Je ne sais plus
où sont les limites qu'un homme ne doit pas franchir avec la
femme qu'il prétend aimer ...
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en pied de message.
Avril 2002
Bonjour,
J'aurais tellement de choses à raconter quer je ne sais pas par
où commencer...
Pour moi, tout à commencer il y a environ 3 ans, lorsque j'ai
rencontré XXX, mon ami. J'étais alors installée
avec quelqu'un que je qualifierais maintenant de "mec en or".
Mais je l'ai quitté pour cet homme que je ne connaissais en fait
pas du tout. J'étais comme envoutée par lui: c'était
une vrai passion. Je pensais avoir trouvé l'amour avec un grand
"A", et pourtant...
Après quelques temps idylliques, j'ai connu l'enfer: peu à
peu, il s'est octroyé de plus en plus de droits sur ma vie et
petit à petit, sans m'en rendre compte, il a réussi à
m'éloigner de moi et de tout ce qui comptait pour moi...
Au début, sa jalousie me faisait plaisir mais elle s'est amplifiée
jusqu'à prendre des proportions incroyables. Je me suis fait
frapper et humilier...
Je lui trouvais toujours des excuses et j'espérais toujours qu'il
changerais car il regrettais toujours, et après chaque "crise"
c'était la passion qui resurgissait, comme au début...
Un jour, je suis partie car il avait vraiment dépassé
les bornes et j'étais couverte d'hématomes, mais il est
venu me chercher... et j'ai craqué. Il disait toutes les choses
que je voulais qu'il comprenne... et je l'aimais tellement...
Je croyais en notre amour et ce en dépit de tout ce que mon entourage
en disait... J'ai perdu tous mes amis et j'ai failli perdre ma famille
car tous savaient ce qu'il m'avait fait et ils ne pouvaient supporter
de me voir retourner vivre avec lui. Pensant quitter la région,
j'avais rendu mon appartement et j'ai donc dû aller vivre chez
lui ou plutôt chez ces parents. C'était une solution "provisoire".
Moi qui avait toujours été trés indépendante,
je me suis laissée envahir. Après mon retour, ça
a été le rêve pendant quelques temps, mais...les
crises de colère ont reprises. Je ne compte même plus le
nombre de fois où je suis partie quelques jours chez des amis,
mais je suis toujours revenue aprés 2 jours, 1, 2 ou 3 semaines...
La dernière fois que je suis partie, je pensais vraiment que
c'était la bonne...mais j'ai craqué après qu'il
m'ait emmené à Deauville...
La vie chez lui était devenue un enfer car je me suis disputée
avec sa mère. Je ne supportait plus de vivre chez eux mais que
faire d'autre ? J'étais la seule à travailler et je ne
gagnais pas assez à l'époque pour assumer un appartement
pour deux...
Depuis que je le connais, j'ai dû tirer un trait sur ma carrière
professionelle (car il ne voulait pas que je travaille dans le droit),
quitter plusieurs emplois (parfois de force), vendre ma voiture,...
Nous avions des problèmes d'argent et il mettait toutes ses crises
sur le dos de
cette situation...
Sa mère m'accusais de tous les maux de son fils (!!!) alors même
qu'elle assistait trés souvent aux scènes...car elle avait
toujours accepté ses attitudes. Un jour, ses parents m'ont ouvertement
insultés et j'ai alors décidé de ne plus jamais
mettre les pieds chez eux. Et lui m'a suivi... Nous avons été
d'hôtel en hôtel pendant plusieurs mois. J'ai finis par
trouvé un appartement grâce à mon travail.
Là, ça été l'Espoir: tout allait enfin s'arranger.
XXX ne travaillait pas et ne parlait plus à ses parents depuis
notre départ. Il m'a toujours considéré comme responsable
de cette situation avec ses parents. Les débuts dans l'appartement
ont été atroces car la violence physique est revenue.
J'allais trés mal à ce moment là: je m'en prenais
physiquement à moi-même pour ne pas lui rendre ses coups
car c'était toujours pire (il me les rendait mais multipliés)...
Je me suis tapée la tête contre les murs, j'ai pris des
flacons entier de médicaments, je me suis ouverts la tête
avec le fer à repasser,... C'était devenu mon seul moyen
de riposte...car il était désemparé dans ces cas-là...
Je crois que ça lui a fait peur, et la violence physique s'est
arrêtée depuis que je me suis ouvert la tête...
Mais la violence verbale et les menaces l'ont remplacée... Je
me fais insulter et menacer de coups ou de mort pour des choses sans
importance...
Aujourd'ui, je ne sais plus du tout où j'en suis. On ne se voit
plus beaucoup car son travail lui prends beaucoup de temps mais il est
rare que ça se passe bien lorsqu'il est là. Ce que je
ne sais plus, c'est si il a raison ou non. C'est vrai que suis assez
froide en ce moment, et c'est
> encore pire. Pas un jour ne se passe sans que je me fasse insulter
ou menacer de me faire "éclater la tête contre le
mur" ou "casser toutes les dents"... Chaque "crise"
de colère me destabilise complètement: avant, je répondais,
etc. mais c'était encore pire, alors maintenant je me tais, j'attends
que ça se passe mais je suis morte de peur, je tremble et je
voudrais disparaître. Je revois toutes ces crises, tous ces coups,
toutes ces insultes et toutes ces humiliations que j'ai subi.
Au début, j'ai essayé de lui faire comprendre que ses
mots me faisaient mal et qu'il n'avait pas le droit de me parler comme-ça.
Il s'excusait, j'avais une trève de quelques-jour (maximum une
semaine) et il recommençait. Les fois où nous en avons
parlé, il me disait qu'il ne pensait pas ce qu'il disait, que
c'était une façon de parler et que moi je le menacait
bien de le quitter, alors...
Cela fait quelques semaines que je réalise le bilan catastrophique
de ces 3 ans avec lui. J'ai l'impression d'ouvrir les yeux après
3 ans et le reveil est douloureux. J'ai perdu énormément
de choses et qu'est-ce que j'y ai gagné ? Je ne vois plus rien
de positif à ma relation avec lui. Je crois même que je
le méprise pour tout ce qu'il m'a fait subir et qu'il n'y a plus
aucune place pour l'amour.
Moi qui aimais sortir, discuter et m'amuser, je reste enfermée
chez moi tout le temps. Je ne sors plus que pour aller travailler ou
faire les courses. Je ne vois plus personne à l'exception de
ses copains. Bref, j'ai une vie passionnante. Il dit qu'il comprends,
que ça va aller mieux financièrement et qu'on pourra à
nouveau sortir. Mais je n'y crois plus... Heureusement que j'ai mon
travail car je crois que j'aurais déjà fait une connerie:
au moins, je m'y sens respectée et appréciée, même
si j'ai failli avoir des problèmes car il m'a interdit de partir
au séminaire annuel de ma société auquel je devais
participer...
Pourquoi je ne le quitte pas ? Pour beaucoup de raisons (valables ?)...
- j'ai peur de ce qu'il serait capable de faire (il m'a déjà
menacé avec un couteau et je ne compte plus le nombre de fois
où il m'a dit qu'il me tuerait si je partais);
- je suis seule (j'ai déjà trop mélé ma
famille et mes amis et je leur ai fais du mal à chaque fois);
- j'ai enfin trouvé un travail qui me plaît et dans lequel
j'évolue et j'ai peur d'avoir à le quitter;
- comment le quitter maintenant alors que j'ai eu des raisons bien plus
graves de le faire ? comment le quitter maintenant après tout
ce que j'ai laissé faire ?
- comment le quitter maintenant alors que j'ai à nouveau un appartement
et que ce que je voulais avec lui est en bonne voie (appart, travail,
...) ?
- comment le quitter maintenant alors qu'il va beaucoup mieux ?
- comment lui faire ça ?
- cela peut paraître ridicule, mais nous avons une chienne que
j'adore et ça me ferait tellement de mal de ne plus la voir;
- la dernière fois que suis partie puis revenue, je me suis promis
de ne plus partir sauf définitivement: serais-je assez forte
cette fois-ci pour ne pas craquer ?
- est-ce que je ne suis pas vraiment celle qu'il dit (égoïste,
bonne à rien, sans intérêt, etc...) ?
- il m'arrive encore de me sentir si bien avec lui...
Voilà où j'en suis aujourd'hui... J'ai bientôt 25
ans et j'ai trés peur de l'avenir. Moi qui ait toujours voulu
avoir des enfants tôt, je retarde au maximum car je crains de
faire la plus grosse bétise de ma vie et d'être ensuite
"coincée" toute ma vie...dans la peur...
Comment cet amour a-t-il pu devenir si moche ? Je m'en veux tellement
de ne pas avoir ouvert les yeux plus tôt quand j'en ai eu l'occasion...et
de ne pas avoir écouté tous ceux qui ne voulaient que
mon bien...
Si vous saviez comme ça fait du bien de "parler" de
tout ça car je n'ai personne avec qui aborder le sujet...
Merci pour votre site,
"Why"
PS: Merci de ne pas diffuser mon adresse (prof).
Bonjour,
J'ai lu attentivement votre message. (Souhaitez-vous qu'il soit publié
?)
Parmi les questions que vous (vous) posez, il n'y en a que deux auxquelles
je puisse apporter un début de réponse :
- comment vous pouvez lui faire ça (le quitter) ? Songez donc
à ce qu'il vous a fait, à vous ... C'est une conséquence
très fréquente des violences conjugales que de voir la
victime plaindre le bourreau ... parce qu'elle s'interroge aussi sur
sa propre responsabilité. La culpabilité est une conséquence
de la violence : l'auteur des violences finit par faire croire
à la victime qu'elle est nécessairement au moins en partie
responsable ... Ôtez-vous ça de la tête.
- est-ce que vous n'êtes pas vraiment celle qu'il dit (égoïste,
bonne à rien, sans intérêt, etc...) ? Idem que ci-dessus
! Bien sur que non, vous n'êtes rien de tout cela mais il est
parvenu à vous faire douter ! Si vous êtiez bien ce qu'il
dit que vous êtes, alors vous seriez en partie responsable et
lui serait tellement moins coupable ... Vous n'êtes rien de tout
cela.
Les questions que vous vous posez sont typiques de la complexité
psychologique de la violence conjugale subie par une femme. Ce sont
des questions difficiles à formuler mais il est encore plus difficile
de trouver les bonnes réponses : vous risquez de ne pas y parvenir
seule.
Je vous propose de vous faire aider. Vous pourriez contacter SOS Violences
Conjugales au 01.40.33.80.60 (le n° n'est pas gratuit mais la répondante
peut vous rappeller). Eventuellement, vous pourriez essayer de faire
le point avec un(e) psychologue. Qu'en pensez-vous ?
Cordialement.
Yves Lambert
Merci pour
votre réponse.
Je veux bien que vous diffusiez mon message et cette adresse anonyme:
why@francite.com. Merci
de ne pas diffuser mon prénom...
Je pense que ma "culpabilisation" vient non seulement du fait
que lui me dise à chaque fois que je suis responsable, mais aussi
du fait que j'estime qu'il n'est pas conscient du mal qu'il fait, même
si cela peut paraître incroyable. Il peut être tellement
gentil et sensible...
Le plus dur pour moi, c'est d'admettre que JE NE PEUX PAS ETRE HEUREUSE
avec lui, malgré tous mes efforts... mais c'est si dur...
Deux parties de moi s'opposent en permanence: celle qui ne veux plus
de cette vie et celle qui ne peut se résoudre à le quitter.
Parfois, je veux me battre pour m'en sortir et parfois je me résigne...
car c'est si facile...
J'ai aussi toujours le sentiment qu'il a besoin de moi, car même
s'il me dit le contraire, je lui ai apporté de l'équilibre
dans sa vie et tout le monde autour de lui est d'accord sur ce point...
J'ai à plusieurs reprises fait des démarches pour voir
un psychologue, mais je ne suis jamais allée jusqu'au bout (problèmes
financiers et horaires des consultations gratuites incompatibles avec
un emploi; retour avec mon ami loin du psychologue choisi,...). Je suis
persuadée que cela pourrait m'aider même si c'est pour
me faire traiter de "folle" par mon ami. J'ai tellement
de choses à dire, tellement de choses à raconter... Lui
aurait bien besoin de faire de même mais toutes mes tentatives
pour l'en convaincre sont restés vaines.
C'est trés dur pour moi d'admettre que je me suis trompée
et de montrer mes faiblesses car j'ai toujours appris à "rester
forte" depuis le décès de ma mère il y a 7
ans. Et puis j'ai toujours réussi tout ce que j'ai entrepris
jusqu'à maintenant... Et dire que j'ai travaillé dans
un service d'aide aux victimes dans un tribunal et que je voyais des
femmes battues tous les
jours, alors que je n'étais pas dans une situation si éloignée
d'elles...
Je vais essayer de suivre vos conseils et d'aller de l'avant pour MOI.
Merci encore pour votre temps.
why@francite.com
Contrairement
à vous, je ne pense pas du tout que votre ami soit inconscient
de ce qu'il fait : il en est parfaitement conscient. Sans doute
en revanche cède-t-il à quelque chose de plus fort que
lui, une pulsion. Le reste du temps, il est très gentil,
dites-vous. Il y a en effet dans tout acteur de violence conjugale une
sorte de Dr Jekyll et Mr Hyde ... C'est la raison pour laquelle
d'ailleurs, très souvent (mais pas dans votre cas, apparemment),
les proches ignorent tout de la violence subie par certaines victimes ...
et ont ensuite bien du mal à croire qu'un "homme aussi gentil"
puisse se rendre coupable de tels actes ...
Votre compagnon pourrait se soigner. Cela suppose bien sûr sa
coopération pleine et entière et des démarches
auprès d'un thérapeute. Certaines associations prennent
en charge les auteurs de violence. Regardez
ici.
Pour ce qui est d'un psychologue, vous pourriez aller voir un thérapeute
qui soit aussi psychiatre (cabinet en ville. Evitez les psychiatres
hospitaliers.) : les consultations sont remboursées comme
n'importe quelle visite à un spécialiste et vous pourrez
choisir un rendez-vous conforme avec votre vie professionnelle.
Vous avez travaillé dans un service d'aide aux victimes :
personne n'est à l'abri de ce que vous vivez, il
n'y a pas de profil de la femme victime de violences. Vous ne devez
pas en avoir honte.
Allez de l'avant pour vous, comme vous dites. C'est ce qu'il faut faire :
pensez à vous d'abord. Vous avez droit au bonheur.
Cordialement.
Yves Lambert
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