
compétentes d'un point de vue légal ...
Je me sens quelque peu seule face à mon problème, d'où
le mail que je vous ai adressé ce matin.
Pourriez-vous m'orienter ?
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supprimé à la demande de l'intéressée en
septembre 2002.
Bonjour,
A ma connaissance, il n'y a pas vraiment de psychologue spécialisé(e),
sauf au Centre des Buttes Chaumont à Paris mais la séance
coûte 450,00 F ..., ce n'est pas à la portée
de tout le monde.
Je suis très étonné qu'un psy ait pu vous donner
un conseil pareil : il ne s'agit pas de tourner la page car elle
ne se tournera pas aussi simplement, vous en avez fait l'expérience.
Il s'agit d'affronter au contraire "cette page" de sorte que
vous puissez vivre avec sans qu'elle ne vous fasse plus souffrir, sans
qu'elle vous commande malgré vous, et de sorte - comme vous
le dites - de "régler les choses".
Il en est des psys comme de toute profession : ils ne sont pas
tous bons.
Vous devriez à nouveau consulter : il est primordial qu'avec
votre thérapeute "le courant passe", vous devez sentir
des atomes crochus, vous devez vous sentir bien. Si ce n'est pas le
cas, changez mais n'abandonnez pas.
Vous pouvez aller voir un thérapeute qui soit aussi psychiatre
(en cabinet privé) : la séance est remboursée
comme une consultation de spécialiste.
Votre besoin d'être reconnue en tant que victime est très
légitime : cela fait même partie de votre reconstruction,
que cette reconnaissance passe par la justice ou non (mais la justice
est en l'occurence "la voie royale" malgré l'épreuve
que cela peut représenter - procédure, instruction à
charge et à décharge, etc.).
Pour ce qui est des conseils de nature légale, consultez un CIDF
ou contactez SOS Viols, anonyme et gratuit, au 0.800.05.95.95
N'hésitez pas à me répondre.
Cordialement,
Yves Lambert
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