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Femmes immigrées et violences conjugales (12/14)

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En octobre 2000, Lori Mihalich, étudiante à l'Université de Princeton, New Jersey, (actuellement avocate a Washington, DC) est venue visiter SOS Femmes Accueil et rencontrer l'équipe dans le cadre d'un travail sur la situation des femmes immigrées face à la violence conjugale en France. En mai 2001, elle nous a adressé son mémoire (en anglais, bien sûr), accompagné d'un précis en français, que nous vous proposons ci-dessous.

Télécharger le mémoire complet
Format .zip. Taille : 116 Ko. Temps : environ 15'.
Format original : microsoft word 97

© Yves Lambert
Huis Clos :
La Situation des Femmes Immigrées Battues en France

Lori K. Mihalich
Email : mihalich01@yahoo.com
Vous pouvez écrire à Lori Mihalich aussi bien en français qu'en anglais.

Les victimes de violences conjugales sont souvent prises au piège dans l'enfer d'un huis clos. Pour ces femmes, comme pour les personnages de la pièce de Jean-Paul Sartre, "l'enfer, c'est les Autres." Malheureusement, presque personne en France n'étudie les problèmes spécifiques des femmes immigrées qui sont les victimes de ce type de violence. Ce mémoire examine les rapports entre la politique d'immigration et les violences domestiques. Il étudie les difficultés sociologiques, économiques, et surtout légales, auxquelles sont confrontées les femmes immigrées battues. La conclusion de cette étude propose trois stratégies pour améliorer la situation.

Bien que ce soit une estimation, on pense qu'au moins 7 pour cent des 30,1 millions de femmes vivant en France sont chaque année victimes de violences conjugales. Ce chiffre est probablement trop bas, parce que nombre de femmes se murent dans le silence et taisent de leur difficulté. "Violence Conjugale Femmes Infos Service", un numéro vert, est une des seules sources de statistiques sur les violences domestiques au sein de la population immigrée. Plus de 20 pour cent des femmes qui ont appelé ce numéro en 1999 étaient d'origine étrangère (8,4 pour cent viennent du Maghreb et 3,9 pour cent viennent d'Afrique Noire). Le nombre de femmes du Maghreb est particulièrement disproportionnéà leur présence en France (1,2 pour cent de la population). Ces statistiques indiquent un problème grave dont l'ampleur n'est cependant pas encore suffisamment connue.

Il y a des conditions sociologiques et économiques qui rendent les femmes immigrées particulièrement vulnérables aux violences domestiques. D'abord, beaucoup d'immigrés en France viennent de pays islamiques, surtout d'Algérie, du Maroc, et de Tunisie. Dans la tradition musulmane et dans les statuts personnels de ces trois pays, les inégalités de sexe sont institutionnalisées. Des études montrent que les violences conjugales sont le résultat d'une disparité des pouvoirs entre mari et femme. Les relations patriarcales sont directement liées à la violence. Les immigrés ne laissent pas toujours leurs traditions à la frontière quand ils s'installent en France. Souvent les femmes battues pensent qu'elles provoquent la violence elles-mêmes et qu'elles méritent d'être punie.

De plus, les femmes immigrées en France sont assez isolées. La majorité ne parle pas bien le français : 57 pour cent des femmes algériennes (contre 16 pour cent des hommes algériens) et 65 pour cent des femmes marocaines et tunisiennes (contre 40 pour cent des hommes marocains et tunisiens) ne parlent pas français. Les femmes immigrées souffrent aussi beaucoup plus de ne pas travailler : 42,1 pour cent des femmes maghrébines sont sans emploi (contre seulement 21,9 pour cent des hommes maghrébins). Il est moins probable qu'une femme sans travail et ne parlant pas français quitte un mari violent, parce que ces conditions rendent toute indépendance difficile. Parfois, les hommes (souvent musulmans) vont jusqu'à séquestrer leur femme dans leur domicile et refusent l'aide des assistantes sociales. L'isolement est très dangereux pour une femme battue et peut lui être fatal. Mais, même si une femme immigrée battue surmonte les barrières culturelles et économiques et décide de quitter un mari violent, des obstacles légaux peuvent l'en empêcher si elle veut rester en France après sa séparation.

En 1992, le gouvernement Français a modernisé le code pénal. Sous le nouveau code, les peines pour actes de violences domestiques (y compris le viol matrimonial, la séquestration et les menaces) sont plus strictes qu'avant. Mais, il n'y a point de dispositions légales qui puissent résoudre les problèmes particuliers des femmes immigrées battues. Bien que ces dernières puissent avoir recours au même code pénal que les femmes françaises, les barrières linguistiques, l'isolement, les traditions culturelles, et les lois sur l'immigration les dissuadent de porter plainte contre leur mari.

Souvent, les femmes immigrées ne peuvent pas obtenir un statut de résidence autonome, ce qui est particulièrement dangereux pour les victimes de violences conjugales, parce qu'elles ne peuvent pas quitter leur mari sans être reconduites à la frontière. La deuxième loi Pasqua de 1993 stipule que les immigrés mariés à des citoyens ou résidents légaux (qui viennent sous le regroupement familial) dépendent complètement de leur mari pendant la première année passée sur le sol français. Souvent, les femmes battues décident de rester dans une relation violente au lieu d'être forcées de quitter la France. Même après cette première année, les femmes immigrées trouvent difficile d'obtenir un statut autonome. Une femme battue se trouve dépendante de son mari pour son propre statut de résidence.

Un autre problème légal qui institutionnalise les relations patriarcales au sein des familles immigrées est le fait que la France reconnaît (avec l'Article 3 du Code Civil Français et aussi avec les accords bilatéraux entre la France et les trois pays du Maghreb) les codes de statuts personnels des pays d'origine. Les résultats de cette philosophie du droit international privé sont graves pour les femmes immigrées. Par exemple, un homme immigré (qui vient d'Algérie ou du Maroc) peut rentrer dans son pays d'origine et répudier sa femme ou au moins obtenir un divorce par lequel il ne doit pas payer de pension alimentaire. Il ne pourrait jamais se séparer de sa femme de cette façon en France, mais la France reconnaît les décisions des tribunaux Algériens et Marocains. Cette reconnaissance crée un système où les inégalités de sexe sont acceptables et où les femmes immigrées sont plus susceptibles que les femmes françaises d'être soumises à des violences conjugales.

Comment réduire les violences domestiques et faire que les femmes immigrées battues soient moins vulnérables ?
En premier lieu, il faut approfondir l'étude des problèmes de ce groupe. En 1999, le gouvernement a subventionné une grande enquête et interrogé 7.000 femmes sur la question de la violence contre les femmes. Mais les résultats ne disent rien de l'origine ethnique de ces femmes : cette enquête était une occasion manquée.
En deuxième lieu, la France doit changer sa philosophie de droit international privé : elle doit respecter les lois du pays de résidence plutôt que celles du pays d'origine. Toutes les femmes qui vivent en France ne peuvent pas profiter des lois progressistes qui favorisent l'égalité entre les sexes si on continue à reconnaître les lois Islamiques.
Enfin, les législateurs français doivent voter une loi qui donnerait la possibilité aux femmes immigrées battues d'obtenir un statut de résidence légal sans avoir besoin de la permission de leur mari. La politique publique française doit surtout permettre aux femmes immigrées battues de quitter l'enfer des violences conjugales.

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