Que
vous le sachiez ou non, quelqu'un de votre entourage a un jour été
victime d'abus sexuel. Et si vous êtes psy, vous vous apercevrez rapidement
que les difficultés d'un certain nombre de personnes trouvent là
leur origine. Pour ces hommes et ces femmes meurtris, il y aura toujours un "avant"
et un "après" l'abus. Notre société préfère
souvent méconnaître ce problème, en atténuer la gravité,
voire le nier totalement. Ou alors, plein de bonne volonté mais aussi d'incompétence,
on propose aux victimes des "solutions" qui ne font qu'aggraver le traumatisme
subi. Nous
répondons dans cet article à quelques questions : Qu'entend-on
par abus sexuel ? Pourquoi la victime a-t-elle tant de mal
à parler de ce qu'elle a subi ? Quels dégâts
l'abus sexuel provoque-t-il ? Comment aider la victime à
s'en sortir ? Qui sont les abuseurs ? [retour] Qu'entend-on
par abus sexuels ? 1.
Une contrainte ou un contact Un
abus sexuel est toute contrainte (verbale, visuelle ou psychologique) ou tout
contact physique, par lesquels une personne se sert d'un enfant, d'un adolescent
ou d'un adulte, en vue d'une stimulation sexuelle, la sienne ou celle d'une tierce
personne. Un contact physique est, certes, plus grave qu'une contrainte verbale.
Mais il faut savoir que tout abus constitue une violation du caractère
sacré et de l'intégrité de la personne humaine et provoque
toujours un traumatisme. La
contrainte verbale désigne : une sollicitation sexuelle directe ; l'usage
de termes sexuels ; la séduction subtile ; l'insinuation. Tout cela
vis-à-vis d'une personne qui ne désire pas les entendre. La
contrainte visuelle concerne : l'emploi de matériel pornographique
; le regard insistant sur certaines parties du corps ; le fait de se dévêtir,
de se montrer nu, ou de pratiquer l'acte sexuel à la vue de quelqu'un.
Ici encore, sans que la personne le désire. La
contrainte psychologique désigne : la violation de la frontière
entre le relationnel et le sexuel (un intérêt excessif pour la sexualité
de son enfant) ou entre le physique et le sexuel (des lavements répétés
; un intérêt trop marqué pour le développement physique
d'un adolescent). Le
contact physique peut être : assez grave (baiser, attouchement du corps
à travers les vêtements, que ce soit par la force ou non, avec ou
sans pression psychologique ou affective), grave (attouchement ou pénétration
manuels ; simulation de rapports sexuels, contact génital, tout cela avec
ou sans violence physique), ou très grave (viol génital, anal ou
oral, obtenu de quelque manière que ce soit, par la force ou non).
2.
La stratégie de l'abuseur Un
abus n'est pas le fait du hasard de la part de celui qui le commet. Etant un pervers,
celui-ci prémédite et organise la relation en attendant le moment
où ses fantasmes vicieux lui paraîtront réalisables. La victime
ignore bien entendu tout cela. La stratégie perverse comporte en général
quatre étapes : a.
Le développement de l'intimité et du caractère confidentiel,
privilégié, de la relation Cette phase, plus ou moins longue
(de quelques heures à quelques années), vise à mettre en
confiance la future victime qui ne se doute de rien. b.
Une interaction verbale ou un contact physique apparemment "convenable "
pour la personne qui va être abusée (confidences de caractère
sexuel, caresse des cheveux, embrassade amicale). La personne n'a pas peur, et
pour cause : dans 29% des cas, son futur abuseur est un membre de la famille,
dans 60% des cas un familier ou un ami. Seuls 11% des abus sont commis par un
inconnu. c.
Une interaction sexuelle ou un contact sexuel C'est la phase de l'abus
proprement dit. Ici la victime se retrouve dans la même situation qu'un
lapin traversant une route de nuit et qui est pris dans les phares d'une voiture
: pétrifié, figé, tétanisé, incapable de réagir,
il se laisse écraser par la voiture. L'abuseur, lui, est conscient de ce
qu'il fait à sa victime. d.
La continuation de l'abus et l'obtention du silence de la victime par la honte,
la culpabilisation, les menaces ou les privilèges. Ce
silence est rarement rompu. L'abus reste un secret absolu très longtemps,
parfois toute la vie. Trois survivantes des sœurs Dionne, les célèbres
quintuplées canadiennes, ont attendu l'âge de soixante et un ans
pour révéler, dans leur biographie, qu'elles avaient été
sexuellement agressées par leur père. En gardant le silence,
la victime se fait, malgré elle, l'alliée de l'abuseur, puisque
la seule chose qu'il redoute, c'est d'être dénoncé. Le fait
de devenir ainsi, bien involontairement, son alliée, renforce le mépris
qu'elle a d'elle-même et sa culpabilité. Ce sera une des tâches
du psy de lui expliquer qu'une personne sexuellement abusée n'est jamais
ni coupable ni responsable. Elle ne pouvait pas deviner que les deux premières
étapes n'étaient qu'une stratégie de l'abuseur. Il devra
aussi lui dire qu'une personne qui est sous la domination d'un abuseur ne peut
s'en sortir qu'en le dénonçant et en révélant ce qu'elle
a subi. Or en parler est pour elle très difficile, pour plusieurs raisons. [retour] Pourquoi
une victime a-t-elle tant de mal à parler de ce qu'elle a subi ?
1.
Elle met parfois beaucoup de temps pour réaliser qu'elle a été
abusée
Le temps ne compte pas pour l'inconscient, il s'est comme arrêté
pour la victime : c'est souvent l'apparition de symptômes comme la dépression
ou des troubles sexuels qui l'incitera à laisser enfin sa souffrance refaire
surface et à accepter d'en parler. C'est le premier pas vers la guérison.
Mais parler de ce traumatisme, prendre conscience de cette vérité
: "J'ai été abusée", peut être un choc terrible.
Le conseiller aura besoin de tact et d'une grande compassion pour laisser la personne
découvrir elle-même et à son rythme, l'ampleur du drame qu'elle
a vécu. Il comprendra l'extrême répugnance qu'elle éprouve
à admettre que son corps et son âme ont été ravagés.
Elle aimerait tant oublier, ne jamais avoir vécu cela, qu'elle se réfugiera
de temps en temps dans le déni : "Cela n'a pas pu m'arriver."
La personne sera encouragée à continuer à parler si vous
croyez ce qu'elle dit (elle a absolument besoin de sentir qu'on la croit) et si
vous évitez certaines phrases destructrices comme : - Il a juste fait
une erreur, comme nous en faisons tous. - Ce n'est arrivé qu'une fois,
après tout. - Il est temps que vous tourniez la page. - Ça
s'est passé il y a si longtemps 2.
Elle se sent coupable Dans
son for intérieur, sans même le dire ouvertement, la personne pense
: - Est-ce que ce n'était pas un peu de ma faute ? - Est-ce que
je n'aurais pas pu l'éviter ? - Est-ce que, placé dans ma situation,
quelqu'un d'autre aurait réussi à résister, à se débattre,
à s'enfuir ? Le
psy peut aller au devant des questions qu'elle n'ose pas exprimer en lui demandant
: - Qui
détenait le pouvoir (parental, spirituel, moral, organisationnel, physique,
psychologique) ? - Qui était l'adulte ? Le repère social
? Le référent ? - Qui était l'instigateur, l'organisateur
de cet abus ? - Qui pouvait y mettre fin ? Il
peut lui faire comprendre que sa culpabilité est liée au décalage
entre son vécu passé (et les raisons pour lesquelles elle n'a pu
empêcher d'être abusée : son jeune âge, son ignorance,
sa totale confiance) et son vécu actuel, où elle est plus âgée,
moins ignorante, moins naïve et où elle sait se protéger.
Elle se croit coupable parce qu'elle regarde les événements passés
avec les yeux de l'adulte avertie qu'elle est aujourd'hui. Or, à l'époque,
elle ne possédait pas les protections suffisantes pour empêcher l'abus.
On peut aussi l'aider à différencier le point faible dont s'est
servi le pervers, par exemple un besoin de tendresse tout à fait légitime,
une confiance aveugle, et le crime qu'il a commis, en profitant de ce besoin légitime
d'affection ou de cette confiance, pour assouvir ses désirs immoraux.
Déconnecter ces deux éléments est souvent un moment de vérité
et un soulagement pour la personne, qui fait son deuxième pas vers la guérison
quand elle ne se sent plus responsable. Mais le chemin sera encore long jusqu'à
la cicatrisation de la blessure. La précipitation et l'impatience sont
par conséquent les grands ennemis du conseiller (et du client) dans ce
domaine. 3.
Parler peut lui coûter cher A
chaque fois que la personne abusée se replonge dans l'horreur de son passé,
elle doit payer un prix très élevé. En essayant d' "oublier"
l'abus, de tourner la page, elle avait construit un certain équilibre,
par exemple avec ses proches. Si elle décide de faire éclater
la vérité, elle risque de désorganiser cet équilibre
factice et de susciter des pressions de ses proches. Il se trouve toujours de
faux "bons conseillers" soucieux de leur tranquillité et du qu'en
dira-t-on, qui l'accuseront de mentir ou d'exagérer, lui reprocheront de
réveiller le passé et l'inciteront à oublier, voire à
"pardonner" ; le comble est qu'elle risque même d'être perçue
comme responsable de l'abus. Le psy devra donc la soutenir, l'encourager et
assurer sa protection matérielle et psychologique. Il l'aidera à
évaluer le prix de la lutte qu'elle devra mener pour sortir du bourbier
de l'abus sexuel et à réaliser que son désir de s'en sortir
sera souvent contrecarré par ceux qui devraient le plus l'assister : sa
famille ou les responsables des institutions. Il est à noter que lorsque
l'abuseur fait partie d'une institution, quelle qu'elle soit, celle-ci décide
souvent, par peur du scandale, de le "couvrir" et donc de rester dans
le déni de l'abus, plutôt que de reconnaître publiquement l'existence
d'un pervers sexuel au sein de l'institution. Il y a un consensus de réprobation
sur la personne qui a le courage de remuer ces choses immondes : qu'elle continue
à être comme une morte vivante, ce n'est pas grave. Ce qui est le
plus important, c'est qu'elle se taise. 4.
Elle souffre de la honte Sartre
a dit de la honte qu'elle est "l'hémorragie de l'âme".
Un abus sexuel marque la personne au fer rouge, la souille, la pousse à
se cacher des autres. La honte est un mélange de peur du rejet et de colère
envers l'abuseur, qui n'ose pas s'exprimer. Le sentiment juste qu'elle devrait
éprouver est la colère. Eprouver ce sentiment libérateur
l'aidera à sortir de la honte. Il faut parfois du temps pour qu'elle parvienne
à exprimer son indignation face à l'injustice qui lui a été
faite. Cette expression de la colère pourra se faire soit de manière
réelle, face au coupable, soit, si ce n'est pas possible pour sa sécurité
personnelle, de manière symbolique. Dans tous les cas, c'est à la
victime à en décider. La honte est liée au regard que
la victime porte sur elle-même ; elle se voit comme souillée à
vie. C'est son regard qui devra changer. Elle se pansera en changeant sa manière
de se penser. 5.
Le mépris Se
sentant honteuse, la personne abusée a deux solutions : se mépriser
elle-même ou mépriser l'abuseur et ceux qui lui ressemblent. Dans
les deux cas, le résultat est le même : elle s'autodétruit,
car la haine de soi ou la haine de l'autre sont toutes les deux destructrices.
Le mépris d'elle-même peut concerner son corps, sa sexualité,
son besoin d'amour, sa pureté, sa confiance. Ce mépris de soi
a quatre fonctions : il atténue sa honte, étouffe ses aspirations
à l'intimité et à la tendresse (se mépriser anesthésie
le désir), lui donne l'illusion de maîtriser sa souffrance et lui
évite de rechercher la guérison de son être. Lorsque le
mépris de soi est très intense, il peut pousser à la boulimie,
à la violence contre soi et au suicide ; dans ces trois cas, la personne
châtie son propre corps parce qu'il existe et qu'il a des désirs.
6.
Le véritable ennemi Si
l'on demande à une personne qui a subi un abus sexuel quel est son ennemi,
elle répondra sans doute : "C'est le coupable de l'abus." Cela
semble tellement évident. La victime a le choix : soit elle combat,
en cultivant sa haine envers l'abuseur, en ruminant une vengeance contre lui ;
soit elle fuit, en cherchant à oublier, en s'endurcissant pour ne plus
souffrir, en se repliant sur elle-même, en devenant insensible, de manière
à ne plus ressentir ni émotion ni désir. Mais ces deux
solutions sont vaines, car l'ennemi n'est pas l'abuseur. Certes, il représente
un problème, mais la bonne nouvelle est qu'il n'est pas le problème
majeur. Le véritable adversaire, c'est la détermination de la personne
à rester dans sa souffrance, dans sa mort spirituelle et psychique et à
refuser de revivre. L'ennemi réside donc, paradoxalement, dans la victime
elle-même ! Ce troisième pas vers la guérison est sans
doute le plus difficile à franchir. La personne doit comprendre qu'elle
a devant elle la vie et la mort, et qu'il n'appartient qu'à elle de rester
dans la mort ou de choisir de revivre. Lorsque le conseiller sent qu'elle
a pris la décision de sortir de la pulsion de mort pour entrer dans la
pulsion de vie, il aura alors sans doute l'occasion de parler avec elle des trois
grands dégâts que l'abus a produits dans sa vie et qui devront être
réparés. [retour] Les
dégâts produits par l'abus sexuel Ces
dégâts constituent un torrent tumultueux qui balaie tout dans l'âme,
et qui inclut : le sentiment d'impuissance, celui d'avoir été trahi
et le sentiment d'ambivalence, ainsi que plusieurs autres symptômes. 1.
Le sentiment d'impuissance L'abus
sexuel a été imposé à la victime. Qu'il se soit produit
une fois ou cent fois, avec ou sans violence, ne change rien au fait qu'elle a
été dépossédée de sa liberté de choix. a.
Ce sentiment provient de trois raisons Elle
n'a pas pu changer sa famille dysfonctionnelle, s'il s'agit d'un inceste. Ses
proches ne l'ont pas protégée comme ils auraient dû le faire,
sa mère ou sa belle-mère n'a rien vu ou fait semblant de ne rien
voir. Que l'abus
ait été accompagné de violence ou non, qu'il y ait eu douleur
physique ou non, la victime n'a pu y échapper, ce qui crée en elle
faiblesse, solitude et désespoir. De plus, le coupable se sert de la menace
ou de la honte pour la réduire au silence et recommencer en toute impunité,
ce qui augmente son impuissance. Elle
ne parvient pas à mettre un terme à sa souffrance présente.
Seule, la décision de se supprimer anesthésierait sa douleur, mais
elle ne peut s'y résoudre, alors elle continue à vivre, et à
souffrir. b.
Ce sentiment d'impuissance entraîne de graves dommages La
personne abusée perd l'estime d'elle-même, doute de ses talents et
se croit médiocre. Elle
abandonne tout espoir. Elle
insensibilise son âme pour ne plus ressentir la rage, la souffrance, le
désir ou la joie. Elle enfouit et refoule dans son inconscient les souvenirs
horribles de l'agression sexuelle. A
force de renoncer à sentir la douleur, elle devient comme morte. Elle perd
le sentiment d'exister, semble étrangère à son âme
et à son histoire. Elle
perd le discernement concernant les relations humaines, ce qui explique que les
victimes d'abus tombent souvent à nouveau sous la coupe d'un pervers, ce
qui renforce leur sentiment d'impuissance. 2.
Le sentiment d'avoir été trahi Beaucoup
de gens ignorent le nom des onze autres apôtres, mais connaissent Judas,
le traître. Pourquoi ? Parce que la plupart des gens estiment que rien n'est
plus odieux que d'être trahi par quelqu'un qui était censé
vous aimer et vous respecter. La personne abusée se sent trahie non
seulement par l'abuseur en qui elle avait confiance, mais aussi par ceux qui,
par négligence ou complicité, ne sont pas intervenus pour faire
cesser l'abus. Les conséquences de la trahison sont : une extrême
méfiance et la suspicion, surtout à l'égard des personnes
les plus aimables ; la perte de l'espoir d'être proche et intime avec autrui
et d'être protégée à l'avenir, puisque ceux qui en
avaient le pouvoir ne l'ont pas fait ; l'impression que si elle a été
trahie, c'est parce qu'elle l'a mérité, du fait d'un défaut
dans son corps ou dans son caractère.
3. Le sentiment d'ambivalence Il
consiste à ressentir deux émotions contradictoires à la fois.
Ici, l'ambivalence gravite autour des sentiments négatifs (honte, souffrance,
impuissance) qui ont parfois été simultanément accompagnés
du plaisir, qu'il soit relationnel (un compliment), sensuel (une caresse), ou
sexuel (le toucher des organes), dans les premières phases de l'abus.
Le fait que le plaisir soit parfois associé à la souffrance entraîne
des dommages considérables : la personne se sent responsable d'avoir
été abusée, puisqu'elle y a "coopéré"
en y prenant plaisir ; le souvenir de l'agression peut revenir lors des rapports
conjugaux ; elle ne parvient pas à s'épanouir dans sa sexualité
qui est pour elle trop liée à la perversité de l'abuseur
; elle contrôle et même s'interdit le plaisir et donc son désir
sexuel. Le conseiller doit expliquer à la personne qu'elle n'est pas
responsable d'avoir éprouvé un certain plaisir, car il est normal
qu'elle ait apprécié les paroles et les gestes de "tendresse"
de l'abuseur. C'est la nature qui a donné à l'être humain
cette capacité à ressentir du plaisir. Ce qui n'est pas normal,
c'est la perversion de celui qui a prémédité ces attitudes
affectueuses pour faire tomber une proie innocente dans son piège. C'est
lui le seul responsable. 4. Quelques
autres symptômes On
pensera à un éventuel abus sexuel si le client : -
Souffre de dépressions à répétition. - Présente
des troubles sexuels : manque de désir, dégoût, frigidité,
impuissance, crainte ou mépris des hommes ou des femmes, peur de se marier,
masturbation compulsive. Chez l'enfant, ce trouble de l'auto-érotisme,
ainsi que certaines énurésies, peuvent faire penser à un
abus sexuel. - Se détruit par l'usage abusif d'alcool, de drogue ou
de nourriture. L'obésité, en particulier, permet à des jeunes
filles ou à des femmes qui ont été violées de se rendre,
inconsciemment, moins attirantes et de se protéger ainsi contre une autre
agression. - Souffre de maux de ventre, d'infections gynécologiques
à répétition. - A un style de relation avec les autres
très caractéristique : soit il est trop gentil avec tout le monde,
soit il est inflexible et arrogant, soit enfin il est superficiel et inconstant. [retour] Aider
la victime à revivre Celle-ci
devra cesser d'écouter les voix intérieures qui la maintiennent
dans la culpabilité et la honte et se mettre à l'écoute de
la voix de la vérité, qui la conduira vers la libération.
Elle devra aussi abandonner les voies sans issues que des personnes bien intentionnées
mais incompétentes (des aidants "peu aidés" !) lui proposent
: nier l'abus, le minimiser, oublier, pardonner au coupable sans que celui-ci
se soit sérieusement repenti, tourner la page, cesser de se plaindre, etc.
La voie menant à un mieux-être comprend deux étapes : regarder
la réalité en face, et décider de revivre. 1.
Regarder la réalité en face La
personne devra peu à peu retrouver les souvenirs de l'abus, admettre les
dégâts et ressentir les sentiments adéquats. a.
Retrouver les souvenirs de l'abus La victime préfère
souvent les oublier, tant cela la dégoûte ou la terrifie. Ou alors
elle les raconte froidement, comme si c'était arrivé à quelqu'un
d'autre. Mais ce déni est un obstacle à la guérison. L'abus
ne doit pas être gommé, mais nommé. Avec beaucoup de tact,
on l'encouragera à remonter dans le passé, parfois très lointain,
car seul un abcès vidé peut cicatriser. Le retour des souvenirs
refoulés se fera progressivement au cours de la psychothérapie.
L'inconscient de la personne collabore activement par le moyen de rêves,
ou d'images qui lui reviennent à l'esprit. Certains événements
font aussi resurgir les traumatismes oubliés, par exemple : une rencontre
avec l'abuseur, une grossesse, la ménopause, un autre abus, le fait qu'un
de ses enfants atteigne l'âge qu'elle avait lorsqu'elle a été
abusée, le fait de se retrouver sur les lieux de l'agression, ou le décès
du coupable. b.
Admettre les dégâts Ce retour pénible dans le
passé va lui permettre d'admettre les dures vérités suivantes
: J'ai été
victime d'un ou de plusieurs abus sexuels. C'est un crime contre mon corps et
contre mon âme. Etant
victime, je ne suis en rien responsable de ce crime, quoi que j'aie pu ressentir.
Suite à ces
abus, je souffre de sentiments d'impuissance, de trahison et d'ambivalence.
Ma souffrance est
intense, mais la cicatrisation est possible, si j'admets qu'il y a eu blessure.
Cette cicatrisation
prendra du temps. Je
ne dois pas recouvrir mon passé d'un voile de secret et de honte ; mais
je ne suis pas non plus obligé d'en parler au premier venu. c.
Ressentir les sentiments adéquats La
culpabilité (qui est un sentiment racket très fréquent ici),
la honte, le mépris, l'impuissance, la haine, le désespoir, devront
peu à peu être remplacés par les sentiments plus adéquats
que sont la colère envers l'abuseur et ses complices, et la tristesse face
aux dégâts subis. Cette tristesse ne doit pas mener à la mort,
au désespoir, mais à la vie, c'est-à-dire à une foi,
une espérance et un amour renouvelés. Le conseiller favorisera
l'expression de ces deux sentiments, de manière réelle ou symbolique,
mais toujours en toute sécurité, à savoir dans le cadre protégé
des séances de relation d'aide. 2.
Décider de revivre Pourquoi
une victime d'abus sexuel devrait-elle décider de revivre, après
tout ce qu'elle a souffert et souffre encore ? Tout simplement parce qu'il est
meilleur pour elle de choisir la vie et non la mort. Choisir de revivre signifiera
pour elle : a.
Refuser d'être morte Elle trouve normal de vivre avec un corps
et une âme morts ; paradoxalement, cela lui permet de survivre, en ne risquant
plus de ressentir la joie ou la douleur. b.
Refuser de se méfier La victime se méfie de tous les
êtres humains. Une femme violée, en particulier, voit tout "mâle"
comme étant le "mal". Elle devra apprendre à transformer
sa méfiance envers les hommes en vigilance, ce qui est tout différent. c.
Ne plus craindre le plaisir et la passion Ces deux éléments
la ramènent au drame qu'elle a subi, alors elle les fuit. Ce faisant, elle
se prive de ces deux dons. Ayant été victime du désir
(pervers, mais désir tout de même) de quelqu'un, elle "jette
le bébé avec l'eau du bain", c'est-à-dire qu'en rejetant
l'abus qu'elle a subi, elle rejette en même temps tout désir, même
le sien. Elle doit réaliser que ce n'est pas parce que quelqu'un a
eu un désir pervers envers elle qu'elle doit désormais renoncer
à son propre désir. d.
Oser aimer à nouveau Elle devra progressivement renoncer
à ses attitudes autoprotectrices et à son repli sur elle-même
pour goûter à nouveau à la joie d'aimer les autres et de nouer
des relations chaleureuses et sûres. Elle quittera sa carapace pour
retrouver un cœur tendre, capable de prendre le risque d'aimer ceux qu'elle rencontre.
Elle abandonnera ses défenses, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne s'entourera
pas de protections. Une protection n'est pas une défense. Elle découvrira
alors que, s'il est vrai qu'une ou plusieurs personnes l'ont trahie, la grande
majorité des autres sont dignes de confiance. [retour] Le
dévoilement des abuseurs
1. Qui sont-ils ?
En très grande majorité ce sont des jeunes gens ou des hommes,
provenant de toutes les classes de la société et de tous les milieux.
Souvent, ils font partie de l'entourage de la victime : un camarade, un voisin,
un chef scout ou un animateur de jeunes, un baby-sitter, un enseignant, un patron,
un collègue de travail, un prêtre, etc. Ce sont aussi très
souvent des membres de la famille : le père, l'oncle, le grand-père,
le grand-oncle, le beau-père (de plus en plus fréquemment du fait
de l'augmentation des remariages et des familles recomposées), le frère,
le demi-frère ou le quasi frère, le beau-frère, le cousin,
etc. On parle alors d'inceste ou d'abus sexuel intra-familial. Il s'agit,
plus rarement, d'une personne inconnue de la victime. Il est à noter
que 80% des agresseurs ont été eux-mêmes victimes d'abus dans
le passé, ce qui ne les excuse nullement, mais peut expliquer en partie
leur comportement. 2. Le dévoilement Une
victime a beaucoup de mal à dénoncer son agresseur ; elle révèlera
plus facilement l'abus lui-même. Pourtant, cette dénonciation a une
grande portée thérapeutique et il faut l'encourager à rompre
le silence. Une fois dite à un autre, la parole devient inter-dite et non
plus interdite, comme le voulait le pervers. Mais cette dénonciation
est souvent mal acceptée par la société. Tant qu'une personne
sexuellement abusée ne dénonce pas le coupable, elle est considérée
comme victime. Mais le jour où elle décide d'en référer
à la Justice, on la considère alors comme coupable d'accuser quelqu'un,
et le crime commis envers elle va être nié. C'est pourquoi par
exemple la grande majorité des femmes violées se résignent
à rester des victimes à vie et donc à se taire, par peur
d'être en fin de compte accusées du crime qu'elles dénoncent.
Or, elles ne devraient jamais hésiter à rendre le poids du crime
à celui à qui il appartient : le violeur. Il faut néanmoins
savoir que, si porter plainte a une portée thérapeutique, le processus
judiciaire est long, pénible et coûteux. Les interrogatoires répétés,
le manque de respect et de tact de certaines personnes , la honte de dévoiler
son histoire devant tout le monde, l'impression de ne pas être crue, entraînent
ce que l'on appelle une victimisation secondaire. A chaque fois qu'elle relate
le viol, la femme se sent à nouveau violée. Le soutien, matériel
et psychologique, d'organismes spécialisés dans l'aide aux victimes
d'abus sexuels, est précieux dans ce genre de démarche, d'autant
plus que le jugement prononcé sur le coupable, souvent trop clément,
semble décevant et injuste à la victime et ravive sa douleur.
Si vous êtes mis au courant d'un cas d'abus sexuel, la première chose
à faire est d'éloigner la victime de l'abuseur, afin d'éviter
que ce dernier ne recommence. Dans le cas particulier d'abus sexuel sur mineur,
la deuxième démarche est d'informer les autorités compétentes
(services sociaux et police). La loi vous fait obligation de ce dévoilement,
et vous devez dans ce cas-là rompre le secret professionnel, sinon vous
risquez d'être considéré par la loi comme complice. Cette
dénonciation vise à protéger la victime et les autres victimes
potentielles, et à obliger le coupable à arrêter ses agissements.
3. Les réactions des abuseurs
à leur dévoilement Un
récent Colloque européen sur les violences sexuelles a établi
que 82% des abuseurs n'admettent pas leur responsabilité (53% nient même
totalement les faits). Seuls 18% d'entre eux admettent les faits, et encore parce
qu'ils y sont obligés après confrontation avec les victimes, et
non sans les accuser de les avoir "provoqués". Cette négation
des faits leur permet de persévérer dans leur perversion, et donc
de ne pas être privés de leur jouissance, qui seule compte pour eux.
Quand ils ne peuvent plus nier les faits, ils les admettent en minimisant ou en
niant les conséquences désastreuses sur les victimes, surtout si
l'abus a été exempt de violence physique. S'ils ont du remords ou
du regret, ce n'est jamais de leurs crimes, mais de s'être fait prendre
et de devoir cesser. Si un psy se montre indulgent envers un pervers, parce
qu'il désire régler rapidement une situation qui le dépasse
ou le dégoûte, il risque d'être manipulé par l'abuseur
qui fera preuve d'un "repentir" à bon marché pour continuer
en paix ses activités vicieuses cachées. Il se fait ainsi son complice,
ce qui est grave. Une réaction possible du coupable d'abus est la suivante
: il salit et s'allie. Il salit les victimes ou d'autres personnes innocentes
en les accusant du mal que lui-même commet ; ce faisant, il soulage ainsi
sa culpabilité. Par ailleurs, il s'allie ceux qui peuvent devenir ses alliés
et ses défenseurs (un père incestueux s'allie sa femme pour qu'elle
le laisse abuser de leur fille). Un pervers qui est dévoilé
et qui refuse de se repentir peut tomber dans la panique, la dépression,
l'alcool ou le suicide ; plus souvent il s'endurcit et continue de manière
accrue ses pratiques. Il est extrêmement rare qu'un délinquant
sexuel se repente réellement, (tout au plus exprimera-t-il quelques vagues
"regrets"), mais il faut toujours lui en donner l'occasion.
En conclusion, tout thérapeute devrait avoir à cœur de se former
dans ce domaine si particulier, s'il veut s'occuper de personnes ayant souffert
de ce drame que constitue l'abus sexuel.
Jacques
et Claire Poujol Conseillers
Conjugaux et Familiaux Site
web: www.relation-aide.com
(Extrait
du livre de Jacques et Claire Poujol : Manuel de relation d'aide : l'accompagnement
spirituel et psychologique, Empreinte Temps Présent, 1998.) Bibliographie Abus
sexuel. L'enfant mis à nu, Gijsechem (Van) Hubert, Méridien
Psychologie. La personnalité de l'abuseur sexuel, Gijseghem
(Van) Hubert, Méridien Psychologie. La violence impensable, inceste
et maltraitance, Gruyer F., Fadier-Nisse M., Dr Sabourin. Le viol du
silence, Thomas Eva, Aubier. Le viol, Brownmiller Susan, Stock.
Le viol, Lopez Gérard, Piffaut Gina, Que sais-je ? n° 2753,
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